Comment préparer la bouillie ? (deuxième partie)

Par le Dr François Laurent Association MISOLA, 12, rue des Soupirants, 62100 Calais.

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Il est d'usage depuis quelques décennies de conseiller aux mères, en particulierà celles dont le jeune enfant présente un retard pondéral, de donner des bouillies afin d'accroître les apports alimentaires Cet article montre le bien-fondé de ces pratiques, à condition que soient respectées quatre règles fondamentales Le non-respect de ces quatre règles est en effet à l'origine de nombreux échecs et d'aggravation de la malnutrition. Si l'intérêt de donner aux jeunes enfants souffrant de malnutrition ou de sous-nutrition des bouillies de haute valeur énergétique est bien établi, les moyens simples d'y parvenir avec des bouillies non lactées sont plus difficiles à trouver et nous proposons ici des solutions faisant appel à de l'amylase domestique.

Dans la première partie, nous avons abordé la notion de valeur énergétique des aliments, appliquée à l'alimentation infantile. Nous parlerons maintenant de la viscosité des bouillies et du rôle de l'amylase sur l'amidon. Enfin, nous verrons ce que permet l'utilisation des amylases domestiques.

I. Viscosité des bouillies et rôle de l'amylase sur l'amidon

Nous avons vu que les aliments pour les nourrissons et les jeunes enfants doivent être faciles à avaler (liquides), faciles à digérer, nourrissants pour un faible volume (haute valeur énergétique). Avant de voir pratiquement comment réunir toutes ces qualités, intéressons-nous à l'art de préparer une bouillie et à ce qui se passe lors de la digestion.

1. Que se passent quand on fait une bouillie ?

Vous avez observé que cela ne se passe pas comme lorsqu'on met du sucre dans l'eau. Le sucre, qui est un solide se dissout dans l'eau et on peut en mettre beaucoup sans que le mélange eau-sucre ne perde son caractère liquide. Un sirop contient environ 80 g de sucre (16 morceaux de 5 g) dans 100 ml d'eau.

Pour la farine il en est tout autrement. Un peu de farine dans beaucoup d'eau ne donne pas, après cuisson, un liquide. On obtient un aliment plus ou moins épais selon la quantité et le type de farine. Ce caractère épais de la bouillie peut donner l'illusion d'avoir un aliment nourrissant. Mais le bébé ne va pas se nourrir avec des illusions

2. Rôle de l'amidon

Reprenons notre marmite et faisons de la bouillie comme chacun sait la faire :

  • On dilue un peu de farine (combien au fait ?) dans un peu d'eau (quelle quantité ?).
  • On met de l'eau à chauffer. "Alors là, je ne sais pas exactement combien, mais j'ai l'habitude des proportions pour que ça fasse une bonne bouillie".
  • On verse la farine diluée dans l'eau qui bout. Cela reste liquide quelques instants, puis cela épaissit et devient de la bouillie.
  • On laisse cuire la bouillie quelques minutes en mélangeant, puis on la laisse refroidir avant de la donner à manger. La bouillie devient un peu plus épaisse en refroidissant. Si on a mis beaucoup de farine, la bouillie devient très épaisse, trop épaisse pour qu'un bébé puisse la manger.

Que se passe-t-il ? Le composant principal des farines de céréales est un glucide appelé amidon. L'amidon est comme une chaîne dont les maillons seraient du sucre (glucose). L'amidon n'est pas du tout soluble dans l'eau. Au cours de la cuisson, cette chaîne d'amidon se gorge d'eau comme une éponge. Lorsqu on fait une bouillie, on met d'abord les grains de farine en suspension dans l'eau froide, le mélange reste liquide. Lors de la cuisson, l'amidon se gonfle d'eau (c'est l'empesage), le mélange devient épais. Lors du refroidissement, les chaînes d'amidon se bloquent les unes par rapport aux autres (c'est la gélification), la bouillie devient encore plus épaisse.

3. La viscosité des bouillies

L'épaisseur (ou consistance) d'une bouillie se mesure ; on parle de viscosité. Plus la bouillie est épaisse, plus sa viscosité augmente. Bouillie aqueuse, bouillie liquide, bouillie fluide (ou légère ou semi-liquide), bouillie onctueuse (ou crémeuse ou liée), bouillie épaisse (ou purée légère), bouillie moulée (ou purée), bouillie solide (pâte) pourraient exprimer l'échelle croissante de viscosité des bouillies. La bouillie onctueuse devra être donnée au nourrisson à la cuillère pour qu'il la "mange". Mais il pourra "boire" au bol une bouillie liquide.

