Examen d'un patient diabétique

Par Par Angélique Thierry Médecin généraliste, Créteil, France.

Publié le

Un diabétique doit bénéficier d'un examen médical initial complet et d'un contrôle régulier, au moins annuel. Les professionnels paramédicaux spécialisés en diabétologie - diététiciens, infirmières, podologues - ont une place essentielle dans le suivi.
Toute consultation doit être l'occasion de s'assurer de la bonne compréhension (et plus tard de l'observance) des différentes mesures hygiéno-diététiques et thérapeutiques. C'est la part la plus importante de la prise en charge, elle permet une meilleure acceptation du caractère chronique de la maladie.

I. Examen initial

1. L’interrogatoire

Antécédents du patient

  • Antécédents familiaux, notamment de diabète.
  • Antécédents personnels.
  • Affections associées (HTA...) et traitements éventuels en cours.
  • Tabagisme, dont les effets délétères sur les artères s'ajoutent à ceux du diabète.
  • Consommation excessive d'alcool (plus de trois verres de vin par jour chez l'homme et deux chez la femme).
  • Situation familiale et professionnelle du patient, a-t-il une activité physique ou au contraire est-il sédentaire ?
  • Historique de la maladie si elle est déjà connue : date du diagnostic, complications, traitements éventuels.

Signes du diabète

  • Syndrome cardinal associant : polyurie-polydipsie, asthénie, amaigrissement et polyphagie.
  • Signes liés aux conséquences du diabète sur les différents organes/fonctions :
  • Troubles de la vision (rétinopathie).
  • Douleurs thoraciques ou dyspnée survenant à l'effort (insuffisance coronarienne, insuffisance cardiaque).
  • Douleurs des mollets lors de la marche : claudication intermittente liée a l'atteinte des artères des membres inférieurs.
  • Troubles urinaires (infection urinaire).
  • Infections diverses : furoncles, plaies traînantes, abcès dentaires.
  • Douleurs a type de décharges électriques, sensation d'engourdissement de la peau (polynévrite).
  • Douleurs, plaies, troubles de la sensibilité des pieds.
  • Evaluation de la vaccination antitétanique : la perte de sensibilité expose aux plaies indolores donc, indirectement, au tétanos.

2. Examen clinique initial

Evaluation du poids

Un excès de poids constitue en lui-même un risque cardio-vasculaire, qui s'ajoute a celui du diabète.
Le poids doit donc être surveillé par :

  • L'indice de masse corporelle, IMC (figure 1).
  • La mesure du tour de taille (figure 1) : il constitue un autre facteur de risque lorsqu'il est supérieur à 102 cm chez l'homme et à 88 cm chez la femme.

Figure 1. Evaluation du poids et du tour de taille

Examen cardio-vasculaire

Il recherche des facteurs de risque et évalue le retentissement du diabète :

  • Mesure de la pression artérielle, au repos (après 15 minutes en position allongée) et aux deux bras, avec un brassard de taille adaptée en cas d'obésité, en sachant que la TA ne devrait pas dépasser 130/80 mmHg.
  • La prise du pouls vérifie la fréquence et le rythme cardiaques.
  • Recherche de signes d'insuffisance cardiaque : tachycardie, dyspnée d'effort, oedèmes des membres inférieurs, douleurs hépatiques, et anomalies notées a l'auscultation cardiaque et pulmonaire (effectuée par le médecin).
  • Recherche de signes de macro-angiopathie par la palpation des pouls périphériques distaux (figure 2) et la recherche de souffles vasculaires (auscultation par le médecin).
  • Recherche d'une hypotension orthostatique - chute de la pression artérielle lors du passage du décubitus a la position debout - témoignant d'une neuropathie végétative.

Figure 2. Palpation des pouls périphériques

Examen neurologique

On recherche en particulier des signes de polynévrite siégeant le plus souvent aux membres inférieurs (en chaussette) : fourmillements, démangeaisons, sensations de froid ou de chaud, de "coups d'aiguille", souvent nocturnes. Il peut exister une amyotrophie.

