Conduite à tenir devant une intoxication aiguë médicamenteuse chez l'enfant
I. Démarche diagnostique
L'intoxication évolue en trois phases :
- Une période muette, pouvant atteindre plusieurs heures pour certaines substances, pendant laquelle le toxique est présent dans l'organisme mais ne provoque aucun symptôme. Le danger principal est de sous-estimer la gravité de l'intoxication à ce moment et de négliger la prise en charge thérapeutique adaptée.
- Une période d'état symptomatique.
- Une période de guérison.
Dans la pratique, trois situations sont possibles :
1. Il s'agit d'une intoxication et le toxique est identifiable
Il faut chercher à déterminer rapidement :
- la nature du toxique en se méfiant des spécialités contenant plusieurs principes actifs,
- la quantité maximale absorbée: la boîte était-elle pleine? Combien de comprimés reste-t-il ?
- le délai écoulé depuis l'ingestion du toxique.
2. Il s'agit d'une intoxication, mais le toxique n'est pas identifiable
On a vu l'enfant prendre des comprimés, ou il a vomi des comprimés mais on ne sait pas ce dont il s'agit. La prise en charge diffère peu, mais pour évaluer au mieux la gravité de l'intoxication, on insistera auprès de l'entourage pour savoir toutes les substances que l'enfant aurait pu trouver au domicile.
3. S'agit-il d'une intoxication ? Les signes qui peuvent orienter vers le diagnostic d'intoxication médicamenteuse aiguë
On doit évoquer le diagnostic d'intoxication chez un enfant jusque-là en bonne santé et présentant:
- un coma: les signes sont toujours symétriques, sans éléments de localisation. Le diagnostic d'intoxication doit rester un diagnostic d'élimination: il faut éliminer un coma traumatique, neurologique, métabolique ou infectieux (tableau n°1).
Coma agité
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Coma calme
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Syndrome pyramidal
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Hypotonie - hyporéflexie
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Apnées
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Respiration ample
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- des convulsions généralisées, évoluant souvent vers un état de mal convulsif. La survenue des convulsions est un facteur de gravité (tableau n°2).
Médicaments | Autres toxiques | |
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isoniazide chloroquine théophylline salicylés alcool insuline biguanides antidépresseurs tricycliques phénothiazines | éthylène glycol méthanol organophosphorés organochlorés |
Collapsus avec tachycardie à complexes QRS fins | salbutamol théophylline dérivés nitrés inhibiteurs calciques inhibiteurs de l'enzyme de conversion |
Collapsus avec tachycardie à complexes QRS larges | chloroquine certains bêta bloquants antidépresseurs tricycliques |
Collapsus avec bradycardie | bêta bloquants anticholinestérasiques |
Bradycardie sans collapsus | digitaliques bêta bloquants anticholinestérasiques amiodarone inhibiteurs calciques |
- un collapsus cardiovasculaire. le mécanisme du collapsus peut orienter vers le diagnostic, l'analyse de troubles du rythme cardiaque nécessite souvent la réalisation d'un électrocardiogramme (tableau n°3).
- un oedème pulmonaire: il faut discuter la toxicité pulmonaire directe du toxique (oedème lésionnel), le retentissement hémodynamique de l'intoxication (oedème hémodynamique) ou encore une pneumopathie d'inhalation.
Quand on ne dispose d'aucun moyen permettant d'identifier et de doser le toxique, il faut :
- Tenter de répondre par l'interrogatoire de l'entourage aux trois questions: quoi ? Combien? Quand ?
- Évaluer l'état clinique, qui permettra rarement de faire le diagnostic de la nature de l'intoxication, mais surtout permettra d'en évaluer les conséquences et d'adapter le traitement symptomatique: assurer la survie de l'intoxiqué et éviter les complications (pneumopathie d'inhalation par exemple).
- Évacuer le toxique au plus vite si cela est possible, ou bien en empêchant ou en limitant son absorption, ou bien en accélérant son élimination.
- Administrer un antidote quand cela s'avère possible, c'est-à-dire le plus précocement possible, et quand il existe un antidote disponible pour le toxique en cause (tableau n°4).