Il faut très peu d'amidon pour épaissir une bouillie. Il suffit de 5 grammes de farine de maïs dans 100 ml d'eau pour donner une bouillie fluide dont la consistance convienne à l'enfant. Mais il faudrait théoriquement mettre 30 grammes de cette farine pour que la valeur énergétique de la bouillie ainsi préparée convienne aux besoins en énergie de l'enfant. On obtiendrait alors une pâte tellement épaisse que l'enfant n'en voudrait pas. Il n'est pas encore capable de manger les aliments solides. Par contre, les adultes sont capables de manger des pâtes de céréales, du pain, du riz grâce aux mécanismes de la digestion.

4. L'enzyme amylase

Une des fonctions de la digestion est de découper l'amidon pour que l'intestin puisse l'assimiler sous forme de sucres. Notre appareil digestif dispose de " pinces coupantes " qu'on appelle amylases (enzyme) pour faire ce travail de découpage.

Cette enzyme "amylase" est universelle. Les micro-organismes, les végétaux, les insectes, les animaux et nous-mêmes avons sur nous cette pince coupante en permanence. (Il n'y a que les jeunes nourrissons qui en soient relativement dépourvus) Et ainsi, les micro-organismes, les végétaux, les insectes, les animaux et nous-mêmes allons pouvoir casser les chaînes d'amidon. Il faut dire qu'aucun organisme ne peut absorber l'amidon tel quel. Il faut toujours le découper avant. (Ainsi, une mouche qui se pose sur un aliment, va de même liquéfier l'aliment avant de l'absorber. Mais ne la laissons pas faire cela sur nos aliments car elle dépose aussi des microbes qui vont donner la diarrhée.)

a) Dans la salive

Chez l'homme, la première étape de la digestion de l'amidon se passe dans la bouche. Nous avons de l'amylase dans notre salive qui nous permet de commencer à liquéfier ce que nous mangeons avant de l'avaler. Cette digestion de l'amidon sera reprise dans l'intestin par l'amylase sécrétée par le pancréas. Avant l'âge de six à douze mois, les capacités de digestion de l'amidon sont réduites.

b) Dans la farine maltée

Pour les plantes, l'amylase apparaît au moment de la germination. Les graines, les tubercules sont constitués essentiellement d'amidon. Pourvu qu'on leur apporte un peu d'eau et un peu de chaleur, ils vont germer. La germination commence par la fabrication d'amylase. Celle-ci entre en action et libère du sucre que la plante utilise pour la croissance du germe et de la plantule.

La fabrication de la bière de céréale est basée sur ce processus. La germination des graines (sorgho, orge ... ) transforme l'amidon en sucres (maltage). Par fermentation, ces sucres contenus dans la farine de céréale germée vont pouvoir se transformer en alcool. Voici comment procéder pour obtenir de la farine de céréale germée.

Le sorgho, utilisé pour la préparation de la bière de mil, se prête bien au maltage et fournit de la farine crue de sorgho germé, farine très riche en amylase.

c) Dans le lait maternel

Une troisième source d'amylase nous intéresse : L'amylase du lait maternel.

Elle a les mêmes qualités que l'amylase salivaire mais sa concentration est parfois plus faible. La présence de cette amylase pourrait compenser les faibles taux d'amylase salivaire et pancréatique de l'enfant qui n'atteignent les valeurs de l'adulte qu'à l'âge de un ou deux ans.

5. Conditions de l'utilisation de l'amylase

Quelles sont les caractéristiques de l'amylase de la salive, de celle du lait maternel et de celle des céréales germées ? Les connaître permet de mieux les utiliser.

a) Température

Ces amylases doivent être mises dans la bouillie très chaude, dès que la casserole est retirée du feu. En effet ces amylases ont une activité maximum entre 75 et 55 °C. À plus basse température, l'amylase agit moins vite et moins bien. La température d'ébullition d'une bouillie épaisse se situe vers 85 °C. Dès qu'on la retire du feu sa température descend vite à 70 °C, puis plus lentement vers la température de consommation d'une bouillie qui est voisine de 40 °C.

