Antisepsie et désinfection

Par Catherine Dupeyron Biologiste, Créteil. France

Publié le

Les antiseptiques et les désinfectants sont des produits capables d’éliminer ou de tuer par action directe les micro-organismes indésirables.
Les désinfectants sont utilisés sur des surfaces inertes, les antiseptiques sont destinés à être appliqués sur les tissus vivants.
Ce qui fait leur différence, c’est que les antiseptiques doivent être bien tolérés par la peau et les muqueuses. Ce sont des médicaments, fabriqués et contrôlés par des pharmaciens, alors que les désinfectants restent des produits d’hygiène.
Néanmoins, selon les doses et les conditions d’utilisation, de nombreux produits peuvent être utilisés aussi bien comme désinfectants que comme antiseptiques.

I. Antiseptiques

Les antiseptiques sont des préparations pharmaceutiques actives sur les micro-organismes présents sur le revêtement cutané et muqueux. Ils sont antibactériens, antifongiques et antiviraux. Selon leur nature chimique, certains seront plus actifs que d’autres sur les bactéries, les champignons ou les virus.

Rappel :

Dans le cas d’un antiseptique ou d’un antibiotique, on désigne par “spectre d’activité” l’ensemble des espèces sur lequel il est actif.
Il y a deux types d’effet :

  • destruction irréversible : activité bactéricide, fongicide, virucide.
  • inhibition de la croissance : activité bactériostatique, fongistatique.

Il existe une grande quantité d’antiseptiques dont les classes chimiques et les activités sont résumées dans le tableau I.
Critères de choix

  • Large spectre d’activité
  • Activité destructrice : bactéricide, fongicide, virucide
  • Faible toxicité
  • Tolérance cutanée
  • Activité en présence de substances interférentes pouvant inhiber leur action (sang, pus…)
  • Stabilité
  • Coût.

Il ressort du tableau I que les dérivés à base de chlore et d’iode sont les plus actifs, ils ont une activité bactéricide, fongicide, virucide ; ce sont les plus employés et les moins coûteux.

Tableau 1 : activité des différentes classes d'antiseptiques
Classes Spectre d'activité
Bact Gram + Bact Gram - Myco- bactéries Moisis- sures Levures Virus Spores
Halogénés Chlorés Solutés de Dakin Iodés Alcool iodé Teinture d'iode Povidone iodée \+ \+ \+ \+ \+ \+ \+
Alcools Ethanol 70° + + + +/- +/- +/- -
Ammoniums quaternaires Chlorure de benzalkonium + +/- - + + +/- -
Diamidine Hexamidine +/- - - - - - -
Oxydants Eau oxygénée 3 % + + - + + - -
Biguanides Chlorhexidine +/- - - - - - -

Précautions d’emploi

  • Les utiliser sur une peau ou une plaie préalablement nettoyée.
  • Les conserver dans leur conditionnement d’origine pour :
    • limiter les risques de contamination au cours des manipulations,
    • limiter les sources d’erreurs (nom du produit, concentration, mode d’utilisation, date de péremption).
  • Ne pas mélanger ni appliquer successivement des antiseptiques de familles différentes.
  • Respecter la date de péremption (durée de conservation du produit dans son conditionnement non ouvert).
  • Noter la date d’ouverture sur le flacon.
  • Reboucher le flacon après chaque usage.
  • Privilégier les petits conditionnements ou les doses unitaires.
  • S’informer du temps de conservation du flacon ouvert.

Utilisation des antiseptiques en pratique médicale
Les antiseptiques sont utilisés pour la prévention et le traitement des maladies infectieuses dans trois circonstances :

  • Antisepsie de la peau saine
  • Antisepsie de la peau lésée
  • Antisepsie des muqueuses et des séreuses

Les produits à large spectre, c’est-à-dire permettant de détruire la plupart des espèces bactériennes, seront utilisés dans la prévention du risque infectieux : on les appelle des antiseptiques majeurs.
Les autres produits sont réservés au traitement de certaines affections dermatologiques, où l’on cherche à détruire le germe responsable de l’infection cutanée.

1. Antisepsie de la peau saine

La flore cutanée riche et variée ne pénètre pas normalement dans les tissus sous-jacents et dans l’organisme. En revanche elle peut pénétrer lors d’une incision chirurgicale, d’une injection médicamenteuse intramusculaire ou sous-cutanée, d’une ponction veineuse ou d’une biopsie. L’antisepsie a pour but de détruire le plus grand nombre de micro-organismes présents sur la peau au moment de ces actes.

Antisepsie du champ opératoire

Si possible, lavage la veille avec un savon antiseptique ou une solution moussante de povidone iodée.
Dépilation une heure avant l’intervention.
Au moment de l’intervention, application de l’antiseptique avec une pince et des compresses stériles, du centre vers l’extérieur du champ opératoire, trois applications d’une durée d’une minute sont effectuées en laissant sécher entre chacune d’elles.
Les produits utilisés le plus souvent sont :

  • la povidone iodée,
  • la chlorhexidine à 0,5 % dans l’éthanol à 70° C,
  • l’alcool iodé à 2 %.

Antisepsie avant une ponction, une injection ou une biopsie : les mêmes produits sont choisis et appliqués deux fois de suite en laissant sécher.

2. Antisepsie de la peau lésée

a) Antisepsie des plaies

Lorsque la plaie est souillée ou présente des anfractuosités, nettoyer au préalable avec un antiseptique moussant pour effectuer une détersion et éliminer d’éventuels débris. Appliquer ensuite l’antiseptique.
Lorsque la plaie est propre, on peut appliquer directement une solution iodée ou de chlorhexidine aqueuse.

b) Antisepsie des brûlures

Les plaies des brulés sont souvent infectées par des staphylocoques et par des bacilles à Gram négatif (pyocyaniques ou autres). Des antiseptiques (chlorhexidine) peuvent être ajoutés à l’eau lorsqu’on a la possibilité de baigner la zone brulée, des pommades antiseptiques peuvent être employées lors des pansements.

c) Dermatoses infectées

Préparations à base de zinc, de cuivre, colorants en solution alcoolique, solutions d’iode, de chlorhexidine.

