Difficultés de l'allaitement maternel
Reproduit avec autorisation de : Guide pour la formation en nutrition des agents de santé communautaires. Genève, Organisation Mondiale de la Santé, 1990.
I. Problèmes courants
Quelques problèmes courants se posent pendant l'allaitement, en particulier au cours des deux premières semaines. Le problème le plus fréquent est celui de la mère qui craint de ne pas pouvoir nourrir son enfant et a des doutes sur la quantité et la qualité de son lait. Les autres problèmes sont les mamelons plats, les mamelons douloureux et les seins très gonflés et douloureux.
Si la mère se prépare à l'allaitement pendant sa grossesse, cela lui évitera un certain nombre de problèmes. L'agent de santé communautaire doit entrer en contact avec toutes les femmes enceintes et discuter avec elles de l'allaitement au sein. Elle doit apprendre à la mère à étirer ses mamelons, à les presser pour en exprimer doucement quelques gouttes de liquide et elle doit lui donner confiance dans sa capacité de bien nourrir son enfant. C'est particulièrement important parce que, pour diverses raisons, il se peut que le lait ne monte pas bien pendant la première semaine qui suit la naissance. L'agent de santé communautaire rendra visite à la mère aussitôt après l'accouchement et l'encouragera, l'aidera et la rassurera.
1. Mamelons plats
Certaines femmes ont des mamelons courts et plats. C'est surtout le cas de femmes qui ont leur premier enfant (figure n° 1). En général, les mamelons sont protractiles (ils peuvent s'étirer) et assez longs. Si le mamelon n'est pas protractile, le bébé aura des difficultés à téter.
Il faut donc examiner les seins de toutes les femmes enceintes. Si les mamelons sont plats, il faut s'assurer qu'ils sont protractiles. Il faut apprendre à la mère à presser ses mamelons entre ses doigts pour les étirer doucement (figure n° 2).
Elle doit faire cet exercice plusieurs minutes par jour. Ses mamelons deviendront plus longs.
Une fois le bébé né, les mamelons peuvent être encore étirés davantage. La mère doit pincer délicatement l'aréole entre deux doigts avant de mettre le bout du sein dans la bouche du bébé. Si le sein est bien plein, il convient d'en exprimer d'abord un peu de lait.
2. Seins gonflés (engorgés)
Parfois les seins de la mère fabriquent plus de lait qu'il n'en faut au nourrisson. Cela arrive souvent pendant la première semaine après l'accouchement. Parfois le bébé est trop faible pour téter tout le lait. Si le sein n'est pas vidé normalement, il devient douloureux et gonflé de lait (il est engorgé). La peau est tendue et le bébé n'arrive pas à saisir le bout du sein en entier pour téter. La tétée peut être pénible pour la mère. Il convient de prévenir l'engorgement et de traiter les seins engorgés en les vidant régulièrement.
Comment tirer le lait du sein
Il faut apprendre à la mère à tirer son lait quand ses seins sont pleins au point d'en être douloureux (figure n° 3). Elle doit d'abord se laver les mains et se munir d'un bol ou d'une tasse propre. Elle entoure le sein de ses deux mains qu'elle fait glisser, en appuyant doucement, de la base du sein vers le mamelon.
Ensuite, elle comprime le bout du sein entre les doigts et le pouce de sa main droite pour faire jaillir le lait dans la tasse. Le lait doit être exprimé de toutes les parties du sein. Vider le sein de son lait prend du temps. Un sein vidé de son lait est ramolli et ne doit pas comporter de boules. Si un sein engorgé n'est pas vidé, le volume de lait qu'il produit diminuera rapidement. Le lait tiré du sein peut être donné au nourrisson de diverses manières (figure n° 4).
S'il y a une boule douloureuse dans le sein au cours de la première semaine d'allaitement, cela peut être dû au blocage d'un vaisseau galactophore. Il faut vider le sein, puis presser doucement sur la boule pour la vider. Cela évitera l'apparition ultérieure de problèmes graves.
3. Mamelons douloureux
Les mamelons sont très sensibles. Si la peau est très délicate et que le bébé tète très fort, les mamelons deviennent douloureux. Cela se produit surtout chez les femmes dont les seins sont engorgés et chez celles dont les mamelons sont trop petits ou plats, car le bébé doit téter beaucoup plus fort pour pouvoir maintenir le bout du sein dans sa bouche. Parfois se produisent des crevasses qui sont très douloureuses. Elles sont rarement dues à une morsure du bébé. Une crevasse du sein peut être la porte ouverte à l'infection.
Pour empêcher que les mamelons ne deviennent douloureux, il faut masser l'aréole et le mamelon avec de l'huile pour que la peau reste souple ; ne pas laisser le bébé téter pendant trop longtemps ; changer de position pendant la tétée pour que la pression ne s'exerce pas toujours au même endroit ; s'assurer que les seins sont vidés régulièrement, en exprimant soi-même le lait nécessaire ; laisser les mamelons sécher à l'air après la tétée.
