Hémorragies de la délivrance

Par Charlotte Epaka, Gynécologue-obstétricienne, Cameroun

Publié le

Les hémorragies de la délivrance sont définies par un saignement supérieur à 500 ml pour un accouchement par voie basse et à 1000 ml pour une césarienne. Elles sont responsables de la plupart des morts évitables.
Tout retard dans leur prise en charge peut être dramatique, le premier risque étant de dire "on peut attendre" : le mieux est d'anticiper.

I. Traitement préventif

  • Perfusion systématique des patientes à partir de 5 cm de dilatation.
  • Mise en place d'un système fiable de recueil des pertes sanguines (aspiration pour les césariennes, champ triangulaire sous fessier pour la voie basse).
  • Vérification à l’entrée en salle de travail de la disponibilité du groupe sanguin

Prise en charge active de la délivrance

  • Délivrance dirigée (injection de 5 UI d’oxytocine) au dégagement de l’épaule antérieure dans les tous les cas.
  • Délivrance artificielle : si non décollement après 30 minutes.
  • Révision utérine : si placenta incomplet.
  • Surveillance stricte des signes vitaux (pouls, tension, coloration) et des saignements durant au moins deux heures après la délivrance.
  • Surveillance des pertes sanguines par poche de recueil graduée

II. Conduite à tenir devant une hémorragie de la délivrance

1. Sage femme

Ne pas rester seul, appeler de l’aide

  • Accélérer au maximum le Ringer-Lactate (500 ml à 1000 ml)
  • Placer la patiente en Trendelenburg, vider la vessie
  • Prévenir l'obstétricien et l’anesthésiste
  • Mettre en place, si ce n’est fait, monitoring et scope
  • Administrer de l’oxygène

    Si patiente délivrée : revérifier le placenta

Si placenta complet et impression de simple atonie utérine :

  • Faire 10 UI d’oxytocine IVD
    Attention : vasodilatation, donc hypotension et tachycardie.
  • Mettre en place ou accélérer la perfusion d’oxytocine 10 à 20 UI dans 500 ml de Ringer- Lactate.
  • Masser l’utérus.
  • Préparer le matériel pour délivrance ou révision et examen sous valve et des comprimés de misoprostol.
  • Sinon : délivrance artificielle par le médecin (ou la sage-femme en cas d'extrême urgence)

2. Gynécologue

  • Arrêt de l’oxytocine et révision de la vacuité utérine sous APD si efficace
  • Puis mise en place de 5 comprimés de misoprostol intra-rectal
  • Massage utérin bi-manuel
  • Vérification de l’absence de lésion de la filière génitale (examen sous valve) et suture des lésions et de l’épisiotomie
  • Après révision, examen et suture : mettre en place une sonde à demeure pour s’assurer de la vacuité de la vessie et surveiller la diurèse
  • Poursuite de la perfusion d’oxytocine dans les 12 à 24h suivant l’hémorragie
    (ne pas administrer dans une solution de G 5 % car augmente le risque d’intoxication à l’eau, ne pas dépasser, si possible, 120 UI au total)
    Efficacité diminuée en cas d’hypocalcémie, anticalciques, Sulfate de Mg
  • Demander bilan : NFS, Plaquettes, bilan de coagulation complet

3. Anesthésiste

Anesthésie si nécessaire pour révision et examen sous valve

  • Rien si APD en cours et efficace
  • Anesthésie légère type ketamine, midazolam dans le cas contraire
  • En cas d’hémorragie grave, de troubles de conscience : intubation sous kétamine/succinylcholine avec manœuvre de Sellick (si possible : prémédication par cimétidine effervescent)
  • Antibioprophylaxie : amoxicilline/acide clavulanique ou équivalent, ou amoxicilline/metronidazole ou érythromycine/ metronidazole si allergie

Surveillance

  • Clinique : pouls, TA, saturation, diurèse
  • Biologique
    • Groupe, RAI : si non réalisés avant le travail….
    • NFS, TP, PCA, Fibrinogène, D-dimères
    • Demander Antithrombine III, si possibilité d’un dosage en urgence
    • Protidémie, calcémie, ionogramme et créatinine

Remplissage

  • Ringer- Lactate puis macromolécules
  • Culots globulaires : si Hb < 7 g / 100 ml
    NB : Une anémie de cette importance entraîne en elle-même des troubles de la coagulation.
    Attention à l’hypocalcémie, en cas de transfusion et/ou de dilution importantes qui diminuent la contraction utérine et l’efficacité de l’ocytocine.
  • Fibrinogène (clottagène) si < 1 g / l
  • PFC si TP < 60 % et retentissement clinique
  • Plaquettes si < 50 000 / mm3 et retentissement clinique

Restauration "pharmacologique" du tonus utérin : en cas de persistance de l’hémorragie

Sulprostone (peut être associé à l’oxytocine )

  • Uniquement par voie intraveineuse à la seringue électrique
  • En cas d’atonie utérine
  • Plus efficace si débuté dans les 30 minutes suivant le début de l’hémorragie

Contre-indications au sulprostone

  • Affection cardio-vasculaire (angor, troubles du rythme, insuffisance cardiaque, HTA)
  • Asthme
  • Antécédent thromboembolique, trouble grave de la fonction hépatique ou rénale
  • Diabète décompensé, glaucome, thyrotoxicose, colite ulcéreuse, ulcère gastro-duodénal,
  • Tabagisme important

Néanmoins, en cas d’hémorragie massive en présence d’une de ces contre-indications, évaluer le rapport risque/bénéfice :

  • Une ampoule (500 mg à diluer dans 50 ml de SSI)
  • Débuter à 10 ml/h et augmenter rapidement par paliers de 10 ml / h sans dépasser 50 ml/h
  • Redescendre à 10 ml/h une fois l’hémorragie jugulée.
  • Si nécessaire, possibilité d’utiliser une deuxième ampoule.

Il est donc nécessaire :

  • d’appeler de l’aide
  • d'enchaîner les gestes dans les plus brefs délais
  • de prévenir le centre de transfusion sanguine et les laboratoires pour s’assurer d’une collaboration optimale

III. En cas de persistance de l’hémorragie ( > 2000 ml)

1. Si possible localement et ne nécessitant pas un délai trop important

Embolisation des artères utérines sous contrôle radiologique

2. En cas d’échec ou d'impossibilité d'embolisation, laparotomie pour

Hystérectomie d’hémostase en extrême nécessité

La patiente peut être transférée secondairement si elle nécessite un séjour en réanimation.