Conduite à tenir devant une fièvre post-opératoire

Par Yveline Tourtier et Micheline Berl*

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Conduite à tenir devant une fièvre post-opératoire

par Yveline Tourtier et Micheline Berl*

Médecin-anesthésiste, hôpital Boucicaut, Paris.

La température varie au cours des premiers jours postopératoires.

En général, il s'agit d'une élévation.

On considère une température au-dessus de 38,5° comme pathologique.

Il importe de rechercher la ou les causes

et de les traiter avant qu'une complication ne survienne.

I. Il faut d'abord faire le diagnostic de la fièvre

1. Affirmer la fièvre

  • Prise rectale avec un thermomètre à mercure.

  • Réalisation d'une courbe de température (prise à intervalle régulier, toutes les trois à quatre heures).

Après toute intervention, il existe une élévation thermique modérée pendant le ou les premiers jours postopératoires: elle correspond à la phase catabolique et ne dépasse pas 38,5°. On parle donc d'hyperthermie au-delà de 38,5°.

2. Les caractères de l'hyperthermie doivent être précisés

  • Date et mode d'installation.

  • Allure évolutive, existence de clochers thermiques.

  • Signes d'accompagnement: frissons, céphalées, signes respiratoires, cardio-vasculaires, digestifs, urinaires, douleurs localisées...

  • Prendre connaissance de la feuille d'anesthésie (motif et type d'intervention, état général et antécédents du patient, drogues utilisées).

  • Thérapeutique antérieure et en particulier antibiotiques, antipaludéens, anti-parasitaires.

  • Examen du patient avec aspect :

  • de la plaie opératoire,

  • des liquides d'aspiration et de drainage,

  • des points de ponction (IM, IV, blocs tronculaires, rachianesthésie, péridurale),

  • des urines, des sécrétions bronchiques, palpation des aires ganglionnaires, de la rate, du foie,

  • recherche des signes évoquant un choc septique (marbrures, collapsus, polypnée, oligurie).

  • Examens complémentaires: numération formule sanguine, et si possible, prélèvements bactériologiques, clichés thoraciques de face et de profil, abdomen sans préparation, échographie, seront orientés par l'examen clinique.

Au terme de cet examen clinique et au vu des résultats des examens complémentaires, plusieurs hypothèses seront envisagées, permettant la mise en route du traitement.

Il. Les causes sont multiples

Par ordre de fréquence, on distingue:

1. Les fièvres précoces

(les vingt-quatre premières heures)

a. Les complications respiratoires sont au premier rang:

Atélectasies, infections broncho-alvéolaires, pneumopathies de déglutition, embolie graisseuse. L'examen clinique pulmonaire, les radiographies thoraciques, les prélèvements et les signes d'accompagnement permettant de préciser la cause et de mettre rapidement le traitement en route (antibiothérapie et kinésithérapie).

b. Un désordre métabolique:

L'hyperthermie accompagne la déshydratation quelle qu'en soit la cause: déficit d'apport ou polyurie secondaire (levée d'obstacle sur les voies urinaires, décompensation d'un diabète, agitation et sueurs de delirium tremens). Cette déshydratation nécessite une correction rapide d'autant que l'hyperthermie aggrave la déshydratation.

c. Aggravation d'une infection préexistante :

Ayant parfois motivé l'intervention.

d. Résorption d'hématomes:

Souvent responsable d'une fièvre à 38°-38,5°, rarement supérieure à 39° (proportionnelle à l'étendue des hématomes).

e. Transfusion, perfusion:

  • soit de sang ou de liquide contaminé par un agent infectieux,

  • soit réaction post-tranfusionnelle: frissons et hyperthermie fugace,

  • soit présence d'un pyrogène contenu dans la transfusion.

f. Plus rares sont:

  • hyperthermie maligne, le syndrome malin des neuroleptiques,

  • hyperthermie due à un surdosage d'atropine (surtout chez l'enfant).

2. Les fièvres secondaires

(au-delà de vingt-quatre heures)

Elles sont dominées par l'infection et les maladies thrombo-emboliques.

a. L'infection:

Cause la plus fréquente des hyperthermies postopératoires, elle peut revêtir toutes les modalités.

Tous les opérés peuvent s'infecter mais certains terrains sont plus exposés: diabétique, obèse, vieillard, dénutri, enfant, immunodéprimé, drépanopcytaire, infection préopératoire, femme en post-partum.

Certaines interventions sont dites à haut risque septique: côlon, ORL, péritonite, brûlures, traumatologie ouverte... Les germes le plus souvent rencontrés sont: le staphylocoque doré pour les cocci Gram (+); le colibacille, le protéus, les klebsielles, le pyocyanique, pour les bacilles Gram (-); certains anaérobies.

Tous les tableaux cliniques peuvent se rencontrer: abcès de paroi, collection suppurée profonde (abcès sous-phrénique, abcès du Douglas), mais aussi péritonite, infection urinaire, gangrène, et septicémie, avec ou sans foyers secondaires évoluant ensuite pour leur propre compte. le redoutable choc septique met en jeu le pronostique vital.

Le rôle des cathéters et des sondages dans la genèse des septicémies doit imposer une rigoureuse aseptie de tous les gestes.

b. Selon les zones d'endémie:

On peut se retrouver devant une fièvre évoquant une maladie parasitaire, en particulier, paludisme qu'il faudrait de toute façon prévenir systématiquement par des antipaludiques (chloroquine).

c. Les complications thrombo-emboliques:

Elles surviennent sur un terrain prédisposé: chez un alité, insuffisant cardiaque, mauvais état veineux des membres inférieurs, antécédents thrombo-emboliques.

Certaines chirurgies sont particulièrement thrombotiques: chirurgie du petit bassin, gynécologique, orthopédique des membres inférieurs, mise en place de prothèses vasculaires.

Le diagnostic repose sur l'examen clinique et sur les données des examens complémentaires.

Le traitement est surtout préventif.

III. Le traitement

1. Traitement de la cause

Il dépend donc de celle-ci :

  • correction d'une déshydratation,

  • antibiothérapie adaptée,

  • reprise chirurgicale,

  • traitement antipaludéen ou antiparasitaire,

  • héparinothérapie si phlébothrombose.

2. Traitement symptomatique

a. Les moyens physiques: pièce fraîche aérée, cerceau de lit, ventilateur, vessie de glace sur les gros troncs artériels (carotides et fémorales), lavage gastrique à l'eau glacée dans les cas les plus difficiles.

b. Les moyens médicamenteux: on fait appel à la classe des antipyrétiques qui sont souvent aussi des antalgiques.

L'aspirine, que l'on peut administrer sous forme

orale, intraveineuse (50 mg/kg/jour).

Le paracétamol sous forme orale, injectable (30 mg/kg/jour).

Pour certains cas, la phénothiazine sous forme injectable, orale.

3. Traitement préventif

Il repose avant tout sur l'aseptie des gestes, sur la correction des désordres métaboliques pré et per-opératoires, sur la prescription d'antibiothérapie préventive devant tous gestes septiques.

Conclusion

La température est donc un élément fondamental de la surveillance postopératoire de tout opéré (pour une meilleure analyse, il faut une valeur référence pré-opératoire).

Des moyens simples et une surveillance clinique répétée à la recherche d'une complication, le plus souvent chirurgicale, doivent éviter la survenue d'un choc septique mettant en jeu le pronostic vital.

Développement et Santé, N°79, février 1989