Si l'on met ces amylases avant la cuisson, il n'y aura pas de liquéfaction. En effet, ces amylases n'agissent que lorsque l'amidon est gonflé d'eau et elles sont détruites par la cuisson.

b) Rôle négatif de l'acidité

L'activité de l'amylase est diminuée par l'acidité. Les bouillies de mil et de maïs sont plus acides que les bouillies associant céréale et légumineuses C'est en partie la raison qui explique que les bouillies céréale-légumineuse soient plus facilement liquéfiées que les bouillies de céréale. Pour préparer les bouillies, il ne faut donc pas utiliser de décoctions acides (comme de l'oseille). Si on ajoute du jus de fruit, il faut le faire après avoir fait agir l'amylase.

c) Quantité et temps

La quantité d'amylase nécessaire à la liquéfaction est très faible et son action est très rapide (quelques secondes à quelques minutes) si la température est suffisante et si la bouillie n'est pas acide.

6. Les avantages des amylases

Ainsi, comme nous le verrons dans la troisième partie, l'utilisation de l'une de ces trois amylases permet au niveau familial de liquéfier des bouillies épaisses (de casser la bouillie, diront certains), et de diminuer leur viscosité. En pratique, l'utilisation de ces amylases permet de mettre deux fois plus de farine sans augmenter la quantité d'eau et ainsi de doubler la valeur énergétique de la bouillie habituellement préparée. Les bouillies ainsi transformées deviennent souvent suffisamment liquides pour être bues.

Si l'adjonction de sucre ou d'un peu d'huile permet d'obtenir une bouillie un peu moins épaisse, l'action de l'amylase est considérablement plus efficace.

L'adjonction de légumineuses comme le haricot, l'arachide ou le soja, permet de préparer des bouillies mieux équilibrées en nutriment et qui, à poids de farine égal, épaississent un peu moins. (Le mélange céréale-légumineuse-sucre permet de préparer des bouillies de consistance onctueuse contenant jusqu'à 15 % de farine. On ne peut guère aller au-delà de 10 % pour les farines de céréale.)

L'adjonction de lait en poudre augmente considérablement la valeur nutritive de la bouillie sans augmenter sa consistance. Les bouillies lactées ont généralement les qualités requises pour être de bons aliments pour nourrissons.

On voit qu'il ne faut pas attacher trop d'importance à la consistance des aliments. Leur consistance épaisse, due à la gélification de l'amidon, peut donner l'illusion d'avoir un aliment nourrissant. À l'inverse, un aliment liquide (lait, huile) ou un aliment dont l'amidon à été dégradé (bouillie liquéfiée) peut être nourrissant.

Nous savons maintenant deux choses essentielles :

La valeur énergétique d'une bouillie n'est pas directement liée à sa viscosité, puisque une bouillie épaisse peut être liquéfiée. Ce qui compte, c'est la quantité de farine que va manger le nourrisson.

L'amylase a une fonction essentielle dans l'alimentation. Une bouillie qui a subi l'action de l'amylase sera plus facile à avaler (plus liquide) et plus facile à digérer par le nourrisson (pré digestion).

Ainsi l'adjonction d'amylase après cuisson permet de préparer des bouillies liquides bien qu'elles aient été préparées avec beaucoup de farine et pas beaucoup d'eau. Ces bouillies de haute valeur énergétique apportent aussi plus de protéines, de matières grasses et de micronutriments. Ces bouillies peuvent être bues, ce qui est également un avantage considérable, car beaucoup plus rapides à consommer qu'une bouillie donnée à la cuillère.

En cas de malnutrition, l'adjonction d'amylase permet de préparer des bouillies liquides très énergétiques. Elles pourront être utilisées même si l'enfant est nourri par sonde (elles peuvent être passées sans dilution par la sonde, par petites quantités pour éviter les reflux).

II. Utilisation des amylases domestiques

Nous avons vu que les bouillies habituellement utilisées en complément du lait maternel avaient une faible valeur énergétique, inférieure à celle du lait maternel. Il s'agit ici de montrer comment doubler leur valeur énergétique pour atteindre 100 à 120 kilocalories, comme le préconise l'Organisation Mondiale de la Santé et l'UNICEF.

