Hépatites virales : la place des réseaux

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I. Introduction

Par Aminata Sall Diallo*, Bertrand Livinec**
* Responsable du PNLH (Programme National de Lutte contre les Hépatites) au Ministère de la Santé du Sénégal. Professeur de physiologie et de biologie à l'UCAD (Université Cheikh Anta Diop) de Dakar. Coordinatrice de l'initiative panafricaine sur les hépatites.
** Président de l’association ASEB.

Autant les acteurs de la lutte contre le VIH/SIDA sont très bien structurés et organisés sur le continent africain, autant la lutte contre les hépatites en Afrique a longtemps été pénalisée par un manque de coordination de ses acteurs.

Si la lutte contre les hépatites en Afrique est largement justifiée, peu de pays disposent de plans stratégiques de lutte contre ces infections. En Afrique sub-saharienne, si on relève l'existence d'un programme national de lutte contre les hépatites dans des pays comme le Sénégal ou la Côte d'Ivoire, cela reste néanmoins isolé.

En l'absence de programmes nationaux, il est difficile pour les acteurs non gouvernementaux, qu'ils soient à caractère professionnel ou encore représentants de patients, de pouvoir pleinement se développer et participer de la manière la plus efficace possible à la lutte contre les hépatites.

De fait, sur l'ensemble des pays d'Afrique francophone, il existe des possibilités significatives de mise en réseau des acteurs afin de mutualiser leurs connaissances et d’accélérer la mise en œuvre de bonnes pratiques.

La mise en relation des associations de patients, depuis la fin de l'année 2010, sur l'Afrique francophone, a ainsi mis en évidence des problématiques proches, des attentes convergentes. La conférence de Dakar sur les hépatites, qui s’est tenue fin juillet 2011 à l'initiative du Ministère de la Santé du Sénégal, a permis de cristalliser leurs énergies en y associant les professionnels de santé ainsi que les pouvoirs publics.

Cette conférence a ouvert la voie à une collaboration panafricaine sur les hépatites en mettant en évidence la nécessité d'un travail collaboratif entre acteurs publics et acteurs privés, de nature à favoriser la création d'un réseau élargi et pluridisciplinaire.

Constatant les perspectives nouvelles induites par la conférence de Dakar, il convient de favoriser l'émergence de politiques publiques fortes dans chacun des pays d'Afrique francophone. Etant donné la prévalence élevée des hépatites chroniques B et C, qui atteignent dans certains pays des taux de 20 %, seules des politiques à caractère systématique émanant des Ministères de la Santé permettront d faire reculer de manière significative l’endémie des hépatites.

L'absence de coordination des acteurs et de politique nationale spécifique, dans quelque domaine que ce soit, favorise les logiques projets” avec un impact global faible, des risques élevés de divergence en termes de stratégie de la part des différents acteurs et, in fine, un coût élevé. Il est donc important qu'une réflexion approfondie puisse se mener entre tous les acteurs de lutte contre les hépatites afin de synthétiser les attentes de chacun et que celles-ci puissent se cristalliser au sein d'une politique nationale ambitieuse dans chaque pays. A partir d'une politique nationale, les acteurs privés (professionnels de santé, associations de patients, etc....) auront une plus grande capacité de déploiement et d'efficacité opérationnelle en étant complémentaires de l'action publique.

Dans le prolongement de l'APPEL DE DAKAR, l’année 2011 a été marquée par la création d'un réseau panafricain des acteurs de lutte contre les hépatites. A cet effet, des Points Focaux qui représentent l'initiative ont été nommés sur 19 pays : au Maghreb (Algérie, Maroc, Mauritanie), en Afrique de l'ouest (Sénégal, Côte d'Ivoire, Bénin, Guinée, Mali, Burkina Faso, Niger, Togo) et en Afrique Centrale (Cameroun, République Démocratique du Congo, Congo, Rwanda, Burundi, Tchad, République Centre Africaine) et Madagascar. De nouveaux pays sont encore susceptibles de rejoindre l'initiative qui reste inclusive. De nombreuses actions ont été menées par ces Points Focaux sur leurs pays, en particulier auprès des autorités publiques. Ils ont également coordonné la réalisation d'une enquête sur les pratiques en matière de lutte contre les hépatites, permettant de faire un état des lieux dans chaque pays, impliquant des responsables de Ministères de la Santé, des Professionnels de Santé et également des responsables d'Associations de Patients.

