Examen direct du liquide céphalo-rachidien

Par Catherine Dupeyron* * Bactériologiste, Hôpital Albert-Chenevier, Créteil, France.

Publié le

L'examen direct du liquide céphalorachidien (LCR) est une urgence dans laquelle le rôle du laboratoire est fondamental: il permet très rapidement de confirmer un diagnostic de méningite, de reconnaître une cause bactérienne et d'orienter un traitement antibiotique. En effet, la méningite bactérienne est une maladie grave, et c'est seulement un traitement précoce et efficace qui peut conduire à une guérison sans séquelles.

L'analyse biologique du liquide céphalorachidien comporte trois étapes:

  • l'examen direct avec l'étude cytologique et la coloration de Gram pour la recherche des bactéries ;
  • la mise en culture suivie le lendemain de l'identification et de l'antibiogramme du micro-organisme isolé ;
  • l'examen biochimique : dosage des protéines, du glucose et des chlorures.

L'étude complète du liquide céphalorachidien nécessite un laboratoire équipé pour la microbiologie et la biochimie. Cependant, l'examen direct est réalisable facilement, avec peu de matériel: un microscope, une centrifugeuse (si possible, même manuelle), une cellule de Malassez et des colorants. Il est donc à la portée des hôpitaux ou des centres de santé situés en zone rurale ou dans des petites localités disposant seulement d'un petit laboratoire. C'est l'examen le plus intéressant car il donne des renseignements précieux et rapides. Il peut être réalisé en moins d'une demi-heure et les résultats doivent être transmis aussitôt.

I. Prélèvement

Il doit toujours être effectué dans des conditions d'asepsie rigoureuses, avant tout traitement antibiotique.

Le liquide céphalorachidien est recueilli dans trois tubes stériles, remplis successivement, avec 1 à 3 ml de liquide. Il doit être transporté en urgence au laboratoire et traité avec le plus grand soin.

Si l'examen doit être différé, les échantillons seront conservés à 37°C pour les cultures, et à 4°C pour l'étude des cellules.

II. Examen macroscopique

Après homogénéisation par une légère agitation, on note le degré de limpidité du liquide et sa coloration.

  • Un liquide clair (appelé souvent eau de roche) correspond soit à un liquide normal, soit à un liquide pathologique: les liquides clairs peuvent se rencontrer dans les méningites virales, tuberculeuses, mycosiques ou à leptospires.

  • Un liquide trouble ou franchement purulent (eau de riz) correspond à une réaction leucocytaire marquée, traduisant généralement une méningite bactérienne ou, plus rarement, une réaction méningée inflammatoire amicrobienne.

  • En cas de piqûre d'un vaisseau au cours de la ponction, on note une coloration rouge du liquide, plus marquée dans le premier tube que dans le dernier, avec souvent formation d'un petit caillot.

  • Les liquides sanglants ou jaunes (appelés xanthochromiques) dans les trois tubes évoquent plutôt une hémorragie méningée, sans toutefois éliminer systématiquement une méningite.

III. Examen microscopique

1. Numération des éléments

Après homogénéisation du liquide céphalorachidien, la numération des leucocytes et des hématies est effectuée en cellule de Malassez (figure n° 1).

La cellule de Malassez contient 1 mm3. Elle est divisée en dix bandes de 1/10 mm3. Chaque bande est divisée en dix rectangles de 1/,100 de mm3 (quadrillés ou non).

  • Recouvrir la cellule d'une lamelle (en la faisant adhérer avec un peu de salive déposée avec le doigt).

  • S'assurer que la platine du microscope est horizontale et attendre quelques minutes pour permettre aux éléments de sédimenter.

  • Compter les leucocytes et les hématies:

selon leur abondance, compter soit toute la cellule, soit plusieurs bandes, soit plusieurs rectangles. Faire la moyenne. Calculer et rendre les résultats par mm3. Pour faciliter l'examen, on peut ajouter une trace de colorant (solution de bleu de méthylène) à quelques gouttes du liquide céphalorachidien.