Pour soigner les mamelons douloureux, il faut bien vider les seins. La tétée étant généralement trop pénible, il sera nécessaire d'exprimer le lait manuellement. On mettra une pommade antiseptique ou antibiotique (onguent à la tétracycline) sur la crevasse. L'enfant ne devra téter que l'autre sein. Si nécessaire, donner à la mère de l'aspirine ou du paracétamol pour la soulager.
4. Seins douloureux et fièvre
Parfois des germes pathogènes pénètrent dans les seins, peut-être par une crevasse dans le mamelon. Cela provoque des infections. Une partie du sein devient douloureuse, gonflée, rouge et chaude. La femme peut avoir de la fièvre.
Il faut lui donner des antibiotiques et pour cela l'envoyer au centre de santé ou à l'hôpital. Dans ce cas encore, il importe de vider le sein en y mettant le bébé à téter ou en exprimant le lait manuellement. Cela sera très douloureux, mais le bébé doit continuer à téter. L'allaitement ne devra être interrompu que si du pus sort du mamelon. Donner à la mère de l'aspirine ou du paracétamol pour la soulager et faire tomber la fièvre.
5. Crainte d'avoir trop peu de lait ou un lait de mauvaise qualité
Au début, les mères ont souvent peur de ne pas avoir assez de lait pour leur enfant. Les seins commencent à sécréter le lait entre le troisième et le cinquième jour après l'accouchement. Toutefois, pendant les deux ou trois premiers jours qui suivent l'accouchement, les seins sécrètent assez de colostrum pour nourrir le nouveau-né. Il faut encourager les mères en leur expliquant que :
La montée du lait ne commence généralement qu'entre le troisième et le cinquième jour, mais il faut tout de suite allaiter pour que le nourrisson profite du colostrum. L'allaitement immédiat favorise la sécrétion précoce du lait.
Quand un bébé naît, il a beaucoup d'eau dans son organisme et il n'a pas besoin de boire beaucoup les premiers jours.
Le nourrisson doit être mis au sein régulièrement. Il absorbera du colostrum, produit qui est bon pour lui et, en tétant, il fera venir le lait.
Il arrive souvent que les mères de bébés de deux à six mois aient peur que leur bébé ne reçoive pas assez de lait, surtout s'il pleure beaucoup. Pour aider la mère, faire ce qui suit :
Peser le bébé régulièrement. S'il a un gain de poids régulier, rassurer la mère.
Le bébé peut pleurer pour d'autres raisons que la faim. Il faut s'assurer qu'il n'est pas mouillé, qu'il n'a pas froid ou qu'il n'est pas dans une position inconfortable. Lorsqu'un bébé pleure après une tétée, cela n'est généralement pas dû à la faim.
Si le bébé ne prend pas régulièrement du poids, il faut d'abord essayer d'augmenter la lactation chez la mère, en lui donnant davantage à manger et à boire et davantage de repos. Lorsque les coutumes s'y prêtent, donner des plantes et des boissons localement acceptées pour augmenter la lactation. Le bébé doit être mis plus souvent au sein. Il faut aider la mère à surmonter ses craintes, car l'anxiété peut influer sur la lactation.
Même si la mère n'a qu'un peu de lait, elle doit continuer à allaiter son enfant. Le peu de lait qu'elle a est bon pour le bébé et elle en aura peut-être davantage par la suite si elle persévère.
Les mères pensent parfois que leur lait ne convient pas au bébé ou qu'il est de mauvaise qualité. Les femmes ignorantes et les grand-mères disent souvent de telles choses. En fait, le lait de la mère est la nourriture idéale pour le bébé. Il contient des éléments nutritifs et des substances qui protègent contre les infections. Il faut s'employer à rassurer fermement la mère car, si elle n'a pas confiance, son lait diminuera.
II. Comment nourrir un bébé dont la mère n'a pas de lait : les dangers du biberon
Si la mère n'a pas de lait ou si elle est morte en couches, il faudra s'efforcer de trouver quelqu'un d'autre pour allaiter le bébé. Une amie ou une parente peut servir de nourrice. Une nourrice est une femme qui allaite le bébé d'une autre femme. Une femme qui a déjà allaité peut être capable d'allaiter à nouveau. Il faut pour cela qu'elle ait envie d'allaiter le bébé ou qu'elle estime que c'est son devoir. Le bébé doit être mis fréquemment à l'un et à l'autre seins. La femme doit aussi recevoir un supplément de nourriture et de boisson. S'il y a des plantes locales dont on pense qu'elles accroissent la lactation, il faut lui en donner. Ce processus est appelé relactation. La relactation n'est pas un phénomène garanti chez toutes les femmes.