Toxique | Antidote | Posologie |
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benzodiazépines opiacés paracétamol | flumézanil naloxone N-acétylcystéine | 10 microgrammes/kg IV 0,1 mg/kg, jusqu'à 2 mg IV 140 mg/kg en dose de charge per os 70 mg/kg/24 h pendant 3 jour |
II. Traitements évacuateurs et épurateurs
L'ingestion de médicaments est la cause principale des intoxications accidentelles de L'enfant. Le premier temps de la prise en charge vise à limiter l'absorption digestive du produit ingéré. Dans de rares circonstances, on peut accélérer son élimination rénale par une diurèse forcée.
1. Diminution de l'absorption digestive
a. Le lavage gastrique
C'est la méthode de référence pour l'évacuation digestive. Le lavage d'estomac est d'autant plus efficace qu'il est fait tôt, de préférence dans les six heures suivant l'intoxication. Mais on doit retenir qu'il ne s'agit pas d'un geste anodin: des complications peuvent survenir, mettant en jeu la vie de l'enfant. Ce sont essentiellement les pneumopathies d'inhalation et la bradycardie à l'introduction de la sonde.
L'indication du lavage gastrique doit être réfléchie
Le lavage gastrique ne se justifie que dans les situations suivantes :
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Le lavage gastrique est contre-indiqué :
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Réalisation pratique
Il faut :
- un tube de Faucher (sonde gastrique de gros calibre, avec des trous de gros diamètre),
- un entonnoir s'adaptant à l'extrémité du tube,
- une préparation d'eau salée à 5 à 9grammes de chlorure de sodium par litre (sérum physiologique pur ou dilué de moitié), la quantité nécessaire est de 100 ml par kg chez l'enfant,
- un récipient pour recueillir le liquide de lavage (seau),
- au moins deux personnes, et souvent de l'aide pour tenir l'enfant.
L'enfant est assis ou en décubitus latéral gauche, tête légèrement inclinée vers le bas. La sonde (tube de Faucher) est introduite dans la bouche, poussée dans l'oesophage puis l'estomac. La longueur introduite doit être égale à la distance bouche-ombilic. On vérifie sa position par l'auscultation du creux épigastrique pendant l'injection d'air. Un entonnoir est adapté à l'extrémité de la sonde. On verse 20 ml/kg de la préparation salée dans l'entonnoir (pas plus de 400 ml chez l'enfant). L'entonnoir est surélevé au-dessus de la tête de l'enfant pour permettre l'écoulement du liquide dans l'estomac, puis on abaisse l'entonnoir pour vidanger le liquide gastrique dans le récipient placé aux pieds de l'enfant. On renouvelle cette opération plusieurs fois, pour que la quantité totale de liquide administré soit d'au moins 200ml/kg. On s'assure, lors des derniers lavages, qu'on ne ramène plus de comprimés et que le liquide revient clair.
Pendant toute la réalisation du lavage, on s'assure ;
- que la sonde n'est pas mobilisée : on a intérêt à la fixer avec du sparadrap pour qu'elle ne remonte pas dans l'oesophage et qu'on ne risque pas de provoquer une fausse route et une inhalation,
- que la sonde n'est pas bouchée par des aliments ou des comprimés, ce qui se traduirait par une récupération incomplète du liquide administré.
b. Le sirop d'ipéca
Il a un effet émétisant par action centrale et gastro-intestinale. Les vomissements surviennent précocement, dans les 10 à 20 minutes suivant l'ingestion et s'arrêtent dans les 2heures en règle générale. Ses indications sont celles du lavage gastrique. Les contre-indications sont :
- l'ingestion de caustiques, de produits moussants ou de dérivés du pétrole,
- les troubles de la conscience.
L'administration se fait par voie orale :
- 10 ml avant 1 an,
- 15 ml de 1 à 12 ans,
- 30 ml après 12 ans.
On peut renouveler l'administration après 20minutes en cas d'absence de vomissements.