En cas de liquide hémorragique, il peut être difficile de différencier les hématies et les éléments. Compter alors l'ensemble, puis dans un petit tube ajouter à 9 gouttes de liquide céphalorachidien, 1 goutte d'acide acétique au 1/10e. Attendre quelques minutes que les hématies soient lysées, puis compter à nouveau l'ensemble des éléments visibles. Ajouter 10% à cette valeur pour tenir compte de la goutte d'acide acétique. La quantité de leucocytes sera obtenue par soustraction des deux valeurs des dénombrements.

Un liquide normal contient moins de cinq éléments par mm3.

Un syndrome méningé avec un liquide clair, voire normal, ne permet pas d'exclure une méningite bactérienne. Si la suspicion clinique reste forte, une seconde ponction lombaire doit être effectuée dans un délai de douze à vingt-quatre heures.

Le nombre de leucocytes oriente vers les différentes pathologies (tableau n°1).

Un liquide clair peut également s'observer dans les méningites purulentes décapitées par un traitement antibiotique insuffisant, avec une proportion variable de polynucléaires et lymphocytes et ceci doit être considéré comme un cas de méningite purulente.

2. Examen qualitatif des éléments

Il doit être fait dès que le nombre de cellules dépasse dix par mm3. Centrifuger le liquide céphalorachidien à 5 000 tours/mn pendant cinq à dix minutes dans un tube conique stérile.

Décanter le surnageant (dans un récipient contenant de l'eau de Javel). Maintenir le tube incliné à 45°, la partie effilée dirigée vers le haut. Introduire une effilure de pipette Pasteur au contact du culot: celui-ci monte spontanément par capillarité. Le répartir sur deux lames à raison d'une goutte par lame (figure n° 2). Étaler de façon à ne pas disperser les éléments. Dans le cas d'un culot important, étaler en couche mince, dans le cas contraire, concentrer l'échantillon sur une petite surface. Laisser sécher.

Colorer la première lame avec du bleu de méthylène (tableau n°2),ou du colorant de May Grunwald Giemsa. Etablir une formule en pourcentages respectifs des polynucléaires, des lymphocytes et des monocytes (compter au moins 100 éléments).

Les liquides clairs contiennent en général une majorité de lymphocytes, alors que les liquides troubles sont le plus souvent à prédominance de polynucléaires. On trouve:

  • une majorité de polynucléaires dans les méningites bactériennes ;

  • une majorité de lymphocytes dans les méningites virales, tuberculeuses, ou mycosiques;

  • parfois des formules mixtes, en particulier dans les formes de début et au cours des méningites à Listeria.

Il faut noter que dans les premières heures d'une méningite purulente, on peut observer une prédominance lymphocytaire ou une formule mixte et à l'inverse, au début des méningites virales, une majorité de polynucléaires.

3. Examen bactériologique

Coloration de Gram (tableau n°3)

La deuxième lame est utilisée pour la coloration de Gram. Les bactéries sont généralement peu nombreuses, leur forme et la façon dont elles sont groupées, leur situation à l'intérieur ou à l'extérieur des polynucléaires et leur affinité pour les colorants permettent avec l'habitude de faire une identification présomptive. Même si cela n'est pas le cas, il est important de pouvoir répondre:

  • s'il y a présence ou absence de bactéries visibles,

  • s'il s'agit de cocci à Gram positif, de cocci à Gram négatif, de bacilles à Gram négatif, de bacilles à Gram positif.

Il existe également des méningites à levures non capsulées (Candida), ou capsulées (Cryptococcus neoformans). Ces dernières sont recherchées dans le culot de centrifugation avec de l'encre de Chine: leur taille varie de 5 à 30 micro grammes. La présence de la capsule se traduit par un halo clair autour de la levure, limité à la périphérie par l'encre de Chine.

Conclusion

Le diagnostic bactériologique complet d'une méningite ne peut être fait qu'en mettant en culture le liquide céphalorachidien, mais l'examen direct s'il est bien fait peut déjà apporter des renseignements très utiles. Le liquide céphalorachidien est un liquide précieux, disponible en petite quantité. La ponction représente un traumatisme pour le malade. Son étude doit être faite le plus rapidement possible et il est nécessaire de conserver le liquide pour le cas où des recherches complémentaires devraient être effectuées.

Développement et Santé, n°117, juin 1995