1. Quantité et qualité

Grâce à l'utilisation d'amylase, il est possible, à consistance de bouillie égale, de doubler la quantité de farine et donc la valeur énergétique d'une bouillie.

a) Premier exemple

Ainsi, une bouillie de mil cuite à l'eau et sucrée, est habituellement préparée avec environ 10 g de farine pour 100 ml d'eau (bouillie de céréale à 10 % de farine). Sa consistance onctueuse convient bien aux enfants.

Si l'on double la quantité de farine, et qu'on ajoute de l'amylase après la cuisson, la bouillie aura la même consistance onctueuse mais sera deux fois plus nourrissante.

Pour obtenir une bouillie de céréale à 20 % de farine, il faut schématiquement mettre farine et eau dans les proportions suivantes :

1 volume de farine pour 3 volumes d'eau.

On obtient alors une bouillie à 70 kcal/ 100 ml (mais pas équilibrée)

b) Deuxième exemple

Une farine céréale-légumineuse sucrée peut être préparée avec 15 g de farine pour 100 ml d'eau (bouillies céréale-légumineuse à 15 % de farine).

Là encore, il est possible de doubler la quantité de farine. L'adjonction d'amylase permet d'obtenir une consistance de bouillie onctueuse.

Pour obtenir une bouillie céréale-légumineuse à 30 % de farine, il faut schématiquement mettre farine et eau dans les proportions suivantes :

1 volume de farine pour 2 volumes d'eau.

On obtient alors une bouillie à 120 kcal/ 100 ml (beaucoup mieux équilibrée)

2. La préparation des farines

La préparation d'aliments pour nourrissons, spécifiques et suffisamment énergétiques, nécessite donc de transformer l'amidon en sucres de façon à ce que la consistance des aliments soit acceptable par les nourrissons. Comment sont faites les farines infantiles industrielles et que peut-on faire avec des farines ordinaires ?

a) Farines industrielles

Lorsque les mères utilisent des farines industrielles, elles apprécient leur facilité de préparation et le fait que les bouillies gardent toujours une consistance qui convient à l'enfant. Ce sont des farines qui ont subi l'action d'amylases pendant leur préparation, ou qui ont été traitées par cuisson-extrusion (l'amidon est cassé par une cuisson à haute pression). Les amylases utilisées dans l'industrie sont produites dans des laboratoires par des micro-organismes.

b) Amylases domestiques

À la maison, nous vous proposons l'utilisation d'amylases domestiques. En effet les mères disposent de deux ou trois sources d'amylases toujours disponibles, très efficaces et gratuites : le lait maternel, la salive et la farine de céréale germée.

L'utilisation du lait maternel, de la salive ou de la farine de céréale germée, même s'il s'agit d'améliorer l'alimentation quotidienne des nourrissons et des jeunes enfants, peut se heurter à des blocages culturels difficiles à surmonter. Mais il semble raisonnable de penser que l'agent de santé saura proposer ces trois sources d'amylase et conseiller l'une d'elles en fonction de la culture de chacune des mères.

3. L'utilisation de ces amylases domestiques mérite quelques commentaires

a) L'amylase des céréales germées

L'utilisation de cette amylase sera facile dans les régions où l'on consomme de la bière traditionnelle de mil (sorgho). Il n'est généralement pas difficile de demander à la préparatrice de bière du quartier un peu de mil en fin de germination, de le faire sécher, d'en ôter le germe puis de moudre ces grains. On obtient ainsi une farine crue de sorgho germé dont la teneur en amylase est très élevée. Il en serait de même avec du maïs germé.

Il suffit de mettre une pincée de farine dans la bouillie qui sort du feu pour la voir se liquéfier en quelques minutes.

Ce qui est très intéressant, c'est que cette farine crue de sorgho germé se garde bien. Conservée dans un petit récipient, elle est disponible à tout moment et pourra être utilisée à la maison mais aussi dans un CREN ou un hôpital.

b) L'amylase salivaire (ou diastase ou ptyaline)

Est-il raisonnable de proposer à la mère d'ajouter de sa salive dans la bouillie qu'elle prépare pour son enfant ? Certains font une grimace de dégoût à cette idée. Pourtant vous avez sûrement déjà observé la façon dont les mères donnent la bouillie à leurs enfants. Une fois la bouillie versée dans le bol de l'enfant, les mères goûtent la bouillie pour en apprécier la saveur et la température, mais elles évitent de mélanger l'ensemble de la bouillie. Elles ont en effet remarqué que si elles mélangeaient la bouillie après l'avoir goûtée, la bouillie se "cassait", c'est-à-dire se liquéfiait.