L'examen peut montrer la disparition des réflexes ostéotendineux (figure 3).

Figure 3. Etude du réflexe rotulien droit (réflexe ostéotendineux)

Examen ophtalmologique (nécessitant une consultation de spécialiste)

Le diabète est responsable de lésions ophtalmologiques souvent sévères. L'examen du fond d’oeil permet d'apprécier l'état de la vascularisation de la rétine. Il est complété par l'étude de l'acuité visuelle.

Examen de la peau

Il recherche des lésions infectées, comme des furoncles, en particulier aux endroits inapparents (narines, fesses, conduits auditifs...).
Examen des pieds
Il est essentiel et indispensable (voir l'article "pied du diabétique") :

  • Palpation des pouls pédieux, tibiaux postérieurs, et poplités.
  • Etat trophique des téguments : recherche de callosités, de plaies pouvant évoluer vers un mal perforant (Figure 4).
  • Etat des ongles : onyxis.
  • Infections cutanées : érysipèle, mycose.
  • Etat articulaire : déformation du pied : pied creux (figure 5).

  • Sensibilité profonde par la position des orteils.
  • Sensibilité superficielle évaluée avec une fine mèche de coton ou mieux avec un monofilament : sa diminution est un signe d'alerte.

Le test au mono filament (figure 6) permet de dépister des troubles mineurs de la sensibilité superficielle du pied, témoins d'un risque de lésion du pied. Ce test a aussi une valeur pédagogique, car le patient prend conscience de ses troubles.
Le praticien utilise un monofilament de 10 gr et fait reconnaître la sensation en l'appliquant sur la main du patient. Il prévient le patient qu'il y aura des "pièges", c'est-à-dire en demandant s'il sent le monofilament alors qu'il n'est pas appliqué. Le monofilament est appliqué pendant une seconde environ sur différents points de pression et le patient doit signaler lorsque le mono filament est enlevé.
Chaque zone est testée trois fois, de façon aléatoire : si le patient se trompe 2 fois sur 3 sur une zone, le test est anormal.

Recherche de foyers infectieux

Infection dentaire, cutanée, ORL, urinaire...

3. Examens complémentaires

  • Glycémie a jeun : rappelons que la valeur normale est entre 0,9 et 1,10 g/L; et que l'on définit le diabète par une glycémie supérieure ou égale a 1,26 g/L a deux reprises.

  • Hémoglobine glyquée, Hb A1c : sa mesure est essentielle, mais elle n'est pas toujours réalisable (coût élevé : 10 000 CFA, 15 €). La valeur normale est 6%. Cet examen est ininterprétable chez les patients porteurs de certaines hémoglobinopathies. La glycémie n'informe que sur le taux de sucre au moment du prélèvement. C'est pourquoi on dose l'hémoglobine glyquée, dont la concentration dépend de la glycémie moyenne des deux mois précédant le dosage.
    Un patient peut avoir une glycémie à 1, 3 g/l faisant évoquer une intolérance au sucre. Si son hémoglobine glyquée est a 8°/>, cela signifie que, le mois précédent, son diabète n'était pas équilibré. Peut-être le patient a-t-il renforcé son régime la veille de l'examen, d'ou une glycémie peu élevée.

  • Glycosurie : le sucre est éliminé dans les urines lorsque la glycémie dépasse en moyenne 1,60 à 1,80 g/L. La glycosurie s'apprécie par un nombre de croix : + ou ++ ou +++

  • Cétonurie : c'est un indicateur de gravité indiquant un risque de coma acido-cétosique.

  • Examen cytobactériologique des urines (ECBU) : recherche d'une infection urinaire souvent silencieuse.

  • Bilan lipidique : une hypercholestérolémie et une augmentation du LDL-cholestérol constituent un autre facteur de risque (le lésions artérielles.

  • Créatininémie et kaliémie pour apprécier la fonction rénale.

  • Recherche d'une micro albuminurie (si cet examen est possible).