Pour 2012, des groupes de travail panafricains ont été créés sur cinq thématiques (épidémiologie, prévention, dépistage, vaccination, traitements) dans une perspective holistique. Ils impliquent un grand nombre de spécialistes des hépatites sur les pays africains francophones participant à l'initiative qui seront appuyés par des experts français spécialisés sur les hépatites. Ces groupes auront pour objectif de dégager des consensus scientifiques adaptés aux contextes spécifiques en Afrique, ce qui facilitera la prise de décision des autorités de santé en Afrique francophone. La production de ces consensus permettra également la réalisation de modules de formation à destination de professionnels de santé, en collaboration avec l'équipe de l’association Développement et Santé.

La stratégie ainsi mise en place permettra au niveau des groupes panafricains d'élaborer les consensus en mutualisant l'information et la réflexion des différents pays, et au niveau des Points Focaux de faciliter le déploiement d'actions concertées avec tous les acteurs (Ministères de la Santé, Professionnels de Santé, Associations de Patients) d'un même pays. La création en 2012 d'une plateforme électronique des acteurs de lutte contre les hépatites en Afrique Francophone sera également de nature à mieux informer sur l'ensemble des initiatives prises dans les différents pays et à favoriser la diffusion des bonnes pratiques. Ces dispositifs permettront également une collaboration renforcée et plus efficace avec les partenaires internationaux impliqués dans les hépatites.

II. L'Alliance Mondiale de l'Hépatite

Karine Belondrade, Londres, Royaume-Uni

1. Portrait global de la situation de l’hépatite virale fin 2006 et bref historique de l'Alliance

Malgré l'ampleur du problème, avec 500 millions de personnes atteintes d’hépatite chronique B ou C, pour la plupart non diagnostiquées, et un million de décès chaque année, l’attention portée à l'hépatite virale en 2006 demeurait étonnamment faible. Personne n’avait été désigné au siège de l’OMS ; il y avait un manque flagrant de connaissances sur les voies de transmission et généralement de très pauvres données épidémiologiques. Les seuls efforts en matière de sensibilisation et plaidoyer étaient infructueux, l’hépatite B et l’hépatite C étant souvent traitées séparément. La nécessité d'une action vigoureuse et immédiate s'imposait.

La première initiative fut prise par Charles Gore - un patient dirigeant une organisation de bienfaisance hépatite au Royaume-Uni - qui a commencé par contacter différent groupes de patients à travers le monde afin de leur demander d'identifier un représentant pour chaque continent. Une réunion a ensuite été organisée à Barcelone en avril 2007 avec la représentation de l'Australasie, du Pacifique occidental, de l’Europe, de l’Afrique/Méditerranée orientale, de l’Amérique du Nord et du Sud ainsi que de l'OMS Europe, où il a été convenu que l'hépatite B et l'hépatite C devraient être traitées ensemble à travers une Journée Mondiale contre l'Hépatite qui serait célébrée le 19 mai, la première ayant lieu en 2008. Peu de temps après, il est devenu clair qu'une nouvelle Organisation Non Gouvernementale (ONG) serait nécessaire afin de coordonner la Journée Mondiale contre l'Hépatite.

L'Alliance a ainsi été établie à Genève, en Suisse, en Décembre 2007, avec le statut d’ONG internationale, ombrelle sans but lucratif. Composée exclusivement d'organisations travaillant dans le domaine de l'hépatite virale, elle agit pour le compte des patients à leur instigation, et est régie par un comité directeur composé de 6 membres régionaux, chacun représentant l’une des 6 régions définies pa l’Organisation Mondiale de la Santé (l’OMS), et par un Président choisi par le comité directeur. Des élections transparentes sont prévues tous les deux ans, la prochaine aura lieu en Décembre 2012.

