Hernies inguinales étanglées

Par Dr. Fazia Rouifed Chirurgien, Hôpital d'Avicenne, Bobigny, France.

Publié le

La hernie étranglée est l'une des urgences chirurgicales les plus fréquentes. Sa gravité est liée au fait quelle peut entraîner une occlusion intestinale aiguë par strangulation d'une anse digesti­ve au niveau du collet du sac herniaire.
Cet étranglement interrompt non seulement le transit intestinal, ce qui provoque l'occlusion, mais aussi le flux veineux puis artériel de l'anse étranglée, ce qui peut aboutir à une nécrose de l'anse. Il faut donc opérer rapidement ces patients afin d'éviter ces complications.

I. Rappel anatomique

Figure 1 : hernie inguinale

La région de l'aine (région inguinale) est une région frontalière entre la paroi abdominale antéro-latérale, la racine de la cuisse et la région génitale externe. Elle est centrée par un pertuis ostéo-musculaire, l'orifice musculo­pectinéal, par lequel passent le pédicule vas­culaire du membre inférieur, le cordon sper­matique chez l'homme et le ligament rond chez la femme. La station debout expose et élargit cet orifice qui subit les effets de la pres­sion abdominale.

Le ligament inguinal (ou arcade crurale) est tendu de l'épine antéro-supérieure à l'épine du pubis et sépare l'abdomen de la cuisse.
La hernie inguinale prend naissance au-dessus du ligament inguinal et la hernie crurale en dessous.

II. Diagnostic

1. Forme type : la hernie inguinale étranglée

Une hernie inguinale non compliquée se manifeste par une tuméfaction :

  • non douloureuse,
  • expansive à la toux et lors d'efforts entraî­nant une hyperpression intra-abdominale (défécation, dysurie),
  • réductible : son contenu est facilement repoussé dans l'abdomen par pression de la main.

Figure 2 : hernie étranglée

a) La forme aiguë

Le patient consulte pour l'apparition brutale d'une douleur importante située au-dessus du pli de l'aine avec une tuméfaction tendue, irréductible (si la hernie était déjà connue, le patient n'arrive plus à la renter avec la main) et non expansive à la toux.

b) La forme évoluée

Le patient est dans un tableau d'occlusion intestinale aiguë :

  • vomissements d'abord bilieux puis fécaloïdes ;
  • douleurs abdominales diffuses à tout l'abdo­men;
  • arrêt des matières et des gaz ;
  • ballonnement abdominal diffus.

C'est l'examen des orifices herniaires, systé­matique devant tous syndrome occlusif, qui donne le diagnostic de hernie étranglée en retrouvant une tuméfaction douloureuse et irréductible de l'aine.

2. Formes cliniques

a) Hernie crurale

La tuméfaction douloureuse se trouve en dessous du ligament musculo-pectinéal. Cette hernie se voit surtout chez la femme âgée et le diagnostic est souvent porté au stade d'occlusion intestinale aiguë.

b) Phlegmon pyo-stercoral

On l'observe dans les hernies étranglées vues tardivement, au stade de sphacèle et de gan­grène de l'anse strangulée.

Il se manifeste par une altération de l'état général avec :

  • parfois des signes de choc septique : hypo­tension, marbrures des membres inférieurs, hypothermie,
  • une fièvre.

La tuméfaction inguinale est inflammatoire, rouge, chaude, et douloureuse avec parfois, à la palpation, une crépitation gazeuse témoi­gnant d'une gangrène locale.

III. Prise en charge

Une fois le diagnostic fait, il faut adresser le patient en urgence à l'hôpital le plus proche ayant un service de chirurgie générale.

1. Devant un syndrome occlusif associé à l'étranglement herniaire

Evaluer le retentissement de l'occlusion sur l'état général en recherchant :

  • des signes de déshydratation, sueur, pli cutané,
  • une accélération du pouls, une hypotension, une diminution de la diurèse,
  • des vomissements abondants et fécaloïdes.

2. Conduite à tenir

  • Mise en place d'une voie veineuse périphé­rique.
  • Bilan biologique : NFS, ionogramme san­guin, bilan pré-opératoire.
  • Pose d'une sonde nasogastrique en cas d'occlusion intestinale associée, en aspira­tion douce continue si possible, sinon en siphonage (reliée à une poche posée au sol). Elle permettra d'évaluer les pertes dues aux vomissements et d'éviter l'inhalation de liqui­de gastrique en cas de vomissements au moment de l'anesthésie.
  • Antibiothérapie pour éviter la multiplication bactérienne dans le liquide de stase dans l'intestin (pénicilline et métronidazole).
  • Correction des pertes hydro-électrolytiques (stase intestinale, vomissements, aspiration gastrique).
  • Antalgiques et antispasmodiques.

IV. Traitement chirurgical

1. Principe

a) Traiter le sac herniaire et son contenu

Cette étape permet de lever l'étranglement et de traiter l'occlusion.

Elle consiste à ouvrir le sac herniaire pour examiner son contenu et en apprécier l'état :

  • si l'anse digestive est viable, non nécrosée, la réintégrer dans l'abdomen,
  • si l'anse n'est pas viable, la réséquer et faire l'anastomose des deux extrémités en zone saine.

Le sac herniaire est ensuite refermé.

b) Réparer la paroi pour éviter la récidive de la hernie

Plusieurs procédés chirurgicaux existent pour réparer la paroi et fermer l'orifice herniaire. La pose de prothèses dans le traitement des hernies, en dehors de l'urgence, a considéra­blement diminué le risque de récidive ; cepen­dant celles-ci sont en principe à proscrire en urgence en raison du risque septique.

c) Cas particulier de la hernie étranglée du nourrisson

Si l'étranglement date de moins de 6 heures, on peut tenter de réduire la hernie par taxis, c'est-à-dire par une pression douce, en cal­mant l'enfant avec un bain chaud et éventuel­lement une injection de diazépam (0,5 mg ou 1 mg/Kg par voie IM ou intra-rectale). Cela permet à l'enfant de s'endormir et à la hernie de se réduire spontanément. Cependant, il faudra prévoir une intervention à froid pour éviter toute récidive d'étranglement.

2. Voie d'abord

Il s'agit le plus souvent d'une incision inguina­le centrée sur la tuméfaction. En cas de phlegmon pyo-stercoral, on y associe une voie médiane sous-ombilicale pour réali­ser la résection intestinale avec anastomose intra-abdominale des deux extrémités ; l'anse nécrosée et fistulisée est extraite par voie inguinale.

3. Soins post-opératoires

Les perfusions sont poursuivies jusqu'à la reprise du transit intestinal (évacuation de gaz), de même que l'aspiration gastrique. L'antibio­thérapie est maintenue pendant 5 jours lors­qu'une résection intestinale a été nécessaire.
La réalimentation est alors débutée par des liquides vers le 4ème jour post-opératoire.

Conclusion

L'étranglement herniaire est une urgence chirurgicale. Son évolution est imprévisible ; il peut être mortel et le pronostic dépend de la rapidité de l'acte opératoire. La mortalité augmente sensiblement chez les sujets âgés ayant eu une résection intestinale.

Développement et Santé, n°191/192, 2008