Histoire naturelle de l'infection à VIH
I. Phase aiguë de primo-infection
- Elle survient quinze jours à deux mois après la contamination.
- Elle est cliniquement apparente seulement dans environ 30 % des cas.
- Les manifestations peuvent être variées : fièvre, céphalées, éruption cutanée, myalgie, adénopathies, parfois atteinte neurologique.
- Le tableau est peu spécifique et souvent proche d'une infection virale banale. L'évolution est favorable en quelques semaines spontanément. Le plus souvent cette phase passe inaperçue.
- C'est durant cette période que l'organisme va fabriquer les anticorps spécifiques du VIH qui pourraient être décelés par le test de dépistage de l'infection.
II. Phase asymptomatique ou d'infection chronique
- Elle correspond à une phase où le virus est présent mais n'engendre pas de symptôme.
- Le sujet est séropositif (test de dépistage positif).
- Le virus est présent, en multiplication mais contrôlé par le système immunitaire de l'organisme.
Souvent il existe à ce stade des adénopathies généralisées et persistantes, correspondant à la stimulation des défenses de l'organisme. Leur présence n'est pas un signe de progression de la maladie.
III. Phase symptomatique
La destruction des lymphocytes CD4 entraîne un affaiblissement progressif du système immunitaire qui peut se traduire par des manifestations cliniques et/ou des pathologies plus ou moins graves n'entrant pas dans la définition du sida.
Ces symptômes sont parfois d'allure banale et non spécifiques de la maladie VIH. Il s'agit principalement d'atteintes cutanées avec prurit : zona, herpès, dermite séborrhéique, sécheresse cutanée, modification du cheveu ; d'atteinte des muqueuses : candidoses ; d'infections pulmonaires, de troubles digestifs : diarrhée.
Certains symptômes généraux peuvent également apparaître, qui correspondent souvent à des signes de progression de la maladie sans entrer dans la définition du sida.
Ils sont parfois regroupés sous le thème de ARC (AIDS related complex) :
- fièvre persistante (quelques semaines) > 38,5°,
- sueurs nocturnes, altération de l'état général,
- amaigrissement involontaire de plus de 10 % du poids,
- diarrhée persistante (> à 1 mois).
IV. Le sida
Une liste de pathologies survenant chez le sujet infecté par le VIH définit le sida.
Il s'agit en général d'infections opportunistes qui se développent à la faveur du déficit immunitaire mais il peut également s'agir de tumeur (Kaposi, lymphome...) ou de pathologies liées au virus du VIH lui-même (atteinte cérébrale et neurologique périphérique, cachexie...).
Le diagnostic précis des infections et/ou du taux de lymphocytes CD4 n'est guère applicable en Afrique.
Pour tenir compte de cette réalité, une définition plus clinique du sida a été adaptée pour l'Afrique. Ainsi qu'une définition commune aux pays du Nord et du Sud (CDC/OMS 1987) (tableau 1).
Bien entendu, l'accès aux tests sérologiques VIH aide à poser le diagnostic (carte).
V. Temps de progression vers le sida
- L'histoire de la maladie est variable d'un individu à l'autre.
- La durée d'évolution de la maladie peut être étudiée à travers le suivi de cohortes de sujets contaminés.
- La difficulté est souvent de connaître la date de la contamination qui est différente de la date de la première sérologie positive.
- Peu d'études larges ont pu être menées.
- Cette évolution est également influencée par la prise en charge thérapeutique éventuelle de l'infection. Taux de progression vers le sida (Études européennes, Etats-Unis) :
- 5 ans après la contamination : 10-29 %,
- 10 ans après la contamination : 35-55 %,
- 15 ans après la contamination : 75 %.
Il existe très peu d'études africaines. Souvent ces études se heurtent à la méconnaissance de l'ancienneté de l'infection et aux difficultés du suivi des cohortes.
Des études zaïroises montrent le taux de progression à deux ans d'un groupe de patients asymptomatiques qui est de 31 % (15 % de sida) mais la date de contamination est inconnue.
Quelques études vont dans le sens d'une progression plus rapide vers le sida chez les patients africains infectés par le VIH-1, plus en raison de l'environnement socio-économique et la difficulté d'accès aux soins qu'en raison d'une agressivité plus importante du virus.
Il faut rappeler que les suivis de cohorte confirment également qu'il existe des patients non progresseurs à long terme, c'est-à-dire ne développant pas de baisse significative de l'immunité plus de dix ans après la contamination.
