Calculs de la vessie

Par François Pernin

Publié le

Les calculs de la vessie sont fréquents, chez l'homme adulte lorsqu'il existe une gêne à l'écoulement de l'urine (adénome de la prostate, sténose de l'urèthre ... ) et chez le petit garçon dans les pays en voie de développement (causes nutritionnelles).

Le diagnostic, évoqué cliniquement, est confirmé par la radio.

Le traitement est chirurgical, relativement aisé ... mais, chez l'adulte, il faut aussi lever l'obstacle à l'origine du calcul, sous peine de le voir récidiver.

I. Epidémiologie

1. Age

  • Chez l'enfant, les calculs de la vessie se révèlent vers l'âge de cinq ans.

  • Chez l'homme adulte, ils apparaissent vers cinquante ans, âge auquel commence à apparaître l'adénome de la prostate qui est un facteur favorisant la stase urinaire.

2. Sexe

Les calculs de la vessie sont exceptionnels chez la petite fille, même dans les pays où ils atteignent l'enfant, car son urèthre est court et large et permet l'élimination facile des éventuels petits calculs avant qu'ils ne grossissent. Chez la femme adulte, ils sont très rares et se forment souvent autour d'un corps étranger présent dans la vessie.

3. Répartition géographique

Les calculs de l'enfant sont particulièrement fréquents dans les régions rurales des pays en voie de développement.

Etiologie

1. Les causes nutritionnelles

Elles sont à l'origine des calculs de l'enfant, on a remarqué en effet que, dans les zones d'endémie de lithiase vésicale, les malades font partie des populations rurales pauvres à l'alimentation essentiellement végétarienne.

Leur apport en protéines végétales est suffisant mais pauvre en protéines animales et en lipides. Une hypovitaminose A est souvent retrouvée. Le climat et la déshydratation, par contre, ne semble pas jouer un grand rôle, les lithiases vésicales de l'enfant étaient très fréquentes au siècle dernier dans les pays actuellement industrialisés où cette maladie est devenue tout à fait exceptionnelle avec la disparition de la malnutrition et la diminution des protéines végétales au profit des protéines animales dans l'alimentation ... mais d'autres maladies sont aussi apparues avec ces nouvelles habitudes alimentaires ... !

2. La stase urinaire

C'est la cause essentielle des calculs de la vessie chez l'homme adulte, ces obstacles au fibre écoulement de l'urine, responsables d'un résidu urinaire, sont:

  • l'adénome et le cancer de la prostate,
  • les rétrécissements (sténose) de l'urèthre,
  • les causes neurologiques, la paraplégie essentiellement (la vessie paralysée se vide mal).

Les urines stagnantes, souvent infectées, chargées de cristaux de calcium ou d'acide urique, précipitent sous forme de calcul.

3. L'infection urinaire

Elle ne peut, à elle seule, provoquer la formation des calculs, mais elle les favorise lorsqu'elle s'associe à la stase urinaire. Certains germes, dits uréolytiques, en modifiant l'acidité des urines favorisent la précipitation des cristaux de calcium, normalement présents dans les urines, sous forme de calcul. Ces microbes " uréolytiques " sont: les proteus, les pyocyaniques, les klebsielles, la mycoplasme, le staphylocoque épidermitis et certaines souches de colibacille. Ainsi, la découverte d'une infection urinaire à proteus, doit faire suspecter l'existence d'un calcul quelque part sur les voies urinaires.

4. Les corps étrangers

La seule présence d'un corps étranger dans la vessie suffit à provoquer la formation d'un calcul autour de lui en favorisant la précipitation des cristaux... il se trouve pétrifié ! Des calculs de vessie apparaissant après une opération portant sur la vessie ou le petit bassin doit faire penser que le chirurgien a pu utiliser, pour refermer la vessie, des fils non résorbables. Un fragment de sonde urinaire a pu rester dans la vessie.

Certains malades psychiatriques, ou l'enfant par jeu, peuvent s'introduire volontairement des corps étrangers dans la vessie, on a ainsi retrouvé des graines, des crayons, des épingles ...

Le calcul de vessie est rare chez la femme, lorsqu'il existe, il doit faire suspecter la présence d'un corps étranger.

5. Les maladies de la vessie

Certaines infections spécifiques de la vessie comme la tuberculose ou la bilharziose peuvent modifier les parois de la vessie au point de les calcifier, mais il ne s'agit pas réellement de calculs libres dans la vessie. Il a été clairement démontré que la bilharziose vésicale n'entraîne pas la formation de calcul sauf lorsqu'elle se complique de stase par sclérose du col de la vessie chez l'adulte.