Cette méthode d'induction des vomissements est incontestablement plus simple à mettre en oeuvre qu'un lavage gastrique, et expose probablement à moins d'effets secondaires.
Il faut cependant s'assurer de son efficacité en surveillant l'apparition et l'importance des vomissements.
c. Le charbon activé
Il agit en diminuant l'absorption intestinale du toxique. Il est indiqué dans le traitement des intoxications aiguës :
- après lavage gastrique ou vomissements provoqués (après arrêt des vomissements),
- parfois seul, en cas d'intoxication prise en charge tardivement ou en cas de contre-indication au lavage gastrique ou au sirop d'ipéca.
Les contre-indications sont :
- l'ingestion de produits caustiques, pour lesquels le charbon activé est inefficace,
- les toxiques provoquant des vomissements, à cause du risque d'inhalation de charbon,
- les intoxications pour lesquelles un antidote doit être administré par voie orale, à cause de la neutralisation de l'antidote par le charbon activé.
Le charbon activé est inefficace sur le cyanure, les alcools, les glycols, les métaux.
Le charbon activé s'administre par voie orale, le plus tôt possible, dilué dans l'eau.
La dose est de 1g/kg/4heures dans les intoxications massives, jusqu'à ce que l'enfant émette une selle noire, contenant du charbon activé. En cas de vomissements, on peut fractionner la dose en quatre fois: 0,25g/kg/toutes les 20minutes.
Une dose unique de 1g/kg est donnée après évacuation gastrique dans les intoxications peu sévères.
2. Épuration rénale
Elle est rarement nécessaire dans les intoxications médicamenteuses aiguës parce que la plupart des toxiques sont métabolisés et éliminés par le foie. D'autre part, la diurèse forcée peut être dangereuse car elle expose au risque de surcharge et d'hyponatrémie, en particulier chez le petit enfant.
La diurèse forcée alcalinisante
Les meilleures indications de la diurèse forcée alcalinisante sont les intoxications par l'aspirine et les intoxications par les barbituriques. Il faut alors perfuser un soluté isotonique composé :
- pour 2/3 de sérum glucosé à 5 % avec 3 grammes par litre de chlorure de potassium,
- et pour 1/3 de bicarbonate de sodium à 14 pour mille, perfusé sur la base de 3 à 4litres par mètre carré de surface corporelle et par jour, pour assurer une diurèse de 3 à 6 ml/kg/heure.
La surveillance clinique doit être extrêmement rigoureuse, en milieu hospitalier: risque de surcharge, oedème pulmonaire, troubles électrolytiques. Les urines doivent être comptabilisées et la mesure du PH urinaire faite pour maintenir un PH entre 7,5 et 8.
Pour rappel, on calcule la surface corporelle d'un enfant par la formule :
SC = (4P + 7)/(P + 90) avec SC = surface corporelle en M2 et P = poids en kilogrammes.
III. Exemples d'intoxication
Plusieurs exemples d'intoxications médicamenteuses de l'enfant sont développées. Ce sont des intoxications fréquentes, potentiellement graves, dont la prise en charge adaptée transforme le pronostic.
1. Aspirine: acide acétylsalicylique
- antipyrétique, anti-inflammatoire, analgésique,
- absorption dans l'estomac et le jéjunum,
- métabolisme hépatique,
- élimination rénale en cas d'absorption massive.
Posologies
- doses thérapeutiques: 50 mg/kg/jour,
- doses toxiques: à partir de 150 mg/kg/j.
Manifestations cliniques de l'intoxication aiguë
Troubles neurologiques :
- céphalées, vertiges, bourdonnements d'oreille, surdité,
- troubles visuels et photophobie,
- secondairement, somnolence, agitation et hallucinations,
- convulsions et coma traduisent une intoxication massive.
Troubles respiratoires :
- hyperpnée, compensatrice de l'acidose métabolique,
- secondairement, dépression respiratoire.
Troubles digestifs :
- douleurs épigastriques, nausées, vomissements,
- hémorragies digestives.
Chez le petit enfant, avant deux ans: le risque d'acidose métabolique et de troubles neurologiques sévères font la gravité de l'intoxication par l'aspirine.