Pour éviter cela, les mères prélèvent la bouillie au même endroit, cuillerée après cuillerée. Elles considèrent cette liquéfaction comme mauvaise, rendant la bouillie impropre à la consommation. Ce qu'elles ne savent pas c'est qu'en goûtant, elles déposent un peu de leur salive sur la cuillère et que cela suffit à liquéfier la bouillie. Le rejet des bouillies liquéfiées après exposition à l'air est légitime si la liquéfaction est le résultat du contact de la bouillie avec des mouches. Par contre, si la liquéfaction est volontairement le résultat de l'action de l'amylase domestique, c'est un grand avantage.

La salive du jeune nourrisson ne contient pas suffisamment d'amylase pour liquéfier efficacement l'amidon. Il ne peut donc pas manger du tô, du riz ou des pâtes. Dans beaucoup de traditions on observe des pratiques où la mère mastique l'aliment solide avant de le donner à son enfant. Ces pratiques bénéfiques ne sont pas à déconseiller.

Et l'hygiène ? La salive est un liquide stérile lorsqu'il sort des glandes salivaires. C'est la bouche qui n'est pas stérile. La salive a même des vertus anti-infectieuses (immunoglobulines, lysozyme), quelquefois instinctivement utilisées lorsqu'on se blesse légèrement. Si la mère est atteinte de maladie infectieuse (tuberculose, sida, hépatite B ou C), il faut, par prudence éviter d'utiliser cette source d'amylase. (En cas de doute, on peut toujours faire recuire la bouillie après l'avoir liquéfiée avec la salive).

L'adjonction de salive à la bouillie se fait de la façon la plus simple, c'est-à-dire comme font les mères sans le savoir. Il suffit qu'en goûtant, elles mêlent un peu de leur salive à la cuillerée de bouillie et qu'elles mélangent l'ensemble. Très rapidement, la bouillie va se liquéfier.

Ainsi il ne faut peut-être pas avoir tant de préjugés vis-à-vis de la salive. Quelle est la mère qui ne goûte le plat de son enfant avec la même cuillère, ou qui ne passe dans sa bouche pour le nettoyer un objet que son enfant va sucer ? Les contacts familiers n'évitent pas la salive (partage d'un même plat, témoignage d'amour). Alors n'ayons pas peur de conseiller à la mère d'accomplir un geste d'amour maternel en aidant son enfant à se nourrir.

c) L'amylase du lait maternel

Le lait maternel est un aliment réservé à l'enfant, et la mère refuse rarement de mettre de son lait dans la bouillie de son enfant. La bouillie ainsi liquéfiée lui sera exclusivement réservée.

L'amylase du lait maternel est pratiquement la même que celle de la salive. Le lait maternel n'est pas toujours très riche en amylase et il faudra parfois en mettre une demi cuillère à café pour avoir un effet suffisant.

La mère extraira un peu de son lait directement dans le bol de bouillie chaude et mélangera l'ensemble.

d) Les médicaments

Pour les irréductibles qui ne veulent pas utiliser d'amylases domestiques ou si ces moyens sont difficiles à mettre en oeuvre (gavage par sonde en milieu hospitalier...), il faut signaler une autre source d'amylase facile à utiliser en milieu hospitalier. Il s'agit des médicaments utilisés chez les insuffisants pancréatiques (Eurobiol®, Creon® ou tout autre extrait pancréatique). En mélangeant après l'avoir bien écrasé, un microgranule de ces médicaments (une centaine de microgranules par gélule) dans la bouillie chaude, on obtient également une liquéfaction rapide. Ces médicaments sont des extraits pancréatiques, et on sait que le pancréas sécrète de l'amylase.

4. Préparation des bouillies

En résumé, voilà la recette qui permet de préparer la plupart des bouillies (qu'elles soient faites de farine de céréale simple ou de farine composée céréale-légumineuse ou additionnées de lait en poudrer, de façon à ce qu'elles soient liquides et de haute valeur énergétique.