Si la mère n'a vraiment pas de lait et si l'on ne peut pas trouver de nourrice, il faut nourrir artificiellement le bébé avec le lait d'une vache ou d'un autre animal, ou avec du lait en poudre. L'usage assez répandu du biberon est dangereux, notamment pour les raisons suivantes :
Le lait est facilement contaminé par des germes pathogènes véhiculés par les biberons, les tétines, les cuillères, l'eau ou les mains sales. Le danger est surtout grand dans les foyers où il n'y a pas d'eau courante et où il y a peu de combustible ou de temps pour stériliser le biberon et les tétines.
Aucun lait en dehors du lait maternel ne contient des substances qui peuvent protéger l'enfant contre les infections.
Le lait tourne s'il n'est pas rapidement utilisé. Il tourne encore plus vite dans les pays chauds.
Le lait de vache et les laits en poudre sont souvent trop dilués parce qu'ils coûtent très cher. Or, s'ils sont trop dilués, l'enfant n'est pas nourri convenablement et ne grandira pas.
Le trou de la tétine en caoutchouc du biberon peut être trop petit ou trop grand. Si le trou est trop petit, l'enfant doit faire des efforts et avale beaucoup d'air et pas assez de lait. Si le trou est trop grand, l'enfant avale le lait trop rapidement et risque de vomir.
Voici quelques précautions à prendre pour que l'alimentation artificielle du bébé soit moins dangereuse.
1. Ce que la mère peut faire
Se laver les mains avec du savon et de l'eau avant de préparer la nourriture.
Utiliser d'autres méthodes que le biberon. Donner le lait au bébé à l'aide d'une tasse et d'une cuillère (figure n° 5) ou d'une cuillère spéciale.
Laver et faire bouillir ces ustensiles avant de les utiliser. Ils sont beaucoup plus faciles à nettoyer qu'un biberon.
Si l'on doit diluer le lait et le préparer (dans le cas de lait en poudre, par exemple), utiliser de l'eau bouillie.
Ne préparer que la quantité nécessaire pour un repas. Si l'on en prépare trop et que l'on en met de côté pour le repas suivant, le danger de contamination est grand.
2. Ce que l'agent de santé communautaire peut faire
S'assurer que la famille a les moyens d'acheter du lait. Si la famille est pauvre et ne peut se procurer gratuitement du lait auprès du service de santé, il faudra compléter le peu de lait dont elle disposera avec de la bouillie pour que le bébé soit assez nourri.
N'enseigner à la mère à nourrir artificiellement son enfant que si elle ne peut absolument pas le nourrir au sein. Ne pas enseigner les principes de l'alimentation artificielle à un groupe de mères.
Apprendre à la mère qu'il ne faut pas donner d'aliments artificiels en plus du lait maternel, car cela réduirait la lactation (on peut recourir à l'allaitement artificiel pour compléter l'allaitement au sein si la fiche de croissance d'un enfant indique qu'il ne prend pas de poids).
Si la mère utilise du lait de vache, de chèvre ou de chamelle pour l'allaitement artificiel :
Pendant les quinze premiers jours suivant la naissance, on lui donnera du lait bouilli tiède additionné d'une quantité égale d'eau bouillie tiède.
À partir de deux semaines jusqu'à quatre mois, elle donnera deux tiers de lait bouilli tiède additionné d'un tiers d'eau bouillie tiède.
Après quatre mois, elle lui donnera le lait bouilli tiède non dilué.
Si on utilise du lait de bufflonne, on enlèvera la crème avant de le faire bouillir, car il contient trop de matières grasses pour les nourrissons. Une fois le lait écrémé, l'utiliser de la même façon que le lait de vache.
III. Quelle quantité de lait donner au bébé ?
Un bébé allaité artificiellement a besoin d'absorber chaque jour environ 150 millilitres de lait par kilogramme de son propre poids. Ainsi, un nourrisson pesant trois kilogrammes aura besoin de prendre 450 millilitres de lait par jour. Il devra être nourri environ six à huit fois par jour ; il faudra donc lui donner environ 55 à 75 millilitres de lait dilué à chaque repas. Les bébés un peu plus âgés seront nourris cinq fois par jour. Un bébé de cinq mois pesant sept kilogrammes aura besoin d'un peu plus d'un litre de lait non dilué par jour, soit environ 210 millilitres à chaque repas.
Quelques notions importantes à enseigner aux mères au sujet de l'allaitement artificiel
Le lait maternel est le meilleur aliment que l'on puisse donner à un enfant jusqu'à 18-24 mois, mais il faut le compléter par d'autres aliments dès que l'enfant a atteint 4-6 mois.
Mélanger et préparer le lait en poudre est très compliqué. S'il est vraiment nécessaire que la mère utilise ce produit, il faut qu'une personne qualifiée lui montre comment s'y prendre.
L'achat des quantités de lait en poudre nécessaires pour nourrir un bébé est très coûteux.
Développement et Santé, n°124, août 1996