2. La place des organisations supranationales dans la lutte contre l'hépatite

L’Alliance a une philosophie de service plutôt que de contrôle, et nous nous efforçons toujours de travailler pour le bénéfice de nos membres. Notre objectif est de fournir un leadership mondial et de soutenir les actions destinées à mettre un terme aux décès imputables à l’hépatite virale chronique B et C et à améliorer la vie des personnes qui en sont atteintes. Par un renforcement de la sensibilisation, de la prévention, des soins, du soutien et de l’accès aux traitements, notre objectif ultime est de travailler avec les gouvernements pour éradiquer ces maladies de la planète.

Bien que nous reconnaissions que l'action nationale est de loin le facteur le plus important dans la lutte contre les maladies telle que l'hépatite virale et que les groupes de patients nationaux ont par conséquent un rôl crucial, celui des organisations supranationales ne peut être négligé. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des maladies infectieuses pour lesquelles, en raison des mouvements de population de plus en plus fréquents, que ce soit pour des raisons économiques, politiques, d’éducation ou à cause du tourisme, les mesures en place dans un seul pays ne fourniront jamais une solution suffisante pour faire face à tous ces problèmes.

3. Les travaux de l'Alliance

Nos travaux portent en premier lieu sur la sensibilisation à la maladie, notamment en coordonnant les activités mondiales et en soutenant les programmes régionaux et nationaux de la Journée Mondiale contre l'Hépatite, qui ont connu un immense succès avec 40 pays participants en 2008, 60 en 2009, et 70 en 2010. Chaque année, nous nous efforçons de développer des thèmes de campagne significatifs et globaux accompagnés d’une gamme complète de matériels qui peuvent être adaptés à la culture et aux besoins spécifiques de chaque pays, tout en reflétant l'unité mondiale.

De plus, nous nous concentrons également sur le soutien de nos membres afin de les aider à renforcer leurs capacités si cela s’avère nécessaire. Au cours des trois dernières années, nous avons, par exemple, aidé à établir des relations entre les ONG et les gouvernements à Taiwan, au Ghana et au Pérou, nous avons obtenu un nombre significatif d’emplacements de panneaux publicitaires à travers l'Amérique latine et l'Europe, et nous avons également aidé à créer des associations de patients à Moscou et en Géorgie. Dernièrement, nous avons pris part à la Journée Mondiale contre l'Hépatite en France, à Lima au Pérou, où, entre autres activités, nous avons engagé, avec des représentants du gouvernement, des actions sur la question des tribus indigènes de l'Amazonie décimées par l'hépatite B. Nous avons également apporté notre soutien au professeur Sall Diallo, responsable du programme national de lutte contre les hépatites au Sénégal, avec l'organisation du colloque international “Appel de Dakar” (voir page 78) visant à promouvoir les échanges de bonnes pratiques et créer une unité parmi les pays d’Afrique francophone.

Enfin, nous considérons également que notre engagement au niveau politique est un élément primordial de notre rôle en tant qu'organisation supranationale.
Nous avons exercé une importante pression sur les gouvernements en 2008, 2009 et 2010 pour que l'hépatite virale soit incorporée dans l'agenda de l'Assemblée Mondiale de la Santé et avons collaboré étroitement avec l'OMS afin de mener des recherches sur les politiques nationales sur l'hépatite virale dans les 193 Etats membres. Les conclusions ont été publiées dans un rapport global sans précédent qui met en évidence les lacunes politiques ainsi que la nécessité d’une action immédiate. En seulement 3 ans, l’Alliance Mondiale de l’Hépatite est parvenue à obtenir de l’OMS, en coordonnant les actions des organisations de patients à travers le monde, l’adoption de la première résolution sur l'hépatite virale qui non seulement établit de façon officielle une Journée Mondiale contre l'Hépatite, mais exige aussi l’élaboration d’une stratégie mondiale afin de guider les gouvernements dans le développement de leurs propres stratégies nationales.