6. Les désordres métaboliques

Certaines maladies, en provoquant une accumulation anormale de cristaux dans la vessie, sont à l'origine de calculs. Au niveau de la vessie, seule la goutte (hyperuricémie) peut provoquer facilement la formation de calcul (acide urique) ainsi que l'immobilisation prolongée, comme chez le paraplégique, qui entraîne la formation de calculs de calcium.

7. L'association de différents facteurs

Elle est fréquente chez l'adulte où la stase urinaire existe souvent avec une infection urinaire, et chez le paraplégique où la présence d'une sonde vésicale associée à la stagnation d'urines infectées explique la particulière fréquence de la lithiase vésicale.

L'étiologie du calcul vésical diffère donc beaucoup selon le terrain:

  • chez l'enfant, les facteurs alimentaires sont essentiels,

  • chez l'homme, la stase urinaire, due à l'adénome de la prostate ou à une sténose de 1'urèthre,

  • chez la femme, le calcul de la vessie est rare et alors souvent dû à la présence d'un corps étranger dans la vessie.

Aspect clinique

Aucun signe n'est spécifique du calcul de la vessie, et les troubles ressentis peuvent être dus autant à la présence de la pierre qu'à l'éventuel obstacle qui en est la cause.

Les signes les plus fréquents sont:

  • la difficulté pour uriner (dysurie),
  • les envies fréquentes d'uriner (pollakiurie),
  • les envies impérieuses, les brûlures,
  • la présence de sang dans les urines (hématurie) volontiers terminale (le sang n'est vu qu'à la fin de la miction),
  • la rétention d'urine, l'incontinence (fuite involontaire des urines),
  • l'élimination spontanée de sable ou de calcul,
  • des douleurs pelviennes,
  • une cystite récidivante, la présence de pus dans les urines (pyurie).

Plus évocatrice serait l'accentuation des signes dans certaines positions (le calcul se déplaçant dans la vessie). Parfois, la miction peut s'interrompre en plein jet, tout à fait involontairement, le calcul venant boucher comme un clapet le col de la vessie, cet arrêt involontaire cède lorsque le malade change de position, sautille ... ce qui déplace le calcul, la miction peut alors reprendre !

Chez l'enfant, des douleurs dans la verge, la nécessité qu'il éprouve à tirer sur son sexe pour diminuer la douleur ou provoquer la miction, est évocatrice.

L'examen clinique est pauvre, on palpe rarement la pierre au toucher rectal, mais on peut palper la grosse prostate responsable de la stase chez l'adulte. Les urines peuvent être sanglantes ou purulentes.

Tous ces signes ont, en tout cas, le mérite d'orienter vers le bas appareil urinaire (vessie, prostate, urèthre) et de faire demander des examens complémentaires qui permettront d'assurer le diagnostic.

Examens complémentaires

1. La radiographie de l'abdomen sans préparation

Le calcul est souvent formé de calcium, et donc radio-opaque, spontanément visible comme le serait un os. Une radiographie du bassin montrera le ou les calculs, souvent ronds. Il faut savoir le chercher derrière l'opacité du pubis ou devant le sacrum.

Il faudra savoir le différencier des autres opacités pelviennes possibles: ganglion calcifié, phlébolithes pelviens très fréquents (petites opacités latérales)...

2. L'urographie intraveineuse

Elle n'est pas indispensable au diagnostic si le calcul est radio-opaque mais nécessaire pour apprécier la cause de ce calcul. Un calcul opaque sera même " noyé " dans le produit de contraste présent dans la vessie au cours de l'urographie.

Par contre, cette urographie est indispensable au diagnostic de calculs radio-transparents (c'est-à-dire formés d'acide urique) car ils ne sont pas spontanément visibles sur le cliché sans préparation. Lorsque la vessie sera opacifiée par le produit de contraste de l'urographie, le calcul apparaîtra comme une lacune au milieu de la vessie. Ces calculs se dissolvent facilement en quelques semaines si on alcalinise les urines par des boissons contenant des bicarbonates. Ce test thérapeutique est important, car une lacune vésicale doit faire discuter aussi la possibilité d'une tumeur de la vessie.

