Cas particulier des antirétroviraux (ARV), des médicaments contre le VIH/SIDA, des antituberculeux et des traitements contre les maladies chroniques

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Les recommandations qui suivent s'attachent particulièrement aux ARV mais peuvent être trans­posées à tous les médicaments de prophylaxie du VIH/SIDA et tous les traitements des maladies chroniques (hypertension, diabète, cancers, asthme). Pour la tuberculose ou la lèpre, il faudra procéder de même jusqu'à la guérison.

I. Gestion

Les règles de base de gestion de la pharmacie sont applicables à tous les médicaments (connaître l'état du stock à chaque instant ; déclencher, passer, suivre et réceptionner une commande ; valider le stock théorique par un inventaire...) mais des règles de gestion spéci­fique s'appliquent aux médicaments ARV, car :

  • Ce sont des traitements chroniques : un patient débutant un traitement ARV le renouvellera chaque mois pendant une longue période ou toute sa vie. Ainsi pour chaque approvisionnement de la pharmacie en ARV l'évaluation des besoins est basée sur le nombre de patients déjà sous traite­ment auquel s'ajoute le nombre de patients qui vont démarrer un traitement ARV.
  • Ce sont des traitements qui deviennent inefficaces et peuvent favoriser l'appa­rition de virus résistants si l'observan­ce du patient est inférieure à 95 % des prises, c'est-à-dire si le patient rate plus de 1 prise sur 10 (dans le cas des traitements ARV contre le VIH). L'observance est égale­ment cruciale dans le cas de tuberculose ou de la lèpre. Les ruptures de stock d'ARV et autres médicaments spécifiques sont donc à éviter absolument car elles représentent une cause majeure de non observance.
  • Les sources et procédures de finance­mentdes médicaments ARV et antitubercu­leux sont souvent spécifiques et différentes de celles des autres médicaments.
  • Les médicaments ARV et les médicaments antituberculeux doivent être stockés et gérés de façon spécifique car ils sont fragiles et précieux : rangés dans un endroit sécurisé et gérés dans des registres séparés des autres médicaments.

Evaluation des besoins en ARV

nécessaires pour passer les commandes

Il est indispensable de mettre en place un tableau de suivi global de la cohorte de patients suivant un traitement ARV.

Le nombre de patients à traiter augmente tous les mois du nombre de nouveaux patients en traitement et des patients "transférés d'un autre centre" ; il ne peut diminuer que du nombre de patients décédés, perdus de vue ou ayant déménagé, ou , pour la tuberculose ou la lèpre, du nombre de patients déclarés guéris.

Pour établir la commande de médicaments destinés au traitement de ces patients, il faudra, chaque mois, et pour chaque type de traitement (traitements ARV de première et de deuxième ligne, diabétiques sous insuli­ne, tuberculeux, etc.) calculer à partir de chaque registre de patients (VIH, diabète, TB...) (voir tableau 1).

Tableau 1 : calcul du nombre de traitements par mois à venir
1. Nombre de patients déjà sous traitement et qui tolèrent leur combinaison de médicaments. Doivent continuer à prendre le même trai­tement => commander les médicaments habituels pour ces patients.
2. Nombre de patients déjà sous traitement ne tolérant pas leur combinaison de médicaments. Doivent continuer à être traités mais chan­ger leur combinaison de médicaments. Ils sont comptabilisés comme des nouveaux patients dans leur nouveau régime et reti­rés de leur ancien régime, commander les médicaments prescrits pour ces patients.
3. Nombre de patients en attente pour démarrer un traitement. Ils représentent les nouveaux patients à inclure => commander les médicaments pour ces patients.
4. Nombre de patients qui ont quitté la région (transférés dans un autre centre) durant le mois précédent. Ne pas commander de médicaments pour ces patients.
5. Nombre de patients déclarés guéris durant le mois précédent. Ne pas commander de médicaments pour ces patients.
6. Nombre de patients décédés durant le mois précédent. Ne pas commander de médicaments pour ces patients.

Ces données permettent de savoir quelle sera la consommation mensuelle pour le mois suivant (1 + 2 + 3) - (4 + 5 + 6). Ensuite, il est possible de calculer le seuil de commande comme indiqué plus haut en remplaçant la CMM par la consommation prévue pour le mois suivant.