Conduite à tenir
- Évacuation gastrique: lavage gastrique, efficace même plusieurs heures après l'ingestion.
- Charbon activé: diminuant l'absorption jéjunale de l'acide acétylsalicyliques
- Diurèse alcaline : améliore l'élimination rénale.
Prudence: se méfier du risque de surcharge (oedème pulmonaire aigu).
2. Paracétamol : acétaminophène
- analgésique, antipyrétique,
- absorption digestive rapide.
- métabolisme hépatique.
Posologies
- doses thérapeutiques: 30 à 50 mg/kg/j,
- doses toxiques: 100 mg/kg/j.
Manifestations cliniques de l'intoxication aiguë
Symptomatologie différée, débutant 12 à 24heures après l'intoxication.
- Signes digestifs: nausées, vomissements, gastralgies.
- Signes neurologiques: somnolence.
- Signes hépatiques: survenant après 24 heures,
- débutant par une cytolyse hépatique, se traduisant par des hépatalgies, un ictère,
- évoluant vers une insuffisance hépatocellulaire, le plus souvent irréversible, avec encéphalopathie hépatique, troubles hémorragiques, troubles cardiovasculaires et rénaux.
Conduite à tenir
La prise en charge doit être précoce. Elle est systématiquement dès qu'on suspecte une intoxication avec des doses supérieures à 100mg/kg.
- Évacuation gastrique par lavage gastrique, efficace jusqu'à six heures après l'ingestion.
Antidote: Nacétylcystéine (Mucomyst®, Fluimucil® ... ): son administration est débutée juste après le lavage gastrique selon le schéma suivant :
140 mg/kg en dose de charge per os,
- puis 70 mg/kg/4 heures per os pendant trois jours.
3. Benzodiazépines
Les intoxications par les benzodiazépines sont fréquentes et de pronostic souvent favorable en l'absence d'intoxication associée.
- anxiolytiques, hypnotiques, sédatifs, myorelaxants, anticonvulsivants,
- absorption digestive complète et rapide,
- liposolubilité importante,
- métabolisme hépatique,
- demi-vie très variable selon les molécules (de 3 à 70 heures) à élimination urinaire de métabolites actifs.
Manifestations cliniques de l'intoxication aiguë
Signes neurologiques essentiellement :
- à la phase initiale, troubles du comportement, agitation, agressivité,
- puis dépression du système nerveux central avec obnubilation, hypotonie musculaire, somnolence,
- coma, rarement profond, mais pouvant être à l'origine d'une dépression respiratoire.
Signes respiratoires :
- dépression respiratoire, apnées par dépression du système nerveux central,
- pneumopathie d'inhalation.
Conduite à tenir
- L'évacuation gastrique n'est pas systématique, les intoxications par les benzodiazépines étant rarement sévères.
On ne pratique un lavage gastrique que :
- s'il s'agit d'une intoxication massive,
- si la symptomatologie est particulièrement sévère,
si on soupçonne l'ingestion simultanée d'un autre toxique.
Charbon activé : 1 dose unique de 1 g/kg dans tous les cas (avec ou sans évacuation gastrique).
Il existe un antidote spécifique des benzodiazépines, le flumazénil, qui s'administre à la dose de 10microgrammes par kilo en intraveineux. Son effet clinique est immédiat.
Cependant, le recours à cet antidote ne s'avère pas nécessaire dans la majorité des cas : l'intoxication par les benzodiazépines se manifeste par un sommeil profond qu'il faut surveiller, stimuler si à la phase initiale il s'accompagne de pauses respiratoires. L'évolution habituelle des intoxications par les benzodiazépines est simple, si la surveillance de l'enfant est bien faite jusqu'à son réveil.
4. Barbituriques
Anticonvulsivants, myorelaxants, hypnotiques classés en barbituriques d'action longue (phénobarbital), intermédiaire ou rapide (autres barbituriques).
- Phénobarbital
- absorption digestive prolongée,
- métabolisme hépatique (70%) et élimination urinaire sous forme inchangée (30%).
