Complications des otites moyennes aiguës purulentes
I. Définition et mécanisme de l'otite
L'otite moyenne aiguë purulente (OMAP) est une infection des cavités aériennes de l'oreille moyenne.
La cause en est un mauvais fonctionnement de la trompe d'Eustache dont le rôle est de permettre le passage d'air entre l'arrière-nez et l'oreille moyenne.
Deux mécanismes peuvent intervenir :
La béance de la trompe qui, chez le petit enfant, permet la propagation de l'infection rhinopharyngée.
L'inflammation de la muqueuse de la trompe, à l'origine d'une mauvaise aération de l'oreille moyenne et donc de son infection.
Les complications des otites sont donc de deux ordres :
- Propres à l'infection : complications infectieuses.
- Propres aux causes de l'infection : le mauvais fonctionnement de la trompe d'Eustache.
II. Complications infectieuses
L'infection de l'oreille moyenne peut dans les formes graves atteindre certains organes proches des cavités mastoïdiennes tels le nerf facial ou l'oreille interne, mais également s'étendre vers l'intérieur du crâne et provoquer des complications neurologiques.
1. Paralysie faciale
Le nerf facial, dans la première partie de son trajet, traverse les cavités de l'oreille moyenne. Une paralysie faciale est donc possible au cours d'une OMAP. Elle est due à une simple congestion du nerf et régresse habituellement rapidement sous traitement antibiotique et corticoïde. En l'absence de régression rapide, il faut craindre une mastoïdite et envisager un geste chirurgical.
Lorsque la paralysie faciale survient sur une otite traînante, il peut s'agir d'une tuberculose de l'oreille moyenne. Le diagnostic sera fait par un prélèvement bactériologique de l'écoulement avec recherche du BK.
2. Labyrinthite
Il s'agit d'une infection de l'oreille interne. L'oreille interne a une double fonction :
Auditive : recueil des informations auditives qui sont transmises au nerf cochléaire puis au cerveau.
Vestibulaire : recueil des informations concernant l'équilibre au niveau du "labyrinthe" transmises au nerf vestibulaire puis au tronc cérébral.
Une infection propagée au labyrinthe donne une perte de l'orientation et des vertiges.
Un traitement antibiotique intraveineux doit être commencé dès l'apparition de ces signes pour tenter d'empêcher la destruction de l'oreille interne. Le plus souvent, malgré le traitement, il persiste des séquelles plus ou moins lourdes avec une surdité définitive et une instabilité en général régressive en quelques semaines.
3. Infections intracrâniennes
Quant à l'extension de l'infection vers l'intérieur du crâne, elle peut aboutir à une méningite, une thrombophlébite du sinus latéral, une encéphalite ou un abcès intracérébral. Ces complications sont très rares mais il faut y penser devant l'apparition de signes neurologiques au cours d'une otite : syndrome méningé fébrile, altération de la conscience ou signes de localisation neurologiques. Elles nécessitent un transfert en milieu hospitalier en urgence au moindre doute : le pronostic dépend de la rapidité du traitement.
4. Mastoïdite aiguë extériorisée
Il s'agit d'une forme grave de l'otite, mais sans extension aux organes de voisinage. L'infection atteint toutes les cavités aériennes de l'oreille moyenne et constitue un abcès collecté dans une cavité dont les parois sont osseuses. Cliniquement, il s'agit d'un enfant présentant depuis quelques jours une otite banale dont les signes s'aggravent brutalement avec apparition ou augmentation de la fièvre, altération de l'état général, écoulement abondant et surtout comblement du sillon rétro-auriculaire par une collection purulente qui décolle le pavillon. Ce tableau classique, dont le diagnostic est facile, nécessite une mastoïdectomie avec prélèvement bactériologique et antibiothérapie intraveineuse.
5. La mastoïdite subaiguë ou latente
Il s'agit là d'une forme d'otite résistant au traitement médical classique. Le comblement du sillon rétro-auriculaire est absent, et les autres signes sont très variables :
- Fièvre variable mais constante.
- Altération de l'état général avec perte de poids.
- Ecoulement purulent avec, à l'examen otoscopique sur un tympan inflammatoire, une petite perforation postérieure entourée de granulomes à l'origine de l'écoulement.
Il faut, devant ce tableau, faire si possible un prélèvement bactériologique et mettre l'enfant sous double antibiothérapie intraveineuse (? lactamine et aminoside) en fonction de l'antibiogramme. Ce n'est qu'en l'absence d'am?lioration avec ce traitement médical complet pendant une semaine qu'il faut faire une mastoïdectomie.
6. Forme particulière : le nourrisson
Les OMAP sont plus rares avant trois mois, mais sont souvent causées par des germes inhabituels et donc résistants aux traitements classiques (ampicilline). Un prélèvement bactériologique de l'écoulement ou du pus extériorisé après paracentèse permet d'identifier ce germe et de guider l'antibiothérapie.
7. Séquelles des infections
Des otites répétées peuvent laisser, après guérison, des séquelles au niveau de l'oreille moyenne. Le tympan peut être le siège d'une perforation de taille très variable (une tête d'épingle ou la totalité du tympan). Elle laisse une communication directe entre l'oreille moyenne et l'extérieur. Le risque est la surinfection lors de l'introduction d'eau dans l'oreille.
En l'absence de possibilité de cure chirurgicale, il faut donc insister auprès de ces patients sur la nécessité de boucher le conduit auditif externe par un simple morceau de coton lors des bains et des douches. Par ailleurs, la chaîne des osselets peut avoir été détruite par l'infection, ce qui détermine une surdité variable selon l'importance de l'atteinte.
III. Le mauvais fonctionnement de la trompe
Si la trompe d'Eustache est bouchée pendant une longue période, l'air ne peut parvenir dans l'oreille moyenne qui va petit à petit se rétracter.
Le tympan va progressivement s'accoler aux différentes structures occupant l'oreille moyenne et former dans certains cas de véritables poches dites "poches de rétraction". Dans les formes graves, il s'agit de véritables kystes, pleins de déchets épidermiques qui vont évoluer pour leur propre compte, grossir, s'infecter et détruire les éléments occupant l'oreille moyenne: il s'agit là du cholestéatome. Celui-ci, s'il n'est pas dépisté et opéré, peut détruire les structures osseuses et ce qu'elles contiennent (osselets, labyrinthe...).
IV. Conclusion
Les complications des otites moyennes aiguës suppurées sont heureusement rares par rapport à la fréquence de cette pathologie chez l'enfant.
Dans leur majorité, elles sont infectieuses, ce qui justifie de rappeler deux règles absolues :
Le traitement antibiotique systématique de toute otite aiguë suppurée par une ampicilline (110 mg/kg/jour chez l'enfant) pendant quinze jours en vérifiant la guérison.
Le prélèvement bactériologique de pus en cas de résistance au traitement avant de changer d'antibiotique pour éviter de sélectionner des germes de plus en plus résistants aux divers traitements.
Développement et Santé, n°154, août 2001