Diagnostic biologique de l'hydatidose

Par Vincent Estève Médecin-biologiste, Laboratoire de Biologie Médicale, Centre Hospitalier, Aulnay-sous-Bois.

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L'hydatidose est une échinococcose due au développement, chez l'homme, de larves d'Echinococcus granulosus. À l'état adulte, le parasite est hébergé dans l'intestin d'animaux domestiques, surtout le chien. Le diagnostic repose sur des arguments cliniques, radiologiques et biologiques. Parmi les examens biologiques, les sérologies apportent les éléments étiologiques les plus importants.

I. Les examens d'orientation

La numération formule sanguine :

  • Elle est le plus souvent normale.
  • L'hyperéosinophilie peut s'observer dans le cadre de fissuration d'un kyste et peut être associée à des signes allergiques type urticaire.
  • La polynucléose traduit la surinfection kystique et est accompagnée d'un syndrome inflammatoire.

Le bilan hépatique peut être lui aussi perturbé en cas de compression des voies biliaires hyperbilirubinémie, hypertransaminasémie...

Ces anomalies ne sont pas spécifiques mais peuvent traduire une complication.

II. Les examens parasitologiques directs

Il est exceptionnel de découvrir scolex, crochets ou fragments membraneux dans les selles après ouverture d'un kyste dans les voies biliaires, ou dans une vomique après ouverture d'un kyste dans les bronches.

La ponction exploratrice du kyste est formellement contre-indiquée en raison du risque de dissémination avec apparition de foyers secondaires.

Seuls les prélèvements per-opératoires du kyste, dit "hydatide", peuvent permettre de retrouver l'agent pathogène. Le kyste est une sphère creuse, limitée par deux membranes :

  • la cuticule externe entourant,
  • la membrane interne parasitaire dite proligére ou germinative et mère de tous les éléments de la larve. Par bourgeonnement, elle donne les vésicules ou capsules proligères qui élaborent les scolex ou protoscolex, têtes des futurs taenias (photos1 et 2). Ces vésicules peuvent se détacher ou se déchirer libérant les scolex qui s'accumulent dans le fond du kyste et forment le sable hydatique.

À l'intérieur de l'hydatide, se trouve le liquide hydatique, eau de roche, constitué de produits de l'hôte dialysés à travers la cuticule externe, et de produits du métabolisme du parasite qui lui confèrent sa grande valeur antigénique. L'observation microscopique du culot de centrifugation de ce liquide permet de mettre en évidence, si le kyste est fertile, des crochets provenant de protoscolex abimés, des protoscolex invaginés ou dévaginés ou même des vésicules-filles endogènes. Chez l'homme, les protoscolex sont rarement observés (cf. photos). Certains kystes ne comportent pas de scolex.

III. Les examens immunologiques

Ce sont ces examens qui permettent le plus souvent de porter le diagnostic.

1. Exploration de l'immunité cellulaire

Les tests cutanés : l'intradermoréaction de Casoni est très rarement utilisée. Elle consiste à lire la réaction cutanée 15 minutes après l'injection intradermique d'antigène hydatique. À condition d'être faite avec des antigènes purifiés et contrôlés qualitativement et quantitativement, elle est positive dans 75 % des cas d'hydatidose. Elle est devenue contre-indiquée du fait de risque de transmission virale (VIH, hépatite B ou C).

Le test de dégranulation des basophiles humains (TDBH) en présence d'antigène hydatique serait significatif lorsque l'index de dégranulation dépasse 35 %. La sensibilité de ce test est bonne et il semble intéressant dans les localisations pulmonaires où la sérologie fait parfois défaut.

2. Exploration de l'immunité humorale

Elle reste l'étape essentielle du diagnostic.

Les réactions sérologiques sont nombreuses : leur sensibilité et leur spécificité dépendent de la qualité de l'antigène utilisé. Les antigènes sont obtenus à partir d'hydatides fertiles de foies parasités. Leur purification et standardisation permettent d'augmenter la spécificité des réactions sérologiques.

Les antigènes figurés correspondent aux protoscolex entiers ou à des coupes de scolex.