- Autres barbituriques
- absorption digestive rapide,
- métabolisme hépatique.
Manifestations cliniques de l'intoxication aiguë
Signes neurologiques :
- Phénobarbital :
- coma, parfois précédé d'une phase d'agitation,
- coma calme, hypotonique, sans signe de localisation, souvent prolongé (48 à 72 heures),
- l'intoxication massive peut simuler une mort cérébrale.
- Autres barbituriques :
- dépression neurologique centrale précoce, avec coma hypertonique, de brève durée.
Signes respiratoires :
- dépression respiratoire (pauses respiratoires, apnées),
- avec risque de pneumopathie d'inhalation.
Signes cardiovasculaires :
- association fréquente d'un collapsus cardiovasculaire.
Conduite à tenir
Évacuation gastrique, même tardive.
Charbon activé :
phénobarbital: à doses répétées (1 g/kg/ 4 heures),
- autres barbituriques : 1 dose unique (1 g/kg).
Surveillance stricte, respiratoire et hémodynamique.
Diurèse alcaline
intoxications par le phénobarbital: dans les formes sévères, après transfert en milieu hospitalier,
intoxications par les autres barbituriques: la diurèse forcée ne présente aucun intérêt.
5. Théophylline bronchodilatateur : traitement de l'asthme
Les situations d'intoxication sont :
- la prise inopinée de comprimés (danger des formes à libération prolongée), de sirop.. ou de suppositoires,
- la prise simultanée, chez un malade traité habituellement par théophylline, d'un autre médicament qui ralentit le métabolisme de la théophylline (macrolides par exemple). Doses thérapeutiques et doses toxiques sont proches.
Manifestations cliniques de l'intoxication aiguë
Signes digestifs: nausées, vomissements.
Signes cardiovasculaires :
- tachycardie, qui doit alerter, avec risques de :
- tachycardie supraventriculaire,
- tachycardie ventriculaire,
- fibrillation ventriculaire ou asystolie.
Signes neurologiques :
- agitation, nervosité, trémulations,
- convulsions,
- altération de la conscience puis coma.
Signes paracliniques: dominés par l'acidose métabolique, l'hyperglycémie et l'hypokaliémie.
La confirmation de l'intoxication serait donnée, si on en disposait, par un dosage de la concentration plasmatique de théophylline: supérieure à 110micromoles/l ou 20 microgrammes/mI.
Conduite à tenir
- Évacuation gastrique par lavage gastrique ou sirop d'ipéca si l'ingestion accidentelle est récente ou s'il s'agit de comprimés à libération prolongée.
- Charbon activé, dont l'administration répétée accélère l'élimination de la théophylline.
- Anti-vomitif, donné ensuite pour améliorer la tolérance du charbon activé en cas de vomissements non induits.
- Le traitement des convulsions repose sur le diazépam ou sur le phénobarbital.
- Les troubles cardiovasculaires requièrent une prise en charge hospitalière. Les arythmies sans retentissement hémodynamique ne nécessitent aucun traitement. Pour le traitement des arythmies ventriculaires symptomatiques, on peut discuter l'utilisation des bêtabloquants, mais on s'expose au risque de bronchospasmes.
- La diurèse forcée ne présente aucun intérêt : la théophylline est éliminée dans les urines sous forme de dérivés inactifs.
6. Chloroquine : antipaludéen
- Absorption digestive intestinale, souvent retardée par rapport à l'ingestion, la chloroquine peut stagner plusieurs heures dans l'estomac,
- Métabolisme essentiellement hépatique, élimination rénale pour le reste.
Posologies
- doses toxiques: 25 mg/kg/j chez l'enfant, très proches des doses thérapeutiques.
Les signes de cardiotoxicité apparaissent pour des concentrations plasmatiques doubles de celles obtenues avec les posologies recommandées.
Manifestations cliniques de l'intoxication aiguë
Signes oculaires :
- perte du champ visuel, 6 à 15 heures après l'intoxication, parfois définitive,
- par spasme de l'artère centrale de la rétine.
