Conduite à tenir devant un choc septique
I. Définition
Véritable urgence médicale, le choc septique est une insuffisance circulatoire aiguë représentant la réponse systémique de l'organisme . à la présence de micro-organismes, et caractérisée par une pression artérielle systolique inférieure à 90 mmHg malgré une expansion volémique adéquate, associée à des dysfonctions d'organes.
Quelques notions à savoir :
Sepsis = Syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS) + infection documentée
Choc septique = sepsis + hypotension
SIRS si réponse à 3 des 4 critères suivants :
- Température > 38° C.
- Fréquence cardiaque > 90/min.
- Fréquence respiratoire > 20/min ou ventilation mécanique pour détresse respiratoire.
- GB > 12 000/mm3 ou < 4 000/mm3.
II. Rappel physiopathologique
La physiopathologie du choc septique est complexe, associant des anomalies cardiaques et vasculaires avec, pour conséquence principale, une distribution anormale du sang dans la microcirculation. L'oxygène, mal distribué dans les tissus, est utilisé de façon hétérogène. Ces troubles de la microcirculation témoignent d'une réponse inflammatoire systémique résultant de l'action de substances microbiennes (endotoxine libérée lors de la destruction bactérienne et exotoxine secrétée par la bactérie).
Ces substances provoquent la libération de médiateurs de l'inflammation par le système immunitaire (cytokines, fractions du complément, kallicréine, histamine, platelet actiuating factor, monoxyde d'azote) provoquant une dérégulation des débits sanguins régionaux (atteinte de la microcirculation), une vasodilatation artérielle et veineuse (secondaire à l'atteinte des cellules musculaires lisses vasculaires) et une exsudation plasmatique (lésions de l'endothélium vasculaire).
A ces conséquences vasculaires s'ajoute un effet inotrope négatif direct, retardé.
1. Deux phases évolutives
Dans le choc septique deux phases se succèdent généralement
- Une phase hyperkinétique, pendant laquelle l'augmentation du débit cardiaque arrive à compenser la baisse des résistances vasculaires,
- Une phase hypokinétique, correspondant à la chute du débit cardiaque, consécutive à l'action inotrope négative des médiateurs libérés par l'inflammation.
Tous les états infectieux peuvent se compliquer de choc septique : pneumopathie, pyélonéphrite, cholécystite... Les bacilles gram négatifs sont les germes les plus souvent impliqués.
2. Retentissement viscéral du choc septique
a. Anomalies cardio-circulatoires
L'atteinte cardiovasculaire est responsable d'une vasoplégie associée à une dysfonction myocardique précoce.
Dysfonction myocardique
- Diminution voire effondrement de la fraction d'éjection ventriculaire.
- Altération du couplage entre le coeur et les résistances vasculaires systémiques (RVS).
Atteintes vasculaires périphériques
- Hyporéactivité vasculaire aux catécholamines par atteinte de l'endothélium vasculaire.
- Augmentation de la perméabilité capillaire responsable d'une extravasation liquidienne.
b. Anomalies pulmonaires
- Atteinte alvéolaire diffuse responsable de l'hypoxie.
- Exsudat alvéolaire et oedème interstitiel.
- Perturbation des rapports ventilation/perfusion.
- Tableau de syndrome de détresse respiratoire aiguë dans les formes les plus sévères (40 % des cas).
c. Anomalies hépatiques
- Atteinte de la fonction immunitaire et d'épuration du foie.
- Cytolyse hépatique.
- Dysfonction secondaire de mauvais pronostic.
d. Anomalies digestives
- Lésions hémorragiques et nécrotiques des muqueuses.
- Translocation bactérienne probablement à l'origine des défaillances multiviscérales.
e. Anomalies hématologiques
- Chute des facteurs de coagulation avec une CIVD (coagulation intravasculaire disséminée).
- Phénomènes de micro-thrombose, altérant la microcirculation.
f. Anomalies rénales
Hypoperfusion responsable d'une insuffisance rénale aiguë.
g. Anomalies cérébrales
Elles sont souvent précoces, liées à l'hypoxie, à l'accumulation de faux neurotransmetteurs toxiques, l'acidose et l'oedème se manifestant par des troubles de la conscience, une agitation.
Le cercle vicieux du choc septique
III. Diagnostic
1. Diagnostic clinique
a) Diagnostic positif
Les circonstances de découverte orientent le diagnostic : installation rapide, hyperthermie brutale ou hypothermie, frissons, chute tensionnelle, tachycardie, polypnée, marbrures, cyanose, torpeur, confusion, parfois ictère, syndrome hémorragique (purpura), syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), oligo-anurie.
Le choc septique comporte classiquement deux phases :
Une phase de choc chaud ou hyperkinétique
Elle se traduit cliniquement par :
- Un débit cardiaque élevé ;
- Une diminution des résistances vasculaires induite par la libération des substances vasodilatatrices ;
- Des extrémités chaudes ;
- Une hyperthermie ou une hypothermie ;
- Un pouls bondissant et une PA respectée mais une différentielle augmentée.
