Dépistage de la tuberculose en France, chez les sujets à risque de tuberculose

Par Dr Isabelle Caubarrère*, Dr Christine Poirier**, Dr Gérard Gonnot*** * Pneumologue Médecin du Monde, ** Pneumologue hôpital AVICENNE (Bobigny), *** Centre de Lutte Anti Tuberculose (Paris).

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En France, le dépistage de la tuberculose maladie repose sur la radiographie de thorax. Les exa­mens bactériologiques pour la recherche de BK, prescrits selon les données radiologiques, confir­ment le diagnostic dans 80 % des cas.

Les signes cliniques de la tuberculose sont connus (et décrits dans les autres articles traitant de ce sujet), la maladie est alors symptomatique. La tuberculose maladie peut aussi être asymptomatique ; dans ce cas le sujet concerné ignore et son risque personnel et son éventuelle contagiosité. Les sujets à risque dont il s'agit ici regroupent tous ceux ayant une difficulté d'accès aux soins et ne bénéficiant d'aucun environnement sanitaire.

La politique de santé en France, associée à certains facteurs socio-économiques, a entraî­né une diminution de l'incidence nationale de la tuberculose pour atteindre le chiffre de 8.9/100 000 mais il existe une grande disparité au sein de la population française : l'incidence diminue chez les personnes nées en France mais non chez les personnes nées à l'étranger : 45% des tuberculoses survien­nent dans la population étrangère qui elle ne représente que 6% de la population totale. Il découle de ce fait une disparité régionale, découlant elle même de la disparité ethnique (incidence Paris : 27/100 000, Ile de France : 17.3/100 000, Seine-Saint-Denis : 32.6/ 100 000).

Ces faits incitent "à cibler" le dépistage de la tuberculose pour une population dite à risque, celle ci comporte :

  • Les personnes dont le risque de tuberculose est lié à une affection préexistante (VIH, autres immunodépressions, diabète) ou à un contact proche avec une personne atteinte de tuberculose contagieuse. Par leur nature, de tels faits donnent accès aux soins.

  • Les migrants légaux : ils bénéficient systé­matiquement d'une radiographie de thorax et d'une consultation médicale au sein d'organismes officiels.

  • Les personnes détenues dans les prisons, pour elles une radiographie de thorax est recommandée à leur entrée en détention.
    Ces groupes ne nécessitent pas notre inter­vention.

  • Les migrants illégaux (estimés à environ 400 000 en France).

Les personnes vivant dans la précarité, dans de mauvaises conditions de salubrité. Ces groupes sont concernés par le projet de MdM.

Les modalités du dépistage de la tuberculose dans les groupes cités devront s'adapter à leur situation particulière et il y aura lieu de tenir compte :

  • de la méconnaissance des problèmes sani­taires liée aux différences culturelles et lin­guistiques,
  • de l'insécurité journalière stressante, de la crainte des contrôles administratifs toujours possibles limitant au maximum les déplace­ments,
  • de la demande d'un soulagement et d'un diagnostic à l'occasion de symptômes, ce qui est le propre de la médecine de consultation. Mais ajouter lors de cette démarche de soins la proposition de dépistage d'une maladie souvent inconnue et qui ne s'exprime pas, n'est pas simple à transmettre. Le sujet peut ressentir alors que sa demande n'est pas prise en compte.

Il est habituel que la médecine préventive s'effectue dans un cadre différent de celui de la médecine de soins ; or c'est bien là la particularité de cette situation qui pourtant s'impose à nous et n'est pas toujours simple à résoudre.

Ces faits expliquent la démarche de l'équipe de Médecins du Monde :

  • Le dépistage est individuel et il s'adresse aussi bien aux sujets asymptomatiques qu'aux sujets symptomatiques.
    Il est proposé principalement aux sujets nés dans un pays de forte incidence de tuberculo­se car on sait que le risque à l'arrivée en France est celui du pays d'origine et qu'il est maxima lors des deux premières années pour diminuer ensuite.

  • L'analyse de la radiographie du thorax faite est immédiate et, en cas d'anomalies suggé­rant la tuberculose, la confirmation bactério­logique du diagnostic et l'éventuel traitement sont menés.

La simplicité et la rapidité d'exécution sont les garants de l'efficacité recherchée. Les longs délais, les trajets nombreux, la dilution de la responsabilité sont autant d'éléments perturba­teurs, déstabilisants et démoralisants pour le sujet concerné.

Ces propositions délivrées à titre individuel et ponctuel lors de la consultation n'ont de sens et d'efficacité que si elles s'accompagnent d'une approche plus générale des problèmes de santé liés aux grandes maladies comme la tuberculose, le SIDA, les hépatites. Cette information qui, dans l'idéal, devrait précéder la consultation (animation en salle d'attente par exemple) doit être diffusée par l'équipe ; tous les moyens mis à disposition doivent être travaillés, proposés et réitérés (dialogue ; affiches ; vidéo ; théâtre). Le mode de pensée, les traditions culturelles seront prises en compte. La responsabilité de chacun au niveau familial et professionnel sera souligné.

Reste enfin qu'aborder le rôle de la contagiosité et celui de la forte incidence du pays d'origine vis-à-vis des données épidémiologiques fran­çaises est délicat ; l'écueil à éviter est celui de la stigmatisation possible d'une population précaire et d'un groupe ethnique particulier.

Ce projet est à son stade initial de réalisation. Des résultats de son évaluation dépendront d'éventuelles améliorations à apporter.

Développement et Santé, n°190, 2008