Crise d'asthme de l'enfant

Par Dr. Sophie Jundt, pédiatre, France

Publié le

Il s'agit bien d'une urgence, plus ou moins grave selon les crises, et nécessitant toujours un traitement rapide.
Il faut d'abord en faire le diagnostic, puis en apprécier la gravité pour adapter le traitement, enfin mettre en oeuvre les différentes thérapeutiques.

I. Reconnaître la crise

1. Chez le grand enfant

La crise ressemble à celle de l'adulte. C'est une gêne respiratoire qualifiée de bradypnée expiratoire :

En pleine nuit le plus souvent, l'enfant est assis, angoissé, sur son lit ; l'air a du mal à sortir de ses poumons, la respiration est lente, difficile, sifflante. La toux ramène diffici­lement des crachats épais et clairs. Le thorax est gonflé.

A l'auscultation, on entend des râles sibilants (sifflants) et parfois déjà quelques râles humides, témoins de l'encombrement des bronches.

Le diagnostic est très facile si l'enfant est connu comme asthmatique ; il connaît sa maladie et sait parfois déjà ce qu'il faut faire. Si l'asthme n'est pas connu, il faut bien analy­ser les signes et ne pas confondre avec une toux d'irritation et se contenter de donner un sirop antitussif. L'auscultation est, là, essentielle.

Une forme de crise facile à reconnaître est l'asthme d'effort, déclenché par un effort sportif ou physique, et qu'il faut traiter puis prévenir afin qu'elle ne se reproduise pas à chaque effort.

2. Chez le nourrisson

Il s'agit surtout de sifflements respira­toires, à l'expiration. Le plus souvent, c'est une sorte de bronchite sifflante qui survient chez un bébé enrhumé et tousseur depuis quelques jours. La respiration devient plus rapide, avec un frein au temps expiratoire.

A l'auscultation, on entend des râles sibilants et des râles humides d'encombrement bron­chique. Cela ressemble à une "bronchiolite" virale, volontiers fébrile et qui peut d'ailleurs déclencher une crise d'asthme. Avant l'âge de deux ans, la répétition de bron­chiolites, à l'occasion de rhinopharyngites, permet de parler d"`asthme du nourrisson", ce qui ne veut pas dire que l'enfant deviendra asthmatique plus tard.

Chez le nourrisson, reconnaître l'asthme n'est pas facile. On est aidé s'il y a des personnes allergiques dans la famille, si l'enfant a eu un eczéma ou des laryngites. C'est en général la nette amélioration par le salbutamol qui sera le bon test confirmant le diagnostic. L'échec du traitement est en faveur d'une bronchiolite ou de l'inhalation d'un corps étranger à laquel­le il faut penser.

II. Apprécier la gravité de la crise

La question à se poser tout de suite est : "l'enfant est-il en détresse respiratoire impo­sant un transfert à l'hôpital ?"

Cliniquement, trois signes de gravité peu­vent exister :

  • signes de lutte (tirage), indiquant que l'en­fant met en jeu tous ses muscles pour respi­rer (creusement dans le cou, entre les côtes, sous le sternum) et, chez le bébé, battement des ailes du nez ;
  • signes de manque d'oxygène : rythme respiratoire rapide (polypnée), cyanose des lèvres, de la langue et des doigts ;
  • signes d'excès de gaz carbonique : sueurs, troubles de la conscience.

Chez le grand enfant, chez qui la crise peut être sous-estimée ou s'aggraver brusquement, on peut apprécier l'importance de la gêne res­piratoire grâce à un petit appareil : le débit­mètre de pointe (ou peak flow), qui mesure le souffle du malade, c'est-à-dire le degré d'obstruction des bronches. Il existe plusieurs appareils, peu coûteux.

Il existe une échelle indiquant les normes de l'enfant en fonction de sa taille. Par exemple, un enfant de 10 ans a un débit d'environ 2501/mn ± 50. C'est ce chiffre qu'indiquera le peak-flow. Cet appareil permet aussi d'appré­cier l'amélioration apportée par le traitement.

Un exemple de débit-mètre

III. Traitement

Le traitement de la crise d'asthme de l'enfant repose essentiellement sur les bronchodilata­teurs et les corticoïdes par voie orale. La théo­phylline n'est plus guère utilisée dans les crises d'asthme de l'enfant.

Tableau 1 : signes cliniques selon la gravité de la crise
Crise Symptômes
Légère
  • Dyspnée ou sensation d'oppression modérée
  • Toux modérée
  • Enfant actif, bien coloré
Modérée
  • Dyspnée persistant au repos
  • Distension thoracique.
  • Enfant pâle
Sévère
  • Signes de lutte : battement des ailes du nez
  • Thorax distendu, peu mobile
  • Enfant fatigué, parfois cyanosé
  • Echec du traitement habituel
Grave
  • Cyanose, sueurs, agitation, anxiété profonde
  • Troubles de la conscience
  • Pauses respiratoires
  • Hypertension artérielle

1. Chez l'enfant de plus de 2-3 ans

Il est urgent, dans tous les cas, de faire inhaler un bronchodilatateur en première intention (ß2 stimulant d'action rapide). Le plus usuel est le salbutamol en spray pour aérosol. Cette simple cartouche, qui demande une coordination entre le déclenche­ment de l'aérosol par la main et l'inspiration profonde, peut être utilisée à partir de 10-12 ans comme chez l'adulte.

Avant cet âge, il est nécessaire d'utiliser une "chambre d'inhalation". La plus simple est l'Aerochamber (laboratoire GSK), mais ce dispositif n'est utilisable qu'à partir de 6 ans (6-12 ans) ; l'appareil le plus utile est le Babyha­ler (GSK également), qui convient de 0 à 6 ans.