Il est rare que l'on soit suffisamment équipé pour pratiquer une échographie de la vessie (examen par ultra-son) car dans ce cas, l'échographie montrerait facilement qu'il s'agit d'un calcul et non d'une tumeur (ou d'un caillot sanguin ou d'un lobe médian de prostate).

3. L'endoscopie

Si le diagnostic est encore hésitant et si l'hôpital dispose du matériel de cystoscopie, la cystoscopie permettra la vision directe de la pierre. Ce matériel optique est introduit par les voies naturelles jusque dans la vessie. Cependant, chez l'enfant, cet examen nécessite un cystoscope spécial qui peut être traumatisant chez le tout jeune et on évitera de pratiquer la cystoscopie si le diagnostic est certain.

Evolution - Complications

La lithiase peut être bien tolérée et parfaitement latente ou ne donner lieu qu'à des inconforts mictionnels. Mais parfois, elle peut donner lieu à des complications, qui sont autant de circonstances de découverte:

1. L'infection urinaire: elle est entretenue par la présence du calcul où les germes peuvent se nicher sans être atteints par les antibiotiques. Un calcul siégeant dans un diverticule de vessie peut se compliquer d'abcès péri-vésical.

2.Le reflux vésico-rénal : l'inflammation due à la présence du calcul peut modifier l'abouchement des uretères dans la vessie et provoquer le reflux des urines vers les reins, ce qui peut entraîner une pyélonéphrite (infection du rein) grave. Le reflux regresse spontanément après l'ablation de la pierre.

3.L'enclavement du calcul dans 1'urèthre peut être responsable d'une rétention d'urine ou d'une accentuation brutale des douleurs mictionnelles.

4. La récidive du calcul après son ablation, est exceptionnelle chez l'enfant, chez l'adulte elle n'est possible que si le facteur de stase des urines n'a pas été traité (sténose de l'urèthre, adénome de la prostate).

Traitement

Le traitement du calcul de la vessie représente l'un des plus riches chapitres de l'histoire de la médecine... et de l'humanité, car la pierre qui affligea certains hommes célèbres pesa autant sur leur vessie que sur leur décision!

1. La lutte contre l'infection: c'est l'ablation de la pierre. Il est illusoire d'espérer la stérilisation des urines par les antibiotiques seuls tant que le calcul reste en place.

2. La correction d'un facteur de stase vésicale: il est indispensable de traiter l'obstacle urèthral ou prostatique à l'origine de la formation du calcul, sous peine de le voir récidiver (ablation d'un adénome de la prostate, dilatation d'un rétrécissement de l'urèthre).

3. La dissolution des calculs: en pratique, seuls les calculs d'acide urique (radio-transparents) se dissolvent facilement. Ces calculs se forment si les urines sont acides chez un malade ayant une élimination urinaire importante d'acide urique (comme dans la goutte). Il suffit donc d'alcaliniser les urines pour voir disparaître ces calculs, pour cela, il faut que le malade boive de l'eau riche en bicarbonate (certaines eaux de source sont alcalines, sinon on peut ajouter du bicarbonate à l'eau de boisson). Pour éviter la récidive, il faut continuer le traitement, diminuer l'élimination de l'acide urique par des médicaments (Zyloric (R), etc.), et corriger un éventuel facteur de stase urinaire chez l'adulte.

4. L'ablation de la pierre par les vo

les naturelles: des instruments (lithotricteur) permettent de broyer la pierre dans la vessie et de l'éliminer par petits bouts. Ces instruments peuvent être introduits par l'urèthre. Chez la femme, le calcul peut souvent être enlevé avec une simple pince introduite dans l'urèthre.

5. L'ablation de la pierre en ouvrant chirurgicalement la vessie est souvent le moyen le plus simple et le moins traumatisant pour l'urèthre. Chez l'homme adulte, si on possède le matériel d'endoscopie nécessaire, on peut traiter par les voies naturelles l'obstacle responsable et le calcul.

Mais si le calcul est trop gros et que l'obstacle est un volumineux adénome de prostate, on enlèvera les deux en ouvrant la vessie.

Chez l'enfant, l'urèthre est petit et fragile et on préférera souvent enlever le calcul en opérant directement la vessie.

Le calcul de vessie est donc une maladie fréquente, toujours secondaire à une cause:

  • nutritionnelle chez l'enfant,
  • obstacle à l'écoulement de l'urine chez l'adulte où il faudra traiter le calcul et l'obstacle sous peine de récidive.

Développement et Santé, n°49, février 1984