Convulsions du nourrisson

Par Sophie Lemerle-Gruson Pédiatre, Créteil, France

Publié le

Les convulsions du nourrisson sont une urgence absolue car elles peuvent mettre en jeu l’avenir neurologique, voire la vie, en évoluant vers un état de mal convulsif.
Elles nécessitent donc un traitement non spécifique (traitement de la convulsion elle-même) tandis qu’on en recherche la cause qui peut, elle, demander un traitement spécifique (par exemple, traitement d’une méningite).
Mais tous ces symptômes se réunissent en un point commun : l’enfant perd connaissance (en dehors de certaines causes que nous reverrons).
Quels que soient les symptômes, la crise convulsive est une urgence et impose un traitement immédiat, après avoir pris la température. En effet, la fièvre est le facteur déclenchant ou aggravant de la plupart des convulsions du nourrisson.

I. Le diagnostic

1. Reconnaître une convulsion est évident quand on assiste à la crise

Brutalement, sans cri, l’enfant se raidit : c’est la phase tonique.
Puis il présente des mouvements anormaux : secousses musculaires rythmées. Elles peuvent être localisées ou généralisées. Elles peuvent atteindre les membres mais aussi le visage avec des mouvements anormaux de la bouche, des yeux.

Dans tous les cas, ces mouvements s’accompagnent d’une perte de connaissance pendant laquelle l’enfant respire mal et s’encombre.
Cette phase tonique est de durée variable, de quelques secondes à plusieurs heures si on ne fait rien.
Elle est suivie par une période pendant laquelle l’enfant est incosncient, très mou : sa respiration est alors très bruyante.

2. Mais la crise convulsive n’est pas toujours aussi typique

Elle peut se limiter :

  • à une perte de connaissance avec hypertonie,
  • à une révulsion oculaire.

Son diagnostic est particulièrement difficile chez le nouveau-né chez qui les signes anormaux peuvent se réduire à de petits mouvements rythmés des doigts.

II. Le traitement immédiat

Il consiste à :

Mettre l’enfant en position de sécurité, allongé, la tête sur le côté pour qu’il ne respire pas d’éventuels vomissements. Surveiller qu’il ne s’étouffe pas avec sa langue qui peut basculer en arrière.

Administrer par voie intra-rectale 0,5 mg/kg de diazépam - anticonvulsivant d’action rapide actuellement le plus utilisé - que l’on peut refaire dix minutes après en cas d’échec de la première dose. On peut utiliser le phénobarbital par voie IV lente, son action sera un peu plus rapide.

Refroidir l’enfant en cas de fièvre : nu, à l’ombre, enveloppé dans un linge humide et frais.
On ne peut pas faire boire cet enfant comateux mais on peut faire une injection IV de paracétamol à la dose de 15 mg/kg (10 mg/kg en dessous d’un an) toutes les 6 heures.

Au décours de ce traitement, le plus souvent les convulsions ont cessé et l’enfant sort de son coma plus ou moins vite. Il faudra alors seulement le faire boire, surtout s’il a eu de la fièvre.

Parfois le traitement est inefficace :

  • soit parce qu’on ne peut pas faire céder les convulsions sans avoir traité spécifiquement leur cause,
  • soit parce qu’il s’agit d’un état de mal convulsif

Il faut interrompre ce cercle vicieux et refaire le même traitement (diazépam) en étant prêt à aider éventuellement l’enfant à respirer quelques instants par le bouche à bouche après avoir dégagé la bouche et le nez de leur encombrement. On peut aussi administrer, s’il est disponible, du clonazépam à la dose de 0,05 mg/kg toutes les 6 heures.