Signes d'ototoxicité :
- vertiges, bourdonnements d'oreille,
- hypoacousie, surdité réversible.
Signes neurologiques :
- convulsions,
- torpeur puis confusion, agitation, troubles de la conscience évoluant vers un coma profond avec risque de dépression respiratoire.
Signes cardiaques : pouvant survenir de façon précoce et engageant le pronostic vital,
- hypotension artérielle profonde,
- diminution de l'excitabilité et de la conduction myocardique, se traduisant par des troubles du rythme, des troubles de la conduction,
- pouvant aboutir au bloc auriculoventriculaire, à l'asystolie ou la fibrillation ventriculaire,
- à l'électrocardiogramme, on observerait :
- un allongement de PR et de QT,
- un décalage ST,
- un aplatissement, voire une inversion de T,
- un élargissement du QRS.
Conduite à tenir
En raison de la toxicité cardiaque de la chloroquine, un arrêt cardiaque peut survenir brutalement. Aussi, la référence à l'hôpital le plus proche est-elle indispensable pour la prise en charge et la surveillance du malade. Les premières mesures ne doivent pas cependant être différées.
Évacuation gastrique, par lavage gastrique, même si l'enfant est vu plusieurs heures après l'intoxication, la chloroquine stagnant dans l'estomac.
Effet protecteur du diazépam, deux schémas sont proposés :
diazépam 1 mg/kg en intraveineuse lente de 15 minutes puis 0, 5 mg/kg/6 heures en intraveineuse lente de 15 minutes,
ou bien diazépam 2 mg/kg per os ou en intrarectal puis 1 mg/kg/6 heures per os ou intrarectal.
Surveillance cardiovasculaire
Surveillance rigoureuse du malade: pouls, tension artérielle toutes les 15 minutes jusqu'à la prise en charge hospitalière. La poursuite de la prise en charge se fera à l'hôpital.
Élimination rénale par :
diurèse forcée, en l'absence de signes de toxicité cardiaque mais risque de surcharge en cas d'altération de la contractilité myocardiaque,
- furosémide 1 mg/kg,
noter le volume des urines émises.
Surveillance cardiovasculaire
Surveillance rigoureuse du malade: pouls, tension artérielle toutes les 15 minutes initialement. Cette surveillance est intensive pendant au moins les 6 premières heures, elle est poursuivie 24 heures - en cas de collapsus: remplissage (macromolécules) 10 à 20 ml/kg, prudemment puisque le collapsus est dû à un trouble de la contractilité myocardique.
Dans un service de soins intensifs hospitalier, le traitement repose sur l'administration d'adrénaline en intraveineuse continue, sous surveillance cardiovasculaire. Les troubles de la conduction sont corrigés par l'administration de sodium sous forme de bicarbonate de sodium ou de lactate de sodium.
Conclusion
L'intoxication médicamenteuse de l'enfant pose plusieurs problèmes :
- il faut penser à une intoxication devant un tableau clinique inhabituel,
- il faut identifier les toxiques potentiellement dangereux qui vont nécessiter un traitement spécifique,
- il ne faut pas sous-estimer une intoxication grave dans sa période muette initiale,
- il ne faut pas aggraver l'état d'un enfant intoxiqué par une prise en charge trop agressive. Il faut savoir mesurer les risques et les bénéfices attendus des traitements et ne pas exposer un enfant aux complications d'un traitement inutile.
L'intoxication médicamenteuse est une urgence : une prise en charge précoce est souvent simple à mettre en oeuvre et elle empêche la survenue de complications sévères pouvant aboutir à des séquelles ou au décès de l'enfant.
L'intoxication médicamenteuse est un accident qu'il faut savoir prévenir. Il est de notre responsabilité de sensibiliser les parents pour que les médicaments ne restent pas à la portée des enfants. Il est également de notre responsabilité de vérifier nos prescriptions médicamenteuses et de les expliquer clairement aux parents pour éviter une autre cause classique d'intoxication médicamenteuse: l'erreur de dose ou de traitement.
Développement et Santé, n°118, août 1995