Les plus grands défis de demain

Pour en revenir au portrait global de la situation de l’hépatite virale fin 2006, bien que la prévalence de la maladie reste très élevée, des progrès significatifs ont été accomplis, avec la reconnaissance de l'hépatite virale comme un problème majeur de santé publique au niveau mondial et la formation d'une unité au sein de l’OMS afin de faire face au problème à un niveau mondial, régional et national. Nos plus grands défis sont désormais de contribuer à l'élaboration d'une stratégie mondiale, de travailler à l’élaboration et à la mise en œuvre de stratégies nationales, de faciliter les échanges de bonnes pratiques et de répondre aux besoins exprimés par les états membres dans le rapport global que nous avons publié en collaboration avec l’OMS. Tous ces éléments sont essentiels à la réalisation de notre vision d'un monde dépourvu d’hépatite virale B et C.

III. SOS hépatites Algérie

Par Hamid Boualeg, Président de SOS Hépatites Algérie.

En Algérie, il s’agissait d’informer sur l’existence de cette maladie virale grave, qui peut entraîner cancer et décès, et contre les grands dangers de contamination
des personnels travaillant dans les lieux de soins comme les cabinets dentaires, les maternités les centres de dialyse…. A partir de ce moment-là, de larges campagnes de sensibilisation du grand public, et surtout du personnel de la santé et des autorités de la santé, sont menées avec le renfort important des
médias.
En effet, la presse privée (environ une vingtaine de journaux nationaux et régionaux en français et en arabe), la télévision nationale publique (3 chaînes) et
la radio, publique aussi, avec ses 4 chaînes nationales et ses 45 chaînes locales, ont progressivement été mises à contribution. Depuis 2007, SOS hépatites organise annuellement un concours pour les médias.
En 2010, il était dirigé vers les radios locales qui ont toutes diffusé deux reportages sur le sujet. Cette année, un spot préparé par l’association a été diffusé à la télévision. Le résultat en est que le grand public est maintenant assez sensibilisé sur les hépatites et est attentif aux modes de transmission, à la nature de cette pathologie et à la nécessité de se faire dépister.
Aujourd’hui, on peut citer des centaines d’articles et d’émissions télévisées et radiophoniques portant sur les hépatites.

Les principaux freins

La lenteur de mise au point d’un plan national de lutte contre les hépatites après des années de travail de sensibilisation des autorités de la santé pour prendre en charge ce dossier.
La prise de conscience se fit, mais ces mêmes autorités firent face à d’autres problèmes concrets, dus à la bureaucratie nécessaire pour organiser cette lutte : le budget nécessaire au traitement, le nombre de médecins qualifiés dans les régions, l’installation des autoclaves par les chirurgiens-dentistes privés, la mise en place de campagnes d’information ministérielles…
Depuis sa création, l’association s’est attaquée à tous ces problèmes et a réclamé leur règlement. A ce jour, elle a organisé, grâce aux efforts de tous ses membres,
surtout ceux du conseil scientifique dont les membres sont des professeurs leaders d’opinion, de nombreuses actions de sensibilisation :

  • Grand public
    • Journée nationale (12 janvier) et mondiale (19 mai, puis 28 juillet) : campagnes médiatiques et d’affichage sur les dangers de l’hépatite.
    • Journées d’étude avec les principaux acteurs de la santé pour une meilleure prise en charge du patient, médiatisées afin d’informer les patients sur leurs droits à la prise en charge totale.
    • Opérations de dépistage : la première expérience menée par SOS hépatites eut lieu en juillet 2011. L’association a profité de la présence d’estivants sur la plage algéroise pour faire une opération de dépistage rapide. Cette expérience va être structurée dans les prochains mois afin d’aider à l’effort de dépistage.
  • Parlementaires
    A la suite d’une campagne ciblée de sensibilisation auprès des parlementaires, SOS hépatites a organisé en juin 2009, conjointement avec la commission parlementaire de santé, une journée parlementaire, dans l’enceinte de l’Assemblée Populaire Nationale. Cette journée a donné lieu à des recommandations pour le ministère de la santé, essentiellement pour la mise en place du plan national de lutte contre les hépatites. Depuis, un travail parlementaire important est effectué pour la mise en œuvre de ces recommandations, surtout par la commission de la santé qui suit les actions du ministère de la santé et attire son attention sur les rapports qui lui parviennent des régions internes du pays.
  • Ministère de la santé
    Réunions régulières et soutenues depuis deux ans afin de mettre en place une cellule de travail sur les hépatites. Un comité ministériel, dirigé par la conseillère du ministre, a été installé depuis près d’un an, et SOS hépatites en est membre. Il a pour objectif la préparation d’un plan complet, qui doit être finalisé au mois de décembre 2011. Les principaux axes en sont, au vu de la situation des hépatites en Algérie : l’affectation de médecins spécialistes dans les régions endémiques ; l’installation de deux appareils pour PCR à l’est et à l’ouest du pays pour la décentralisation des examens complémentaires, la création de centres de référence dans les principales régions.