  • Electrocardiogramme (ECG) : les diabétologues insistent sur l'existence possible d'infarctus du myocarde silencieux, c'est-à-dire sans signes cliniques mais visibles a l'ECG. On réfléchira à l'opportunité d'une consultation de cardiologie (épreuve d'effort, échographie cardiaque, écho-doppler artériel).

  • Fond d'oeil réalisé par l'ophtalmologiste, afin de vérifier l'état des rétines.

Répétons-le, ce bilan initial se fera en 2 ou 3 consultations.

En conclusion

L'examen initial d'un patient diabétique est un temps essentiel et doit être le point de départ d'un suivi régulier. Il faut prendre du temps pour lui expliquer l'importance du traitement et des règles hygiéno-diététiques.
-Des consultations régulières seront ensuite nécessaires pour adapter le traitement et réduire les risques de complications qui, a plus ou moins long terme, altèrent la qualité de vie. L'examen du diabétique nécessite toute l'attention du médecin généraliste et/ou du diabétologue, ainsi que celle de l'équipe paramédicale (podologue, infirmier, diététicien). C'est dire l'importance de la coordination entre les différents intervenants et la nécessité de prendre le temps d'écouter et d' examiner chaque patient.

II. Suivi clinique et biologique optimal du DNID

Le diabète est une maladie générale chronique touchant tous les organes et comportant un risque infectieux important. La démarche doit donc être autant, voire davantage, préventive que curative, en s'appuyant sur deux axes : l'un éducationnel, que l'on n'abordera que dans cet article, l'autre de dépistage et de surveillance a la fois clinique et biologique.
Examiner et suivre sur le plan clinique un diabétique s'avère difficile pour diverses raisons. Tout d'abord, plusieurs appareils sont a examiner et parfois de façon complexe. Par exemple, la surveillance cardio-vasculaire devrait comporter un électrocardiogramme, voire un écho-doppler artériel et une épreuve d'effort. Examiner un diabétique prend du temps, parfois beaucoup, et il faudra en trouver pour l'éduquer, lui expliquer l'utilisation d'un lecteur de glycémie, le conseiller sur la nutrition adaptée, l'aider à perdre du poids, etc.
Cette surveillance devra donc être programmée ; en effet, on ne peut pas tout faire en une seule consultation, il faudra en prévoir plusieurs, en fixant parfois des rendez-vous à des moments de meilleure disponibilité dans la journée. N'oublions pas que beaucoup de temps passé initialement en fera gagner ensuite. Il a été défini des recommandations d'examens à pratiquer tous les trois mois ou une fois par an (voir les tableaux pages suivantes). Les conditions d'exercice dans les dispensaires périphériques d'un pays du sud sont telles que beaucoup des examens souhaités ne sont pas réalisables. Néanmoins, il semble intéressant de présenter ici l'attitude clinique optimale, puis d'adapter la stratégie clinique en fonction (les priorités, des compétences et des moyens disponibles.

1. Consultation trimestrielle

  • Poids
  • TA
  • Examen clinique, guidé par les signes mentionnés par le patient et les constatations de l'examen précédent.
  • Glycémie a jeun.
  • Dosage de l'hémoglobine glyquée (si possible).
  • Autres examens complémentaires si nécessaire, selon l'examen clinique.
  • Prescription éventuelle d'un lecteur de glycémie et explication de son utilisation.

2. Consultation annuelle

Rappelons que tout ne se fait pas le même jour et que cette consultation doit être programmée.
Mêmes éléments que lors de la consultation trimestrielle.

  • Examen précis des pieds.
  • Recherche de foyers infectieux, en particulier dentaires, ou cachés (folliculite ou furoncles péri-anaux).
  • Examen ophtalmologique (fond d'oeil).
  • ECG.
  • Bilan lipidique, créatinémie, kaliémie, ECBU, protéinurie, glycosurie, acétonurie.

Au terme de ce bilan, on évaluera la nécessité d'une consultation spécialisée.