II. Pratiques de dispensation spécifiques aux médicaments ARV

Le traitement ARV est un traitement chro­nique qui n'est pas efficace et peut provoquer des résistances du virus si le patient n'est pas observant. Le patient ne suivra son traitement qu'en l'absence de contraintes majeures : problèmes financiers, problèmes de nutrition, incompréhension du principe de traitement à vie (risque d'arrêter dès qu'il se sentira mieux), incompréhension du plan de prise, manque de motivation pour guérir et se faire suivre médicalement...

Une fois que le traitement a démarré, voici quelques conseils pratiques pour aider les patients à rester observants (voir tableau 2).

Tableau 2 : conseils pour aider les patients à rester observants
Détecter les retardataires Il est utile de tenir un planning de dispensation des ARV aux patients et de donner un RDV de dispensation aux patients pour être sûr qu'ils ne soient jamais en rupture de médicaments. Chaque soir, vérifier sur le planning que tous les patients qui avaient rendez-vous le jour même se sont présentés. Si certains patients ont manqué leur rendez-vous, il convient de les joindre (téléphone ou visite à leur domicile) pour discuter de leur retard et leur donner un nouveau rendez-vous pour qu'ils viennent chercher leurs médicaments rapidement.
Vérifier la date de la dernière dispensation sur l'ordonnance précédente (le patient rapporte son ancienne ordonnance à chaque dispensation). Cette méthode permet de vérifier que le patient n'a pas été en rupture de médicaments depuis la dernière dispensation. Elle est assez largement utilisée dans les structures de dispensation ARV. Elle ne renseigne pas sur la fréquence des prises ni sur les moda­lités de prise des médicaments sur le patient.
Compter les comprimés restant dans les boîtes de médicaments à chaque renouvellement (le patient doit rapporter ses anciennes boîtes à chaque dispensation). Cette méthode fonctionne bien et est assez largement utilisée dans les structures de dispensation de médicaments ARV. Elle permet de détecter les incompréhensions de posologies et autres problèmes d'observance. Cette méthode n'est pas fiable à 100 % : il est impossible de savoir si les comprimés qui ne sont pas dans la boîte ont vraiment été pris par le patient au bon moment.
Interrogation du patient sur la prise de ses traitements durant la dernière semaine. Demander au patient s'il se rapelle avoir sauté ou décalé certaines prises durant la dernière semaine :"Au cours de la dernière semaine, combien de prises avez-vous sauté ?" C'est une méthode intéressante car elle permet un dialogue avec les patients. Ce dialogue doit être empathique pour que la réponse soir proche de la vérité (ne pas culpabiliser le patient, ne pas le forcer à avouer un/plusieurs oubli de prise).

III. Comment réagir face à une rupture

de stock en médicaments ARV ?

Un médicament ARV ne doit jamais être supprimé d'une combinaison d'ARV ni remplacé spontanément par un autre médicament ARV.

  1. Signaler cette rupture aux responsables du programme.
  2. Estimer le nombre de patients concernés par cette rupture.
  3. Estimer la quantité d'ARV à commander en urgence et déclencher une commande d'urgence auprès du fournisseur habituel.
  4. Bien noter le délai d'approvisionnement annoncé et, en attendant la livraison en urgence, se faire dépanner si possible par des structures voisines.
Tableau 3 : conduite à tenir face aux patients en cas de rupture de stock
S'il s'agit d'une première délivrance d'ARV pour le patient Demander au prescripteur son accord pour repousser le démarrage du traitement ARV jusqu'au réapprovisionnement. S'assurer que le patient est protégé des infections opportunistes par une prophylaxie au cotrimoxazole. Annoncer au patient le délai avant le démarrage du traitement ARV, et le rassurer.
Si le patient est déjà sous traitement ARV Interroger le patient sur la quantité de médicaments ARV restants chez lui. S'il lui reste assez de traitement ARV pour assurer une continuité jusqu'au réapprovisionnement,
  • lui expliquer la situation, le rassurer et lui donner rendez-vous le jour prévu de réapprovisionnement.
Si le patient ne possède plus assez de médicaments ARV chez lui pour respecter son traitement jusqu'au réapprovisionnement,
  • rechercher une autre structure délivrant des ARV qui accepte de dépanner en attendant le réapprovisionnement.
Si le dépannage est impossible,
  • demander au médecin prescripteur d'ARV de remplacer le médica­ment en rupture par un autre médicament.

Développement et Santé, n°188, 2007