Asthme de l'adulte
L'asthme est une maladie. Pour le patient, éprouver une crise d'étouffement nocturne, est extrêmement désagréable et angoissant, encore plus quand elle récidive et altère les activités quotidiennes.
Le soignant doit être attentif à tout signe qui peut lui faire craindre une crise d'asthme grave, un état de mal asthmatique, un asthme qui tue.
I. Reconnaître la crise
C'est une bradypnée expiratoire paroxystique nocturne suivie d'une expectoration difficile à sortir. En pleine nuit, le patient est assis dans son lit, l'air a du mal à sortir, l'expectoration est lente, difficile, sifflante. A l'auscultation, les deux poumons sont remplis de râles sibilants, comme des chants d'oiseaux.
L'expectoration ramène des crachats perlés, comme "des grains de tapioca", collants, pénibles à rejeter. La crise s'achève dans une sensation d'euphorie.
Les formes atypiques sont nombreuses:
diurnes,
celles où le caractère de bradypnée expiratoire n'est pas net. Le patient ne précise pas le temps respiratoire, ou bien il respire vite.
II. Diagnostic différentiel
Trop souvent on qualifie d'asthme une gêne respiratoire. Or, les causes de dyspnées d'autres origines sont nombreuses.
a. Dyspnée cardiaque
Elle est évoquée sur:
la notion d'antécédents cardiovasculaires, hypertension artérielle non traitée, valvulopathies, infarctus du myocarde, etc. ;
son caractère de dyspnée d'effort et secondairement au repos, parfois compliqué d'oedème aigu du poumon;
la présence de tachycardie, hépatomégalie douloureuse et oedème des membres inférieurs.
b. Dyspnée d'origine pleuro-pulmonaire: bronchite chronique par exemple.
c. dyspnée par anémie: la pâleur des conjonctives et le dosage de l'hémoglobine orientent le diagnostic.
d. Les autres causes sont multiples: métabolique (diabète, insuffisance rénale), toxiques (intoxication à l'oxyde de carbone)... et sont regroupées grâce au contexte.
e. Dyspnée d'origine psychique: après une émotion ou une contrariété, le patient ressent une angoisse avec gène respiratoire, qu'il attribue à de l'asthme et qui le conduit à tort à inhaler quelques bouffées de bronchodilatateurs. Ce diagnostic différentiel est parfois d'autant plus difficile qu'une véritable crise d'asthme peut être inaugurée par une anxiété.
III. Vérifier qu'il ne s'agit pas d'une crise d'asthme grave
Il faut connaître par coeur tous les signes et les rechercher systématiquement en même temps que l'on entreprend un geste thérapeutique immédiat :
a. L'interrogatoire recherche les indices évocateurs
La notion d'antécédents d'état de mal asthmatique ou de crise prolongée nécessitant une hospitalisation.
La crise actuelle est une complication d'une infection bronchique récente. Le patient était soigné pour toux depuis quelques jours et la crise est survenue brutalement. Dans ce cas, la capacité respiratoire est réduite, à la fois par le bronchospasme et par le catarrhe (l'expectoration mucopurulente).
La crise actuelle est une récidive d'une crise récente.
Une crise d'asthme est toujours angoissante, mais là, la sensation d'angoisse est plus forte, le patient craint de mourir.
La crise survient alors que le patient, traité par corticoïdes, vient d'être sevré. Le manque brutal de cortisone dans l'organisme provoque un bronchospasme plus violent.
b. L'examen clinique sera une source d'inquiétude dans différentes circonstances
En cas de détresse respiratoire aiguë associant quatre symptômes majeurs : cyanose, battements des ailes du nez, tirage intercostal ou abdominal, sueurs.
Rappelons que le tirage se constate lorsque le creux sus-sternal, les espaces intercostaux ou l'abdomen se creusent lors de l'inspiration. Le malade asphyxié, lutte contre le manque d'air.
Le patient ne tousse plus, il n'en a plus la force.
La voix est éteinte, on ne l'entend plus. L'air, qui fait vibrer les cordes vocales et produit des sons, n'arrive plus au larynx.
Les poumons sont silencieux: on n'entend aucune sibilance, ce qui n'est pas normal. Un poumon d'asthmatique fait beaucoup de bruit. Là, non, le bronchospasme est total. Envoyer des bouffées de salbutamol ne sert à rien.
Le rythme respiratoire est supérieur à 30 chez l'adulte. La respiration s'accélère trop pour gagner de l'air. Rappelons que la crise d'asthme simple est une bradypnée, c'est-à-dire une respiration lente.
Le pouls est supérieur à 120.
La tension artérielle chute ou est normale. Dans une crise simple, la tension artérielle s'élève un peu.
Le pouls se ralentit à l'inspiration: c'est le pouls paradoxal.
La conscience s'altère: le cerveau manque d'oxygène.
Le spiromètre portable, si on en possède un, montre un débit expiratoire maximum inférieur à 150.
Cela fait quinze signes à rechercher. En attendant de bien les avoir en tête, le mieux est de faire un petit tableau à afficher devant sa table d'examen (c'est ce que j'ai fait pour moi-même, dans ma mallette depuis qu'un de mes patients de trente ans est mort devant moi).
IV. Apprécier la cause de la crise
complication d'une bronchite,
terrain allergique: asthme saisonnier, rhinite spasmodique, eczéma,
origine psychique : il est de règle de rechercher si le patient n'a pas eu une émotion forte, des soucis répétés. Le fait d'en parler contribue à le soulager.
V. Asthme chronique dit " asthme à dyspnée continue "
C'est une personne aux antécédents de crises fréquentes, parfois intenses, ayant nécessité des séjours hospitaliers, souvent corticodépendant. La dyspnée n'a plus les caractéristiques de la crise aiguë mais a l'aspect d'une gêne respiratoire chronique, limitant les efforts parfois avec des paroxysmes subaigus de polypnée. L'auscultation retrouve un mélange de râles bronchiques et de sibilances. Le malade est souvent surinfecté. Le risque évolutif est la bronchopneumopathie chronique, puis obstructive, et l'insuffisance respiratoire chronique.
Les examens complémentaires prennent toute leur importance:
radio pulmonaire à la recherche d'un emphysème (distension et hyperclarté thoracique, élargissement des espaces intercostaux), accentuation de la trame bronchique évocatrice de bronchite chronique, hiles chargés et gros coeur droit faisant craindre un retentissement cardio-vasculaire,
épreuves fonctionnelles respiratoires à la recherche d'un syndrome dit obstructif: diminution de la capacité vitale, diminution du rapport de Tiffeneau:
volume expiratoire maximum/sec