Si on ne dispose d'aucun appareil, on peut fabri­quer une chambre "de fortune" avec deux bou­teilles (convient pour l'enfant de 2 à 12 ans) :

  • il faut utiliser deux bouteilles en plastique dont on coupe le tiers inférieur pour les emboîter l'une dans l'autre ; la jonction est rendue hermétique par du sparadrap ;
  • l'enfant prend une extrémité dans sa bouche et on place l'aérosol à l'autre extrémité.

En dehors de l'aérosol, il existe d'autres présentations de salbutamol, ou de terbutaline. Ces produits ne nécessitent pas de déclenchement manuel car l'appareil prépare la dose à inspirer (cf tableau 2).

Dans la crise simple

On fait inhaler deux bouffées de Ventoline® (une seule pour les spécialités comme Venti­lastin® ou Bricanyl Turbuhaler® (cf Tableau 2). On renouvelle les bouffées 5 à 10 minutes plus tard et, souvent encore, une troisième fois. Si la cessation de la crise n'est pas par­faite, on peut renouveler 6 fois, sans dépasser 15 bouffées.

  • Si ce traitement est efficace, on poursuit la bronchodilatation seule toutes les 4 à 6 heures pendant une journée, puis 3 fois par jour pendant 3 à 4 jours.
  • S'il est inefficace ou si la crise était d'emblée grave, on recourt aux corticoïdes par voie orale, 1 mg/kg en une prise pour le Solupred® ou le Cortancy®l par exemple, puis la même dose pendant 3 - 4 jours (cf tableau 3).
  • Si l'enfant va très mal, on peut faire une injection sous-cutanée de Ventoline® ou de Bricanyl®avant de le transférer en milieu hospitalier où l'on utilisera les mêmes pro­duits : nébulisations de bronchodilatateurs avec oxygène, corticoïdes en perfusion...

La crise liée à l'effort est souvent rapide­ment guérie par une ou deux inhalations de bronchodilatateurs.

2. Chez le nourrisson

On utilise également les bronchodilatateurs. La chambre d'inhalation est indispensable (Babyhaler) ou peut être remplacée par une nébulisation au masque si on dispose de l'ap­pareil.

Les corticoïdes par voie orale sont donnés assez vite à cet âge.

Le transport à l'hôpital pour surveillance et oxygénothérapie ne doit pas être retardé, surtout chez les très jeunes nourrissons. Un désencombrement bronchique par un kinésithérapeute habitué aux enfants de cet âge peut être très utile.

Une fois la crise jugulée, il convient de faire un bilan et de donner tous les conseils de préven­tion afin de réduire la fréquence des crises.

Tableau 2 : bronchodilatateurs - 2 stimulants d'action rapide

Salbutamol Nom Posologies Prix
Ces produits ne nécessitent pas de chambre d'inhalation Toujours bien lire les notices Airomir autohaler® Asmasal Clickhaler® Buventol Easyhaler® Ventilastin Novohaler® 1 à 2 bouffées/prise 1 à 2 bouffées/prise 1 à 2 bouffées/prise 1 dose par prise 12 €/200 doses 13 €/200 doses 12 €/200 doses 10 € appareil - 200 doses
Ventoline®
  • Aérosol
  • Pour nébulisation
2 bouffées par prise 0,05 à 0,15 ml/kg 5€/200 doses, pas d'appareil 20 €/60 doses à 2,5 mg/2,5 ml
Terbutaline Bricanyl Turbuhaler® 1 bouffée/prise 15 € appareil - 200 doses
Bricanyl® pour nébulisations 0,1 à 0,2 ml/kg/nébulis° 24 €/50 minidoses 5 mg/2 ml
Bricanyl® injectable < 2 ans : 0,1-0,2 ml/lOkg 3€/8 ampoules à 0,5 mg

Corticoïdes

Les corticoïdes inhalés n'ont pas leur place dans l'urgence.

Tableau 3 : les corticoïdes

Voie orale Nom Présentation Posologie
Betaméthasone CELESTENE® Gouttes Comprimés à 0,5 mg 10 gttes/kg en une prise 0,075 à 0,3 mg/kg en une prise (équivalent à 1 à 2 mg/kg de prednisone)
Betaméthasone SOLUPRED® Soluté buvable Comprimés à 5 ou 20 mg orodispersibles ou effervescents 1 à 2 ml/kg en 1 prise 1 à 2 mg/kg en 1 prise
Prednisolone HYDROCORTANCYL® Comprimés à 5 mg réservés à l'enfant > 5 ans 1 à 2 mk/kg en 1 prise
Prednisone CORTANCYL® Comprimés à 1, 5, 20 mg 1 mg/kg en 1 prise
Dexaméthasone DECTANCYL® Comprimés à 0,5 mg 0,075 à 0,3 mg/kg en 1 prise
Méthylprednisolone MEDROU Comprimés. à 4, 16 ou 32 mg 0,4 à 1,6 mg/kg en 1 prise
Voie injectable
Betaméthasone CELESTENE® Ampoules 4 ou 8 mg Voie IM ou IV selon les besoins 4 à 16 mg/j selon l'état du patient
Méthylprednisolone SOLUMEDRO®L Lyophilisat 20, 40, 120 mg/2ml IM profonde ou IV 1 à 3 mg/kg/j
Betaméthasone BETNESOL® 4mg, IM ou IV 0,1 à 0,3 mg/kg/j

A signaler : la théophylline n'est plus guère utilisée dans les crises d'asthme de l'enfant.

Développement et Santé, n°191/192, 2008