SOS hépatites est membre fondateur de l’Alliance Mondiale des Hépatites (WHA). En avril 2009, son président, Charles Gore, a été l’invité de l’Algérie. Il a tenu une conférence de presse aux côtés du président de SOS hépatites et a été reçu par les cadres du ministère de la santé.

Par ailleurs, SOS hépatites Algérie a de très étroites relations avec la Fédération SOS hépatites France. Son vice-président, Monsieur Michel Bonjour, a activement participé à la formation des psychologues et du personnel paramédical. Cette formation, qui s’est tenue en 2010 en Algérie, portait sur l’éducation thérapeutique. Elle est organisée chaque année afin de sensibiliser les psychologues et le personnel paramédical sur l’importance de la prise en charge du patient atteint d’hépatite. M. Bonjour est également intervenu au cours de la journée d’information, qui s’est tenue à Alger au mois de juillet 2011, sur les différents plans de lutte contre les hépatites en France aux fins de partage d’expérience.
Au cours du même mois, un représentant de SOS hépatites Algérie, le Pr. Berkane, a participé à la manifestation de Dakar et y a fait la proposition de notre association d’organiser le même évènement en Algérie l’année prochaine.
L’association travaille aussi en réseau avec d’autres associations de patients souffrant de maladies chroniques telles le cancer, l’insuffisance rénale, l’insuffisance respiratoire, le SIDA, le diabète…. “Le réseau des malades chroniques” se bat pour assurer une meilleure prise en charge de ces maladies et instaurer un système d’assurance et de traitement efficace. Il existe depuis 2007 et a pu aider à faire avancer certains projets de partenariat entre l’assurance maladie (publique) et les hôpitaux afin d’assurer les meilleurs traitements pour ces maladies.
SOS hépatites continue son effort de son côté afin d’accompagner psychologiquement le patient sous traitement et envoie à l’AFEF 2011 deux psychologues en formation qui, à leur tour, formeront une dizaine de psychologues en Algérie.
En termes de traitement, l’association a toujours mis un point d’honneur à suivre l’actualité sur les dernières découvertes scientifiques et les traitements les plus récents. Elle a toujours réclamé le droit du patient algérien aux meilleurs soins. Par ailleurs, et en raison du manque de budget alloué, elle a pu faire débloquer un budget annuel exceptionnel de 35 millions d’euros destiné au traitement de l’hépatite et des maladies orphelines. Avec cela, le problème de ruptures de médicaments faisant épisodiquement irruption, l’association a sans cesse défendu la nécessité d’une disponibilité permanente du traitement pour tous les patients. L’année dernière, une note du Ministre de la santé demandait aux hôpitaux de préparer, pour tout malade mis sous traitement, les médicaments nécessaires pour une année.
L’Algérie fait partie des rares pays qui ont appliqué les recommandations de l’OMS pour une vaccination contre l’hépatite B à la naissance. Cette stratégie a été appliquée pour tous les enfants à partir de l’année 2003.

IV. SOS hépatites Mali

Par Touré Djénéba Samaké, Présidente de SOS Hépatites Mali.