III. Recherche d’une cause de la convulsion

Tandis que les premières mesures thérapeutiques ont été prises, il faut examiner l’enfant à la recherche d’une cause à la convulsion :

  • prise de la température : c’est capital, nous l’avons déjà vu ;
  • examen clinique du nourrisson :
    • recherche d’un bombement de la fontanelle,
    • état de la nuque : molle ou non ;
    • tonus des membres ;
    • état d’hydratation ;
    • recherche d’une grosse rate ;
    • auscultation des poumons ;
    • couleur des conjonctives.
  • L’interrogatoire de la mère recherche des anomalies ayant précédé les convulsions, la notion de traumatisme crânien ;
  • Les examens complémentaires, s’ils sont possibles, pourront se limiter à :
    • une ponction lombaire, d’autant plus que l’enfant est jeune (en dessous de 1 an) car les signes cliniques sont moins francs à cet âge ;
    • la recherche du plasmodium (paludisme) dans une goutte épaisse.

IV. Les causes des convulsions du nourrisson

1. Les convulsions fébriles

Ce sont les plus fréquentes : si, souvent, la fièvre par elle-même est responsable des convulsions, certaines maladies fébriles curables se manifestent par des convulsions et nécessitent, en plus du traitement urgent déjà vu, des mesures thérapeutiques propres. Ce sont essentiellement le paludisme et les méningites purulentes.

Le paludisme

Il atteint généralement le nourrisson à l’âge où il n’est plus protégé par les anticorps de sa mère (en dessous de un an).
Les convulsions au cours d’une crise de paludisme chez le nourrisson sont un signe de gravité invitant immédiatement au traitement par la quinine injectable : en effet, les convulsions annoncent bien souvent l’accès pernicieux dont l’aspect habituel associe :

  • une montée thermique rapide,
  • des convulsions généralisées
  • un coma

(Voir plus haut pour les signes et le traitement)

Rappelons qu’après ponction lombaire pour éliminer une méningite, et le frottis, il faut au plus vite :

  • perfuser l’enfant (quantité totale : 150 ml/kg/24 h d’une solution de 500 ml de glucose contenant 1,50 g de NaCl),
  • lui administrer de la quinine en perfusion continue (20 à 25 mg/kg/24 h) en plus du traitement des convulsions (voir plus haut).

Les méningites purulentes

Leur diagnostic repose sur la ponction lombaire qui doit être faite devant toute convulsion fébrile. Le traitement antibiotique précoce pourra guérir l’enfant.

Les autres causes

A côté de ces deux grandes causes de convulsions fébriles, certaines convulsions ne sont liées qu’à la fièvre. Cette fièvre peut être due à de nombreuses affections que l’on ne détaillera pas ici.

A part, les convulsions de la rougeole, qui peuvent être liées à la fièvre mais aussi à une encéphalite.
Si on ne retrouve pas la cause de la fièvre, il est logique, en pays tropical (après ponction lombaire), de traiter l’enfant comme pour une crise de paludisme.

Après une première convulsion fébrile, il faudra informer la mère du risque de rechute à l’occasion d’un nouvel épisode fébrile.

Dans tous les cas, on expliquera à la mère que la première mesure à prendre, si son enfant convulse, est de le refroidir.

2. Les convulsions non fébriles

Elles sont beaucoup moins fréquentes. Une cause doit toujours être recherchée. En effet, un traumatisme crânien chez le nourrisson peut entraîner un hématome sous-dural (accessible à la ponction sous-durale si on a appris à faire ce geste).

Citons :

  • l’anémie aiguë de la drépanocytose, qui peut se révéler par des convulsions,
  • un manque de calcium (hypocalcémie) au cours d’un rachitisme ; dans ce cas l’enfant reste conscient,
  • un manque de sucre (hypoglycémie) chez le nouveau-né, surtout s’il a de gros troubles digestifs et ne peut s’alimenter,
  • les convulsions sans fièvre qui peuvent révéler une épilepsie.

En résumé, il faut insister sur :

  • L’urgence représentée par la convulsion fébrile.
  • La possibilité d’un paludisme et surtout d’un accès pernicieux qui commence.
  • Enfin sur l’éducation de la mère à qui on apprendra à baigner son enfant fébrile et à le faire boire et ainsi à éviter la survenue de convulsions.