Hépatite B et grossesse

Par Pr. Cheikh Tidiane Cisse et Pr. Jean-Charles Moreau Clinique Gynécologique et Obstétricale Centre Hospitalier Universitaire A. Le Dantec, 34 avenue Pasteur, Dakar, Sénégal.

Publié le

L’infection par le virus de l’hépatite B (VHB) est un problème de santé publique ; en effet, la majorité de la population mondiale vit dans des zones à forte prévalence. Le continent africain est tout particulièrement concerné, avec des taux de portage chronique élevés de l’ordre de 15 à 20 % dans la population générale et de
22 à 25 % chez les femmes enceintes.
Cette association pose essentiellement comme problème le risque de transmission du virus de la mère à l’enfant (TME). La transmission de la mère à l’enfant du VHB peut survenir par 3 mécanismes :

  • in utero par un passage transplacentaire du virus,
  • per partum par l’intermédiaire des sécrétions vaginales ou du sang maternel,
  • post-natale de façon horizontale ou par le biais du lait maternel.

Cette TME doit être évitée à tout prix car 90 % des enfants infectés à la naissance vont devenir des porteurs chroniques du virus. Ces porteurs chroniques vont d’une part favoriser la diffusion de l’infection et d’autre part courir le risque de développer une cirrhose et un carcinome hépato-cellulaire.

Pour arréter cette spirale dramatique, il faut diagnostiquer l’affection le plus tôt possible au cours de la grossesse, traiter les femmes enceintes qui présentent une infection évolutive et administrer aux nouveau-nés le vaccin associé dans certains cas aux immunoglobulines anti HBs.

I. Influences réciproques

1. Influence de la grossesse sur l’infection VHB

En cas de cirrhose déjà installée, la grossesse peut être responsable : d’une réactivation virale, de complications hémorragiques et/ou d’une décompensation responsable d’une létalité élevée.
Chez les patientes porteuses chroniques du VHB, la grossesse peut favoriser la survenue d’une hépatite aiguë fulminante rapidement mortelle.

2. Influence de l’infection VHB sur la grossesse

L’hépatite chronique favorise les pathologies hémorragiques de la délivrance en raison des troubles de la coagulation secondaires à l’insuffisance hépato-cellulaire associée.
En cas de survenue d’une hépatite aiguë au cours de la grossesse, la gestante est davantage exposée à des complications telles que : le diabète gestationnel, l’avortement, l’accouchement prématuré et le retard de la croissance intra-utérine. Dans ce cas de figure, le risque de TME est élevé, surtout au cours du troisième trimestre.

II. Diagnostic

L’association de l’infection VBH et de la grossesse peut revêtir deux tableaux cliniques : l’hépatite aiguë et l’hépatite chronique.

1. Hépatite aiguë et grossesse

La symptomatologie et l’évolution de la maladie sont superposables à ce qui est observé en dehors de la grossesse. Il s’agit le plus souvent de l’apparition d’un ictère fébrile au cours de la grossesse. Il est important de faire un diagnostic différentiel avec d’autres affections telles que le paludisme, les infections urinaires, l’hépatite E ou les hépatopathies gravidiques comme la cholestase gravidique.
La confirmation du diagnostic est apportée par les examens biologiques qui mettent en évidence la présence des marqueurs suivants : antigènes (Ag) HBs, anticorps (Ac) anti HBc.

Cette forme clinique aiguë peut évoluer de deux manières :

  • vers la guérison attestée par les éléments biologiques suivants : Ag HBs-, Ac anti HBs+, Ag HBe- et Ac anti HBe+. Dans ce cas, le risque de TME devient nul ;
  • ou vers le passage à la chronicit ave la présence d’Ag HBs et l’absence d’Ac anti HBs.

2. Hépatite chronique et grossesse

L’affection est le plus souvent silencieuse ou pauci- symptomatique. Elle doit être dépistée systématiquement chez toutes les femmes enceintes, y compris chez celles qui ont été auparavent vaccinées. Le diagnostic est établi après 2 prélèvements dont les résultats sont concordants. Un bilan complémentaire, comportant une NFS, un bilan hépatique et une échographie abdominale, sera demandé pour détecter une cirrhose débutante.
Il faudra également rechercher d’autres co-infections telles que celles dues au virus des hépatites C et Delta, ou le VIH.
Il est important de ne pas oublier de dépister et de vacciner si nécessaire l’entourage de la patiente (conjoint, enfants et collatéraux).
Que l’hépatite soit aiguë ou chronique, il est important de suivre régulièrement la patiente tout au long de la grossesse, si possible en collaboration avec un hépatologue. On doit apprécier le degré de fibrose, évaluer le niveau de réplication virale et juger de la nécessité ou non d’administrer à la gestante un traitement anti-rétroviral avec du ténofovir ou de la lamivudine pour minimiser le risque de TME. La surveillance sera poursuivie dans le post-partum au moins pendant 6 mois.