Chaque fois que cela est possible, utiliser des farines grillées, ce qui permet de diminuer le temps de cuisson, d'améliorer le goût, de stériliser la farine et de détruire les facteurs antinutritionnels.

Si on craint une contamination bactérienne par la salive ou par la farine de sorgho germé (ou si sa consommation est retardée), il est facile de faire rebouillir la bouillie liquéfiée afin de la stériliser.

Si on ne peut disposer de farines lactées, il sera toujours préférable d'utiliser des farines associant céréales et légumineuses plutôt que des farines de céréale simple. Elles sont mieux équilibrées en protéines, plus riches en graisses (si elles contiennent de l'arachide et/ou du soja) et donc de valeur énergétique plus élevée. Elles sont aussi plus complètes en micronutriments et en vitamines. De plus, à consistance égale, il est possible de mettre plus de farine céréale-légumineuse. Enfin les amylases domestiques liquéfient plus efficacement les bouillies céréale-légumineuse que les bouillies de céréale.

Ainsi :

Une bouillie préparée avec une farine grillée céréale-légumineuse farine : 60 g, soit une tasse et eau 200 g, soit deux tasses et amylase apporte environ 240 kcalories et 3 g de protéine soit 120 kcal et 1,5 g de protéine /100 ml de bouillie

Alors que :

Une bouillie préparée avec une farine grillée de céréale farine 60 g, soit une tasse et eau 300 g, soit trois tasses et amylase apporte environ 216 kcalories et 1,6 g de protéine soit 72 kcal et 0,5 g de protéine /100 ml de bouillie.

Nous avons montré comment augmenter la richesse énergétique des bouillies à base de céréales grâce à l'utilisation d'amylases domestiques. Cette augmentation de la valeur énergétique s'accompagne aussi d'une augmentation de la richesse de ces bouillies en protéines, en graisses, en micronutriments quelle que soit la nature de la farine utilisée. Augmenter la quantité de farine, c'est augmenter l'ensemble des nutriments.

Il est donc indispensable de chercher à connaître la valeur énergétique des bouillies habituellement données aux enfants. Il faut se demander si le mode de préparation habituel ou si le mode d'emploi préconisé sur l'emballage prend bien en compte la valeur énergétique de la bouillie telle qu'elle va être consommée. Il ne suffit pas qu'une farine ait une composition bien équilibrée et soit enrichie en vitamines. Il faut veiller à ce que son mode de préparation donne une bouillie de haute valeur nutritionnelle, ce qui peut conduire à doubler ou tripler les proportions de farine indiquées, puis fluidifier cette bouillie épaisse à l'amylase afin de la rendre facilement absorbable par les enfants.

Pour le lecteur pressé

L'amidon des céréales est responsable de l'épaississement des bouillies lors de la cuisson. La consistance de bouillie idéale s'obtient avec de faibles quantités de farine, mais la valeur énergétique de ces bouillies s'avère insuffisante pour lutter contre la malnutrition. L'augmentation de la valeur énergétique des bouillies nécessite de doubler ou de tripler la quantité de farine pour un même volume d'eau. On obtient alors une bouillie pâteuse qu'il est nécessaire de fluidifier pour la rendre comestible par les enfants. Les procédés industriels (hydrolyse de l'amidon) habituellement utilisés pour éviter que les bouillies ne soient trop épaisses ne sont généralement pas accessibles à la production artisanale ou familiale de farines. Cet article montre comment l'utilisation d'amylases "domestiques" fournies par la farine de céréales germées, le lait ou la salive maternel, permet aux mères de préparer des bouillies céréale-légumineuse fluides atteignant 120 kcal/100 ml. Correctement utilisées ces amylases domestiques sont très efficaces. De plus elles sont gratuites et toujours disponibles.

Sources

Traité de nutrition pédiatrique : C. Ricour et al., Maloine.

Pour les besoins énergétiques du nourrisson : L'alimentation infantile, bases physiologiques. James Akré.

Pour la valeur énergétique des aliments : Manuel de nutrition africaine. Agbésis Do Santos

Pour la salive : Encyclopédie Médico-Chirurgicale, Stomatologie.

Étude de la vitesse d'écoulement de quelques bouillies de complément et de l'action d'amylases domestiques : F. Laurent. Non publié.

Développement et Santé, n° 127, février 1997