Co-infection VIH et hépatite B

Par Christian Mongin Médecin généraliste, Evry, France

Publié le

I. Epidémiologie

La prévalence de l'hépatite B (n = 400 millions) dans le monde est 10 fois plus importante que celle de l'infection à VIH (n = 40,3 millions). La prévalence de la co-infection VIH-VHB est estimée entre 2 et 4 millions de personnes et concerne essentiellement l'Afrique subsaharienne où la prévalence de l'hépatite B dépasse 8 %. Ainsi, la fréquence de la co-infection a été évaluée au Mali à 21,5 % chez toute PVVIH, au Bénin à 11,2 % chez des PVVIH sous ARV. En Afrique sub-saharienne, la transmission survient pendant la période périnatale, pendant les 5 premières semaines de la vie, par transmission mère-enfant ou contacts rapprochés au sein des familles mais aussi par voie parentérale (dont scarifications et tatouages rituels) et sexuelle.

Prévalence Occident Occident Afrique Afrique
VIH - VIH + VIH - VIH +
Ag Hbs + < 1 % 10 % 8-15 % 8-15 %
Ac anti HBc + < 10 % 30 % 60-90 % 60-90 %
HVB chroniques 5-10 % 20-30 % 10 % 30 %
Ac anti VHC + 1-5 % 20-45 % 1-3 % 1-3 %*

\ Sauf Egypte et Cameroun où cette prévalence est supérieure ou égale à 10 %.*

II. Impact de la co-infection

L'hépatite B n'est pas une maladie classante pour le stade SIDA. Une enquête a montré (Mortalité 2005) que les décès de cause hépatique étaient la seconde cause de décès non lié au SIDA en France.
Dans les pays à ressources limitées, la morbidité liée au SIDA devrait diminuer grâce à un meilleur accès aux antirétroviraux. Il faudrait donc s'attendre à une augmentation de la morbidité et de la mortalité dues aux maladies hépatiques.
L'infection à VIH diminue le taux de clairance spontanée (“guérison”) du VHB (75 % au lieu de 95 %, encore moins chez les enfants).
Quand l'infection par le VHB est devenue chronique, elle se complique de cirrhose ou de cancer hépato-cellulaire d'autant plus rapidement que la réplication VHB n'est pas contrôlée. Cette évolution est encore plus rapide s'il existe une co-infection avec le VIH. La co-infection avec le VIH multiplie par 3 à 6 le risque d'hépatite chronique active avec cirrhose et par 17 le risque de mortalité comparé aux patients
non VIH.
D'autres facteurs associés aggravent l'évolution de l'hépatite B chronique : le sexe, l'âge, l'alcool, les comorbidités associées, notamment l'existence d'autres
virus responsables d'hépatites, un syndrome métabolique et une lipodystrophie, certains traitements.
Enfin, l'introduction des antirétroviraux, en entraînant une restauration immune, peut provoquer une réactivation brutale du VHB.

III. Diagnostic et suivi de l'hépatite B

Une hépatite chronique est définie par la présence de l'AgHBs pendant plus de 6 mois et nécessite un bilan clinique et biologique recherchant une hépatopathie
chronique.

Le diagnostic d'hépatite chronique active dans les pays du Nord est fondé sur la biopsie hépatique et sur la PCR de l'ADN du VHB. Ces deux examens font souvent défaut dans les pays à ressources limitées. Une évaluation fondée sur des critères cliniques et biologiques simples est en cours d'élaboration pour les pays à ressources limitées à l'OMS (le site devsante.org vous tiendra au courant). L'examen clinique et les transaminases resteront des critères importants.

Si l'on dispose des ressources suffisantes, le bilan initial comportera : dosage des enzymes hépatiques, créatininémie, albuminémie, hémostase, NFS, plaquettes, alpha-fœtoprotéine, marqueurs de réplication du VHB (AgHBe, anticorps anti-HBe, ADN VHB) ainsi que les anticorps anti hépatite A (penser à vacciner si négatif ), C, Delta.
Une biopsie hépatique ainsi que les scores non invasifs de fibrose (Fibromètre, Fibrotest) seront utilisés si possible car ils conduisent les décisions thérapeutiques (voir tableau 2).