Dans une cohorte américaine, 8 % des patients appartiennent à ce groupe dix ans après la contamination.
VI. Cas particulier des enfants
contaminés à la naissance par le VIH
Pour les 20 % véritablement infectés, il existe deux types d'évolution vers le sida : tous les enfants sont séropositifs à la naissance (anticorps VIH transmis par le placenta).
Heureusement 80 % ne sont pas contaminés par le virus : ils vont négativer leur sérologie vers 12-16 mois.
- Pour environ 20 % des enfants contaminés, il existe une forme rapidement évolutive avec apparition précoce du sida et un décès survenant le plus souvent à moins de cinq ans.
Les facteurs de risque de cette évolution semblent être essentiellement le fait que la mère présente déjà une immunodépression sévère ou un sida, que la contamination est précoce, et que l'âge de la mère est plus élevé. - Pour les 80 % des enfants restants, l'évolution se fait de façon lente comme chez l'adulte.
VII. Facteurs prédictifs de l'évolution vers le sida
1. Facteurs cliniques
Les risques cliniques en faveur d'une progression de l'immunodépression annoncent souvent une évolution possible vers le sida dans les mois ou années qui suivent.
Il s'agit principalement de :
- la candidose buccale,
- la leucoplasie chevelue de la langue,
- les signes constitutionnels : fièvre, amaigrissement, asthénie, sueurs nocturnes, diarrhée chronique.
2. Facteurs biologiques
Quand ils sont disponibles, les paramètres biologiques ont une valeur pronostique importante :
Lymphopénie T CD4+ est le marqueur le plus habituel de l'importance de l'immunodépression.
Quand elle est inférieure à 200/mm3, le risque de progression vers le sida dans les cohortes nord-américaines ou européennes est de 87 % à trois ans.
Cette mesure très utile se heurte en Afrique à un coût élevé et une disponibilité rare. Un reflet indirect peut être le nombre absolu de lymphocytes.Mesure de la réplication virale VIH (antigène P24) correspondant à un reflet des virus circulants.
De nouvelles techniques se développent actuellement pour mesurer la charge virale VIH par biologie moléculaire (PCR).
Cela permet de savoir l'importance de la réplication virale mais l'intérêt de ces examens est encore mal codifié et leur coût reste important, les rendant inapplicables en Afrique.
VIII. Facteurs influençant l'évolution de la maladie
L'âge supérieur à quarante ans au moment de la contamination est un facteur péjoratif d'évolution de la maladie quel que soit le mode de contamination.
L'existence d'une primo-infection clinique (c'est-à-dire avec manifestations cliniques décelables) est un facteur favorisant une évolution plus rapide vers le sida.
Le type de virus contaminant : il existe des virus plus pathogènes et favorisant une progression plus rapide de la maladie (virus résistant à l'AZT, producteur de Syncitia). Le virus venant d'un sujet au stade sida est potentiellement plus pathogène.
L'état nutritionnel : plusieurs études montrent que le mauvais état nutritionnel (carence vitaminique, en oligo-éléments) aggrave l'infection. Un meilleur état nutritionnel ralentirait l'évolution de la maladie.
Les autres facteurs sont hypothétiques : alcool, tabac, mode de transmission par toxicomanie ou transfusion.
De nombreuses études sont en cours sur le rôle des cofacteurs infectieux : cryptocoque, cytomégalouirus, mycoplasme... mais aucune conclusion claire n'a pu être avancée.
IX. Conclusion
Il existe une grande variabilité d'un individu à l'autre dans la progression de la maladie VIH.
Les suivis de cohorte ne peuvent donner que des éléments statistiques et des moyennes qui ne peuvent s'appliquer à un individu particulier.
Une bonne prise en charge médicamenteuse et médicale, mais aussi une alimentation satisfaisante et un soutien social efficace, permettent probablement de gagner quelques années d'espérance de vie.
Il existe des sujets non progresseurs à long terme (> à 15 ans) qui sont source d'espoir de même que des individus naturellement résistants au virus.
Ils constituent des pistes de traitement ou de vaccination.
L'histoire naturelle de cette infection reste encore mal connue, en particulier en Afrique, ainsi que les facteurs qui l'influencent, mais il apparaît de plus en plus que la pauvreté, avec ses conséquences institutionnelles, y constitue un facteur péjoratif, de même que les infections opportunistes du type tuberculose.
### De l'adulte en Afrique
#### Critères majeurs
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### De l'enfant en Afrique (Bangui 1986)
#### Critères majeurs
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Développement et Santé, n°122, avril 1996