1. Contexte

Les hépatites constituent un problème majeur de santé publique et de développement dans le monde, en Afrique et particulièrement au Mali, mon pays, où elles ne sont pas encore prises en compte dans les politiques de santé. Tout le monde est concerné, car dans chaque famille, il y a un cas d’hépatite B surtout.
Dans ce contexte, le dépistage précoce des hépatites B et C est la meilleure arme pour diminuer la prévalence de la maladie. Ceci est d’autant plus vrai pour l’hépatite C contre laquelle il n’y a toujours pas de vaccin. Dans beaucoup de pays en développement, la quasi-totalité des enfants sont infectés par le virus B. Aussi les
hépatites virales, en particulier la B, représentent-elles une cause significative de morbidité et de mortalité.
C’est ainsi que, conformément aux dispositions de l’ordonnance N° 41 /PC-G du 28 mars 1959 portant statut des associations en République du Mali, il est créé à Bamako une Association dénommée “SOS Hépatites Mali”. Elle est apolitique, laïque et à but non lucratif ; objet du récépissé N° 214G/DB du 21 avril 2006. L’idée de création d’une association du genre, au Mali, émane de la présidente de ladite association (qui fut infectée par l’hépatite C chronique et traitée en France) et est soutenue par une centaine de personnes parmi lesquelles : 2 professeurs en hépato-gastro-entérologie, 1 gynécologue, 5 médecins généralistes, 2 pharmaciens, 1 biologiste, des étudiants en médecine, des informaticiens, des professeurs d’enseignement secondaire, des opérateurs économiques, des sages-femmes, des Ministres et des députés à l’assemblée nationale du Mali. Le but de l’Association
est de contribuer à la mise en œuvre d’une stratégie de dissémination de l’information en vue d’une éradication totale de toutes les formes d’hépatites, et dans tous les cas réduire la fibrose et le cancer du foie au Mali. L’Association “SOS Hépatites Mali”, vu la pertinence de sa création, la sollicitation et la volonté de
ses membres à mobiliser et à impliquer toutes les couches y compris les décideurs et partenaires financiers et techniques, est cependant confrontée à quelques obstacles qui sont entre autres : le manque de volonté politique des autorités, l’inexistence de
traitement, de prise en charge, l’inaccessibilité aux soins, le manque d’information sur la maladie et la faiblesse des ressources de l’association pour faire face à la forte sollicitation/attente de la population.
En termes de relations, l’association a tissé des liens de collaboration avec le Ministère de la santé et ses démembrements (la pharmacie populaire du Mali, le
centre national de transfusion sanguine, le centre national d’immunisation, la direction de la pharmacie et du médicament, le centre de santé de référence de
la commune V et celui de la commune III du district de Bamako), le laboratoire Roche, le laboratoire de la Fondation Mérieux de Bamako, les hôpitaux et certaines associations telle la Société Malienne des Maladies de l’Appareil Digestif (SOMMAD) composée uniquement de spécialistes en hépato-gastro-entérologie, avec lesquels, elle organise des journées de sensibilisation, d’information et de dépistage.
De sa création à nos jours, “SOS hépatites Mali” a organisé des conférences débats et de presse suivies de dépistage au niveau du Ministère de la sécurité intérieure (école de police), au centre de santé de référence de la commune V, de l’Assemblée Nationale avec création d’une cellule de lutte contre les hépatites en son sein, dans l’hôtel Wassoulou d’Oumou Sangaré (grand public), au niveau de l’hôtel Olympe de Bamako (grand public à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre les hépatites), au niveau de la maison de presse avec la participation de 34 journalistes entre autres. Dans le cadre du suivi des malades, “SOS hépatites Mali” oriente tous les séropositifs VHB et VHC vers les spécialistes des hôpitaux, notamment vers ceux qui sont membres de l’Association.
Actuellement, l’Association, en collaboration avec la SOMMAD et le laboratoire Roche, a entamé une action de plaidoyer auprès des décideurs en vue de la prise en compte de la problématique des hépatites dans la politique sanitaire du Mali notamment la mise en place d’un programme de lutte contre les hépatites.