Tableau 2 : manifestations cliniques de l'infection VIH et du SIDA. Indications de traitement de la co-infection VIH-hépatite B (algorithme adapté des recommandations de l'EACS, novembre 2009).

III. Traitement

Le traitement dans les pays qui disposent des ressources suffisantes est défini dans le tableau 3.
Par contre, les nouvelles recommandations de l'OMS (Guidelines 2010) pour les pays à ressources limitées stipulent que les patients qui ont besoin d'un traitement pour leur infection à VHB doivent être mis sous traitement antirétroviral quel que soit le taux de lymphocytes CD4.

Première ligne de traitement

Les associations qui contiennent à la fois du TDF et du 3TC (ou FTC) associées à un INNRT doivent être utilisées.
L'association AZT+3TC+TDF est une alternative pour les patients chez lesquels un INNRT ne peut être utilisé.

  1. Commencer un TAR chez toute personne présentant une co-infection VIH/VHB nécessitant un traitement pour son infection à VHB (hépatite chronique active), quel que soit le nombre de CD4 ou le stade clinique de l’OMS (Recommandation forte, données de faible qualité).
  2. Commencer un schéma thérapeutique de TAR contenant du TDF associé à du 3TC ou du FTC chez toute personne présentant une co-infection VIH/VHB nécessitant un traitement (Recommandation forte, données de qualité moyenne - OMS).

Deuxième ligne de traitement

En cas d'échec au traitement de première ligne, le traitement de deuxième ligne peut associer :
AZT+TDF+3TC (ou FTC) +ATV/r ou LPV/r

Les personnes présentant une co-infection VIH/VHB, qui doivent être traitées contre l’infection à VHB et qui sont en échec thérapeutique sous schéma de première intention associant TDF + (3TC ou FTC), doivent continuer à recevoir ces mêmes INTI quel que soit le nouveau schéma thérapeutique choisi, afin de maintenir l’activité anti-VHB et pour réduire le risque de survenue d’une poussée d’hépatite active. Leur schéma thérapeutique de deuxième intention doit donc être AZT + TDF + (3TC ou FTC) + IP potentialisé - OMS).

Notion importante : toujours maintenir 2 ARV actifs contre le VHB.

Tableau 3 : algorithme d'utilisation des molécules dans le traitement de la co-infection VIH-VHB (algorithme adapté des recommandations de l'EACS, novembre 2009).

IV. Prévention

Dépistage de l'antigène HBs lors du diagnostic de la séropositivité VIH.
Vaccination des patients VIH+ avec AgHBs négatif et Anticorps anti-HBs négatif.
Vaccination à la naissance
Prévention de la transmission materno-foetale (utilisation lamivudine, essais concernant le tenofovir et l'emtricitabine en cours).
Accès aux molécules efficaces tout en assurant une barrière génétique élevée (ténofovir, voire entécavir).

Il est particulièrement important de faciliter l'accès au ténofovir afin de prévenir l'émergence de souches virales résistantes à la lamivudine.

Les connaissances concernant cette co-infection sont en évolution constante et les progrès observés doivent permettre aux pays ayant des ressources limitées de pouvoir en bénéficier le plus rapidement possible.

Abréviations :

Abréviations
3TC ADN ATV ARV CD4 FTC LPV LPV/r INNTI/INNRT IP PVVIH TAR TDF VHB lamivudine acide désoxyribonucléique atanazavir antirétroviral lymphocyte T portant des récepteurs CD4 emtricitabine lopinavir lopinavir/ritonavir inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse inhibiteur de la protéase personne vivant avec le VIH traitement antirétroviral ténofovir disoproxil fumarate virus de l'hépatite B

Développement et Santé, N° 200, 2012