Une phase de choc froid ou hypokinétique
Cette phase correspond à l'accentuation des atteintes tissulaires notamment :
- Dysfonction myocardique avec vasoconstriction ;
- PA basse et pincée ;
- Pouls filant ;
- Marbrures, cyanose des extrémités ;
- Hypothermie ;
- Oligo-anurie.
b) Diagnostic de gravité
L'évaluation de la sévérité repose d'abord sur les données de l'examen clinique qui met en évidence une défaillance viscérale et une détresse vitale :
- PA systolique < 90 mmHg ne répondant pas au remplissage ;
- Tachycardie> 140/mn ;
- Polypnée > 30 cycles/mn et/ou Sa02 < 90 % malgré l'oxygénothérapie ;
- Cyanose, sueurs ;
- Troubles de la conscience, agitation, confusion ;
- Oligurie avec une diurèse < 30 ml/h ;
- Signes cliniques de diffusion de l'infection avec, en particulier, manifestations neurologiques.
2. Diagnostic étiologique
Affirmer et documenter l'origine infectieusepar des prélèvements microbiologiques multiples, répétés et orientés selon la clinique : hémoculture, ECBU, ponction pleurale, ponction lombaire, échographie...
Evaluer le retentissement :
- Glycémie, urée, créatininémie ;
- NFS, bilan de l'hémostase : TP-TCK, TS, plaquettes ;
- Ionogramme sanguin ;
- Transaminases ;
- Radiographie pulmonaire.
3. Diagnostic différentiel
- Choc hypovolémique.
- Chocs d'allure septique (états lymphomateux, cancéreux).
4. Formes cliniques
- Purpura fulminans, lié à une meningococcémie associant choc septique et purpura nécrotique extensif avec signes biologiques de CIVD et signes méningés.
- Choc staphylococcique associant sepsis, érythrodermie scarlatiniforme des paumes et des plantes, atteinte de plusieurs organes.
- Selon le terrain, fréquence et gravité du choc septique chez le patient splénectomisé, immunodéprimé, diabétique, cirrhotique, âgé ou dénutri.
IV. Principes thérapeutiques
Le traitement étiologique du choc septique ne doit pas retarder l'initiation du traitement. Les méthodes de réanimation symptomatique sont à mettre en ceuvre rapidement. Le monitorage :
- électrocardiogramme ;
- oxymétrie de pouls (Sa02) ;
- pression artérielle (PA) ;
- température ;
- diurèse (sonde urinaire).
1. Traitement symptomatique
Le traitement vise à rétablir une volémie et un débit cardiaque efficaces pour restaurer une pression de perfusion tissulaire adéquate et maintenir une oxygénation tissulaire adaptée.
- Libération des voies aériennes ;
- Oxygénation 5-10 l/mn ;
- Voie veineuse périphérique avec cathéter de gros calibre ;
- Remplissage vasculaire.
Les produits les plus utilisés
- Cristalloïdes : sérum salé 0,9 %, Ringer lactate (35 ml/kg/J).
- Colloïdes (macromolécules) en fonction de leur disponibilité : les gélatines (HAEMACEL®) : 500 ml/20 minutes à répéter selon la réponse hémodynamique obtenue, sans dépasser 30 ml/kg.
- Transfusion en cas d'hémorragie.
- Amines vasopressives.
Elles sont utilisées après correction de la volémie.- La dopamine : elle est prescrite à des posologies ayant des effets a et (3 stimulants : 10 à 30 µg/kg/mn, afin de corriger la chute tensionnelle et la baisse du débit cardiaque.
- La dobutamine (DOBUTREX®) : elle permet d'améliorer la contractilité myocardique et d'augmenter le débit cardiaque : 5 à 15 µg/kg/mn.
- La noradrénaline (LEVOPHED®) : sa puissante action vasoconstrictrice en fait le médicament de choix lors de l'effondrement des résistances vasculaires systémiques : 0,5 µg/kg/mn.
- L'adrénaline : c'est l'ultime recours lorsque les autres amines vasopressives sont inefficaces : 0,5 à 5 µg/kg/mn.
- Corticothérapie : hémisuccinate d'hydrocortisone : 200 à 300 mg/jour en perfusion ou réparties en 3 ou 4 injections intraveineuses
- Antipyrétique : paracétamol injectable, PERFALGAN®, lg en cas de fièvre ≥ 38°C.
2. Le traitement étiologique
Il est effectué parallèlement pour éradiquer le foyer infectieux : antibiothérapie précoce (sans attendre les résultats microbiologiques), adaptée au terrain et au site d'infection puis, secondairement, à l'antibiogramme :
- Céfotaxime, 1 g/8 h IV + métronidazole, FLAGYL® 500 mg/8 h perfusion chez l'adulte.
- La gentamycine peut être associée en fonction du bilan rénal.
3. Le traitement adjuvant
- Oxygénothérapie orotrachéale avec ventilation assistée, hémodialyse.
- Nursing.
4. Surveillance du traitement
- Constantes hémodynamiques : PA, pouls.
- Paramètres respiratoires : fréquence respiratoire et Sa02 (oxymétrie de pouls).
- Diurèse si > 30 ml/h.
- Température.
- Etat de conscience.
- Régression des signes cutanés de vasoconstriction (marbrures).
Conclusion
Détecter les signes précoces du sepsis.
Hospitaliser le malade en urgence.
Transférer rapidement en réanimation. Accélérer la prise en charge.
Traitement causal.
Traitement symptomatique.
Développement et Santé, N°191/192, 2008