Les antigènes solubles sont préparés à partir du liquide hydatique. Ils doivent être absolument purifiés pour éviter certaines réactions faussement positives (antigènes de l'hôte dans le liquide). En immunoélectrophorèse, vis-à-vis d'un immunsérum homologue, on observe au moins 10 arcs de précipitation dont l'arc remarquable ou arc 5 correspondant à la fraction antigénique spécifique 5.

Les principales techniques sérologiques sont

  • L'immunofluorescence indirecte (IFI) simple de réalisation pour les laboratoires qui préparent leur antigène, elle est sensible dans les localisations hépatiques. Le seuil de positivité est au 1/100. Il existe des réactions croisées avec l'échinococcose à E. multilocularis et la cysticercose. C'est l'une des rares techniques utilisant des antigènes figurés.
  • L'agglutination : des particules de latex sont recouvertes d'antigènes solubles. La méthode est très simple mais manque de spécificité.
  • L'hémagglutination indirecte : des hématies de mouton sont recouvertes d'antigènes solubles. La méthode est simple et disponible en kits. Sa sensibilité est bonne et le seuil de positivité est de 1/320. Ce test peut être positif dans d'autres helminthiases.
  • L'immunoélectrophorèse : elle permet de différencier les différents arcs de précipitation et la recherche de l'arc spécifique 5 pour le diagnostic de certitude d'échinococcose à Echinococcus granulosus. Cet arc 5 peut se voir dans la cysticercose ou dans l'échinococcose alvéolaire mais permet de poser le diagnostic dans plus de 90 % des hydatidoses hépatiques et 65 % des hydatidoses pulmonaires. L'inconvénient majeur de cette technique est la nécessité d'une grande quantité de sérum (au moins 1 ml).
  • L'électrosynérèse : elle remplace l'immunoélectrophorèse grâce à la quantité moindre de sérum à prélever et au délai de réalisation inférieur (quelques heures). Elle consiste en une précipitation sur acétate de cellulose entre le sérum à tester et un antisérum anti-arc 5.
  • L'ELISA : c'est une méthode immunoenzymatique. L'antigène spécifique est fixé sur un support solide. Si l'anticorps est présent dans le sérum à tester, il se forme un complexe immun par addition d'une antiglobuline humaine couplée à une enzyme. La lecture se fait par mesure de la densité optique à l'aide d'un spectrophotomètre. La réaction sera d'autant plus spécifique que l'antigène utilisé aura été parfaitement purifié (fragment 5).
  • Les dosages d'IgE totales et spécifiques : ils permettent de poser le diagnostic dans 60 % des cas. La sensibilité semble meilleure dans les localisations hépatiques.

3. Discussion sur les techniques immuno-sérologiques

Les techniques immunologiques dans l'hydatidose permettent de poser le diagnostic dans 80 à 95 % des localisations hépatiques et 40 à 65 % des localisations pulmonaires (dans lesquelles la réponse immunitaire est moins importante) à condition de réaliser deux techniques différentes. Il est souhaitable d'utiliser une technique quantitative (IFI, ELISA, hémagglutination ... ) et une technique qualitative (recherche de l'arc 5). Les résultats varient entre les différents laboratoires en raison des antigènes utilisés. La standardisation de ces antigènes permettra une meilleure comparaison entre les laboratoires.

Lorsque un kyste hydatique est calcifié, la réponse immunitaire est affaiblie et la sérologie est négative malgré la présence du parasite.

4. Cinétique des anticorps

Les sérologies et la cinétique des anticorps permettent d'apprécier l'efficacité du traitement, qu'il soit chirurgical ou médicamenteux.

Après intervention, il existe une élévation du taux des anticorps sériques jusqu'à la 4è (voire la 6è) semaine puis une décroissance sur plusieurs mois avec disparition en 12 à 24 mois.

Suite au traitement chirurgical, la persistance d'un taux élevé des anticorps ou la réascension après négativation sont en faveur d'une intervention incomplète ou d'une échinococcose secondaire.

IV. Conclusion

En dehors d'examens d'orientation non spécifiques, les techniques sérologiques peuvent apporter des éléments diagnostiques dans un grand nombre de cas. Cependant le diagnostic de certitude repose sur l'anatomopathologie et la microscopie du liquide hydatique sur une pièce opératoire s'il y a lieu.

Développement et Santé, n° 137, octobre 1998