III. Conduite pratique

1. Pendant la grossesse

On doit rechercher systématiquement l’Ag HBs chez toutes les femmes enceintes, même chez celles qui sont vaccinées. Pour cela, il faut faire 2 dépistages, idéalement lors de la consultation prénatale du premier trimestre et au début du 6 ème mois de grossesse, à défaut dès le premier contact avec la femme enceinte.

Si le résultat revient positif : la patiente est référée à un hépatologue pour un avis spécialisé si possible et un suivi pluridisciplinaire. Dans le cas contraire, on doit demander une sérologie complète (Ac anti HBc, Ag HBe, Ac anti HBe + transaminases) et déterminer la charge virale : recherche quantitative d’ADN du VHB.
Si la charge virale est élevée (DNA viral B élevé, >108 copies/mL), il faut proposer à la patiente un traitement antiviral par lamivudine ou ténofovir durant le 3ème trimestre de la grossesse dans le but de prévenir la contamination du nouveau-né.
Si l’Ag HBs est négatif : il faut prescrire une vaccina-
tion si Ac anti HBs < 10 mUL.

2. Pendant le travail

Dès son admission en salle d’accouchement, il faut vérifier systématiquement le statut de la femme vis-à-vis du virus de l’hépatite B.
Si son statut par rapport à l’Ag HBs est inconnu : on fait un dépistage par test rapide du VHB (TDR) après avoir fait le counselling et obtenu le consentement de la patiente.

  • si Ag HBs positif : sérovaccination de l’enfant à la naissance,
  • si Ag HBs négatif : vaccination de l’enfant.

Si le statut par rapport à l’Ag HBs est connu et en cas de positivité de l’Ag HBs, on administre une sérovaccination à l’enfant dès la naissance ; par contre, si l’Ag HBs est négatif, on procède seulement à une vaccination de l’enfant.

3. Dans le post-partum immédiat

La conduite vis-à-vis du nouveau-né dépend de la situation clinico-biologique de la mère.

Vacination de l’enfant
Le protocole standard consiste à administrer une dose dès la naissance, puis on fera un rappel à 1 mois puis à 6 mois après la première injection.
S’il s’agit d’un prématuré, le schéma vaccinal comportera 4 injections : 0, 1, 2, 6 mois après la première injection.
Il ne faut pas oublier de noter la date des injections et les numéros de lot dans le dossier médical de l’enfant et dans son carnet de santé.

L’efficacité de cette vaccination sera contrôlée par une sérologie (Ag HBs, Ac anti HBs) faite idéalement
entre 1 et 4 mois post-vaccination ou au plus tard à l’âge de 1 an.

Séro-vaccination de l’enfant
Elle associe l’injection simultanée d’immunoglobulines anti HBs et d’une première injection vaccinale.
Si l’enfant est né à terme et de poids normal, il faut administrer dans les 12 premières heures :

  • des immunoglobulines spécifiques anti-hépatite B : 100 UI (injection intramusculaire dans la partie antéro-externe de la cuisse),
  • la première dose de vaccin anti-hépatite B par une injection intramusculaire effectuée dans l’autre cuisse.

S’il s’agit d’un nouveau-né prématuré ou hypotrophe, il faudra administrer dans les 12 premières heures :

  • des immunoglobulines spécifiques anti-hépatite B : 200 UI (injection intramusculaire dans la partie antéro-externe de la cuisse),
  • la première dose de vaccin anti-hépatite B par une injection intramusculaire effectuée dans l’autre cuisse.

4. Allaitement maternel

Il faut encourager l’allaitement maternel qui peut débuter immédiatement si l’accouchée est Ag HBs négatif ; par contre, si elle est Ag HBs positif, l’allaitement commencera seulement après la sérovaccination de l’enfant.

5. Surveillance post-natale

Elle sera clinique et paraclinique, à raison d’une consultation mensuelle au moins pendant les 6 premiers mois. Lors de la première consultation post-natale, il est recommandé de demander un bilan hépatique car une cytolyse est fréquemment observée dans les jours qui suivent l’accouchement à cause de la
rupture de l’état de tolérance induit par la grossesse.