Le diagnostic éducatif

Enfin, et pour faire le lien avec les articles qui suivent, il convient d'ajouter a ce bilan clinique le diagnostic éducatif. A partir d'une consultation initiale assez complète et grâce aux consultations de suivi répétées, il est possible de mieux connaître le patient et son diabète. Ainsi peut-on l'aider a le prendre lui-même en charge de façon adaptée.

Le diagnostic éducatif est une évaluation du patient autour de cinq axes :

  • ses symptômes (qu'a-t-il ?),
  • son profil personnel et familial (qui est-il, quel est son métier ?),
  • ses activités (que fait-il ?),
  • ses connaissances sur sa maladie (que sait-il ?),
  • ses préférences pour l'observance thérapeutique (que veut-il ?).

Il consiste a explorer le retentissement de la maladie sur sa vie et son activité, son contexte de vie familiale et sociale, ses projets, ses conceptions,
Le degré d'acceptation de sa maladie, ses handicaps ou ses potentialités d'apprentissage.
Ce diagnostic a pour but d'éviter les principaux accidents et complications et de permettre (le mener une vie normale. Il ne se fait pas dans la précipitation mais se prépare et peut être étalé sur plusieurs séances. Il aboutira a établir une esquisse des compétences transférables progressivement au patient, avec un contrat thérapeutique établi dans un climat de confiance et avec un programme de suivi-évaluation.

Recommandations pour le suivi du diabète de type 2

Tous les 3-4 mois Une fois par an
Interrogatoire
  • Education (autonomie, règles hygiénodiététiques.. )
  • Observance du traitement
  • Auto surveillance glycémique (si prescrite)
  • Problèmes psychosociaux
  • Education (autonomie, règles hygiéno-diététiques...)
  • Observance du traitement
  • Auto surveillance glycémique (si prescrite)
  • Problèmes psychosociaux
  • Tabagisme
  • Evaluation complémentaire de la prise en charge de sa maladie par le patient
  • Symptômes de complications cardiovasculaires ou neurologiques
Examen clinique
  • Poids
  • Tension artérielle
  • Examen des pieds
Examen clinique complet, en particulier :
  • Examen des pieds : état cutané,neuropathie sensitive (mono filament)
  • ROT
  • - Palpation des pouls
  • Recherche de souffles abdominaux, fémoraux et carotidiens
  • Recherche d'une hypotension orthostatique
  • Examen de la bouche, de la sphère ORL, de la peau
Examens paracliniques
- HbA1c (si possible)
  • Examen par un ophtalmologiste
  • ECG de repos
  • Bilan lipidique a jeun
  • Créatinémie
  • Protéinurie, hématurie, recherche d'infection urinaire par bandelettes
  • Si pas de protéinurie, recherche d'une micro albuminurie (si possible)

Tableau de bord de surveillance du diabète de type 2

Nom & prénom Sexe : Né(e) le Profession Antécédents familiaux
Début du diabète VAT1 HTA Diabète MCV2
Antécédents personnels
Objectifs à définir avec le patient
Glycémie à jeun < g/L PA < < mmHg Tabagisme Oui/Non
Cholestérol total < g/L Triglycérides < g/L Activité physique > 3 h/semaine Oui/Non
Tous les trois mois
Date PA Glycémie à jeun HbA1c
................ ................ ............... ............... ..................... .................... ............... .................
Tous les six mois
Si traitement hypolipidémiant : bilan lipidique
………………………..……………………… ………………………..……………………….. ………………………..………………………..
Créatinine si Biguanide, SH, IEC ou âge > 60 ans
………………………............................ ………………………...........................
Tous les ans
Date Tabac Diététique Activité physique Dentiste Examen ophtalmo Micro-albuminurie Créatinine Sensibilité, ROT Monofilament Palpation des artères ECG Bilan lipidique

1 : Vaccination antitétanique.

2 : Maladie cardiovasculaire

Si ces examens peuvent être réalisés

Développement et Santé, n°193, 2009