Coup de chaleur et hyperthermie maligne d'effort

Par P. Adnet, C. Bonfils et I. Halle

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Coup de chaleur et hyperthermie maligne d'effort

par P. Adnet, C. Bonfils et I. Halle

Service d'accueil et d'urgences du CHRU R.-Salengro, 59037 Lille Cedex.

L'augmentation de la température centrale pendant un exercice est un phénomène normal. Seulement 20 à 30 % de l'énergie produite est utilisée pour le travail musculaire, le reste est converti en chaleur. Si l'on considère que la consommation musculaire en ATP (carburant naturel de toutes les cellules) peut être multipliée par 20 lors d'un exercice maximal, il n'est pas étonnant qu'une température centrale à 39-40 °C soit régulièrement observée à la fin d'une épreuve d'endurance (marathon, course cycliste). La chaleur, produite par l'activité musculaire, est transférée au sang qui est refroidi lorsqu'il circule en périphérie. Le refroidissement est amélioré par une vasodilatation cutanée et par la production de sueur (activité sympathique). L'évaporation provoque un refroidissement de la peau en consommant de l'énergie thermique. Un gramme d'eau absorbe environ 0,6 kcal (2,49 kJ) lorsqu'il s'évapore. Un athlète entraîné peut perdre jusqu'à deux litres d'eau à l'heure d'exercice, dissipant ainsi 1 200 kcal. La perte en eau est un facteur qui finit par limiter la déperdition de chaleur lorsque l'exercice est trop intense ou le sujet trop déshydraté.

Le facteur principal de débordement des mécanismes adaptatifs reste cependant l'intensité de l'exercice mais d'autres facteurs favorisant sont régulièrement en cause (tableau n° 1). Dès lors, l'hyperthermie physiologique, typiquement asymptomatique et autolimitée, devient maligne. Ce syndrome est également appelé hyperthermie d'effort ou coup de chaleur d'effort.

1. Aspect clinique

L'hyperthermie maligne d'effort (HME) survient chez des adultes jeunes en bon état physique au cours d'un effort physique intense et prolongé dans une ambiance climatique le plus souvent chaude et humide (climat tropical). L'accident est potentiellement grave avec une mortalité voisine de 25 %. L'HME survient classiquement lors d'une course de fond (semi-marathon, marathon, course cycliste) ou lors d'un sport collectif. Il existe des prodromes dans 20 % des cas qui se traduisent par des anomalies du comportement, des crampes musculaires, une diminution de la performance ou une démarche ébrieuse. Les désordres neurologiques inaugurent le tableau clinique avec une obnubilation, une agitation, des convulsions et, le plus souvent un coma. La température rectale est toujours élevée, au-dessus de 40 °C. D'installation rapide, elle conditionne le pronostic lorsqu'elle dépasse 42 °C. Les troubles de conscience vont d'une simple obnubilation d'une durée de 2 à 3 heures dans les formes bénignes à un coma véritable associé à des troubles neurovégétatifs. Les tableaux neurologiques sont très variables avec une prédominance de signes cérébelleux. Des signes de localisation peuvent être présents à type d'hémiparésie, de syndrome pyramidal unilatéral, parfois d'un syndrome méningé. Les crises convulsives sont fréquentes parfois subintrantes dans les formes graves.

La rhabdomyolyse est constante, d'intensité variable, le plus souvent diagnostiquée par l'élévation des créatines phosphokinases sériques. Elle peut cependant être soupçonnée par l'existence de muscles tendus, douloureux à la palpation. La classique anhydrose avec une peau sèche et brûlante est exceptionnelle ; il existe le plus souvent une sudation profuse. Dans les formes bénignes, une tachycardie sinusale est toujours observée. Le collapsus n'est pas rare avec une pression artérielle pincée et un pouls filant. L'atteinte hépatique est objectivée par une cytolyse d'intensité variable, rarement mortelle, de mécanisme méconnu. L'atteinte rénale reste le plus souvent fonctionnelle, liée à la déshydratation ou au collapsus. Dans les formes malignes, elle est secondaire à l'hyperthermie, la rhabdomyolyse et aux troubles de la coagulation.

Dans les formes mineures, les troubles de conscience durent moins d'une heure. L'hyperthermie régresse rapidement sous l'effet du traitement (repos, boissons glacées abondantes) avec un retour à la normale en quelques heures. Les formes graves avec coma, hyperthermie sévère et atteinte multiviscérale relèvent d'un service de réanimation.

Il. Forme clinique particulière

Le classique coup de chaleur est une entité clinique différente qui comporte de nombreux points communs. Il survient le plus souvent sur un terrain particulier (sujet âgé, citadin, obèse ou sédentaire). L'anhydrose y est souvent observée et une anomalie de la thermolyse pourrait être à l'origine de cet accident. Chaque année, l'été est responsable d'environ 200 décès par hyperthermie aux États-Unis mais des vagues de chaleur particulièrement intenses en ont entraîné jusqu'à 1200.

III. Traitement

Il repose avant tout sur la réhydratation et la lutte contre l'hyperthermie. La réfrigération doit être immédiate. Le sujet sera déshabillé, allongé dans un lieu frais, correctement ventilé. La déperdition calorique est au mieux réalisée par l'aspersion avec de l'eau froide associée à une ventilation forcée (éventail de fortune). L'immersion dans une eau froide peut être de réalisation difficile et dangereuse par la vasoconstriction et les troubles du rythme qu'elle peut créer lorsque la différence de température entre le patient et l'eau est supérieure à 4 °C. La réfrigération peut se faire par voie interne à l'aide de lavages gastriques. Cette technique peut également générer des troubles du rythme du fait de la contiguïté du myocarde et de l'oesophage. Certains auteurs ont recommandé l'utilisation de dantrolène intraveineux. Son indication est encore discutée. Les posologies varient, de 1 à 2,5 mg par heure, renouvelées toutes les six heures jusqu'à 24 heures après la correction de l'hyperthermie.

IV. Prévention

Elle repose sur des conseils simples fondés sur le bon sens et l'éducation du sportif : porter des vêtements légers, éviter l'ensoleillement direct, s'hydrater de manière continue pendant l'effort, s'acclimater aux conditions locales avant la compétition. Les dermatoses, les myopathies constitutionnelles ou acquises, la prise de médicaments interférant avec la thermorégulation (anticholinergiques, antisérotoninergiques, neuroleptiques) constituent un facteur de risque. Les obèses, les personnes surmenées ou peu entraînées le sont également. L'ambiance climatique doit être prise en compte et il est recommandé aux États-Unis d'annuler toute compétition sportive lorsque la température ambiante dépasse 28 °C. Le vêtement doit être adapté. Pratiquer des sports d'endurance avec des plastiques imperméables (pour transpirer et donc maigrir), c'est se placer dans une situation à risque maximal. L'information sur cette affection devrait être largement diffusée et les premiers gestes de secours connus du grand public.

Développement et Santé, n°143, octobre 1999