En perspectives :

  • Création des antennes dans toutes les régions du Mali,
  • Poursuite de l’action de plaidoyer,
  • Institutionnalisation de la journée Mondiale de lutte contre les hépatites,
  • Erection de l’Association en ONG pour plus de visibilité,
  • Recherche de partenaires techniques et financiers,
  • Renforcement de la capacité de l’association,
  • Création de réseaux sous-régional, régional, national et continental.

2. Place des réseaux et associations

Au regard de tous ces aspects, les réseaux et associations, en conjuguant leurs efforts, sont incontournables dans la lutte contre les hépatites dans le monde ; en ces termes les réseaux et associations constituent :

  • Des alliances, groupes de pressions dans leurs pays, régions, sous-régions et dans le monde, qui sont capables d’influencer les familles, les quartiers, les partis politiques, les organisations à la base (organisations de la société civile), les élus, les gouvernements ensuite les institutions régionales et sous-régionales, de faire un plaidoyer auprès des décideurs pour la prise en compte de la problématique des hépatites dans les politiques nationales de santé :
    • Fournir des statistiques sur la maladie aux décideurs,
    • Les tendances si rien n’est fait,
    • Les conséquences sur les malades et les familles,
    • Les conséquences sur les futures générations, l’hépatite B étant une infection sexuellement transmissible,
    • Le manque à gagner en termes de productivité,
    • Le manque à gagner sur les caisses d’assurance maladie.
  • Des acteurs-clés de l’information, de la sensibilisation et de la communication pour le changement de comportement à tous les niveaux restent les malades eux-mêmes ; car à l’instar des associations de personnes vivant avec le VIH et le SIDA, les associations de personnes vivant avec les hépatites ont un rôle important à jouer dans la lutte contre leur maladie, entre autres.
  • S’identifier pour des questions de statistiques pour la perception de l’ampleur de la problématique :
    • Connaître la prévalence réelle des hépatites au niveau national,
    • Estimer l’ampleur de la problématique,
    • Identifier les groupes vulnérables.
  • Des focus pour la mobilisation, la collecte des informations, des statistiques, la conception des messages et de leur dissémination en vue de jouer le rôle de groupe de soutien et de parole pour les membres :
    • Appui aux médecins dans l’acceptation du diagnostic par les patients,
    • Autosoutien aux membres grabataires,
    • Prise en charge psychosociale.
  • Une coalition de forte pression pouvant fédérer les efforts/énergies pour porter les débats et la prise en compte des hépatites au niveau régional, sous-régional et mondial (Nord-Sud) par la création de fonds privés pour mener de activités de prévention et de promotion.
    • Cotisation,
    • Téléthon,
    • Formulation des requêtes de financement,
    • Développement du partenariat avec les gouvernements.
  • Moyen de redevabillité pour :
    • Suivre l’utilisation des fonds,
    • Suivre l’utilisation des stocks de médicaments destinés aux malades,
    • Dénoncer les malversations,
    • Valoriser les bonnes pratiques.
  • Des cibles pour rendre le système de santé réactif.
    • Opportunité d’amélioration des plateaux techniques des structures de soins pour un meilleur diagnostic,
    • Opportunité d’amélioration du système d’information sanitaire pour une meilleure prise de décision,
    • Amélioration de la qualité de prise en charge.

La création de réseaux nationaux, régionaux, sous-régionaux et internationaux est indispensable si on veut circonscrire la propagation des virus des hépatites.
Dans chaque pays, l’implication multisectorielle s’imposera et toutes les composantes de la société civile (communauté/population, secteur privé, la société civile, les partenaires techniques et financiers, les gouvernements, les parlements etc.) conjugueront leurs efforts pour faire des hépatites une priorité, car l’union fait la force et on a besoin de cette action unitaire pour éradiquer les hépatites du monde entier.
Ainsi, des cellules de lutte contre les hépatites seront créées au sein de tous les services (publics et privés) et institutions, surtout au sein des assemblées nationales en vue de voter des lois en faveur de la lutte contre les hépatites et la protection des malades.

Développement et Santé N° 200, 2012