3) Antisepsie des muqueuses et des séreuses

Les antiseptiques sont généralement employés dilués à cause de la fragilité de ces tissus.

  • Odontologie et stomatologie : solutions d’hexamidine ou de chlorhexidine.
  • Gynécologie : solutions, et ovules pour traitement des infections vaginales.
  • Ophtalmologie et otorhinolaryngologie : collyres et pommades.

Les antiseptiques ont leur place à côté des antibiotiques dans le traitement des maladies infectieuses.
Dans certains cas (risques de résistances ou de sensibilisation), ils se substituent aux antibiotiques locaux.
Il faut bien se rappeler que ce ne sont pas des agents stérilisants et que la réduction du nombre de microorganismes qu’ils entraînent a une durée limitée.
Dans la mesure du possible, il faut privilégier les produits à large spectre, à activité bactéricide.
Il est indispensable de toujours respecter les protocoles et les recommandations d’utilisation du fabricant.

II. Désinfectants

La désinfection est une opération au résultat momentané permettant de tuer ou d’inactiver les micro-organismes portés par un milieu inerte. Elle se fait après le nettoyage, par contact avec un produit désinfectant d’activité bactéricide, fongicide et virucide. Une désinfection efficace doit en 5 minutes diminuer de cent mille fois le nombre de germes présents. Ce n’est pas une stérilisation, elle a une action temporaire, les germes survivants reprenant leur multiplication. Elle doit donc être renouvelée fréquemment.
Toute désinfection doit être précédée d’un nettoyage avec de l’eau, des savons, des détergents qui éliminent déjà une partie des micro-organismes.

1. Solutions d’hypochlorite de sodium / eau de Javel

Le désinfectant le plus couramment utilisé, et le moins coûteux, est l’eau de Javel. C’est une solution aqueuse d’hypochlorite de sodium qui agit par libération de chlore. Les concentrations et les temps de contact seront différents selon le type de désinfection recherché.

Concentration des solutions
La façon d’exprimer la concentration des solutions a changé, le tableau II donne la correspondance entre les anciennes et les nouvelles unités.
Autrefois elle était exprimée :

  • en degrés chlorométriques : le degré chlorométrique est le nombre de litres de chlore gazeux libérés par un litre d’eau de Javel en milieu acide dans des conditions normales de température et de pression.
  • en grammes de chlore actif par litre (1 degré chlorométrique correspond à 3,17 g de chlore libre par litre).
  • en partie par million (ppm).

L’unité de mesure est maintenant la quantité de chlore actif exprimée en pourcentage.
Les solutions d’hypochlorite sont distribuées actuellement sous deux formes :

  • Extrait de Javel (9,6% de chlore actif )
  • Eau de Javel (2,6% de chlore actif ), soit environ 4 fois moins concentrée.
![](javel-1-site.jpg) Eau de Javel prête à l'emploi 2,6 % de chlore actif ![](javel-2.jpg) Eau de Javel à diluer 9,6 % dde chlore actif

Selon les circonstances, on utilise la solution à 2,6 % de chlore actif plus ou moins diluée :

  • désinfection des locaux : 15 à 20 ml pour un litre d’eau,
  • désinfection des instruments : 50 ml pour un litre d’eau,
  • désinfection des sanitaires : 300 ml non diluée et contact 5 minutes,
  • désinfection de l’eau : quatre gouttes pour un litre d’eau et contact une heure.
Tableau 2 : correspondance entre les Unités
Unités Désinfection (surfaces, matériel, sanitaires, etc.) Antisepsie (peau, tissus)
Présentation Extrait de Javel Eau de Javel Soluté de Dakin
Degré chlorométrique 36 ° 9 ° 1,5 °
% chlore actif (environ) 9,6 % 2,6 % 0,5 %
Grammes de chlore actif par litre (environ) 114,2 28,5 4,7
ppm (partie par million) 114 120 28 530 4 700

2. Autres produits générateurs de chlore

Divers produits générateurs de chlore existent sous forme solide : chlorure de chaux, hypochlorite de calcium, tosylchloramide (chloramine) et dichloroisocyanurate de sodium (DCCNA), le plus récent et le plus intéressant.

DCCNA
Solide, cristallin, blanc, soluble dans l’eau, il agit par libération d’acide hypochloreux et de cyanurate de sodium. Son action est similaire à celle des solutés d’hypochlorite, il reste plus actif en présence de matières organiques.
Il se présente sous forme de comprimés effervescents contenant 3,5 mg de DCCNA.
Ce produit est stable, de bonne conservation à l’abri de l’humidité.
Il fait partie de la liste des médicaments essentiels de l’OMS.
Pour la désinfection de l’eau de boisson, il est utilisé à la dose d’un comprimé à 3,5 mg dans un litre d’eau, à ne consommer qu’après 30 minutes de contact et pendant une durée maximale de 24 heures.

3. Précautions d’utilisation

Ne jamais utiliser l’extrait de Javel sans l’avoir dilué.
Toujours rincer le matériel ou les surfaces en acier inoxydable nettoyés à l’eau de Javel (détérioration).
Ne jamais utiliser l’eau de Javel avec un acide qui provoque un dégagement gazeux de chlore : attention aux détartrants pour les toilettes.
L’eau de Javel est irritante et corrosive. Elle provoque des brûlures sur la peau et les muqueuses (yeux en particulier) surtout sous forme concentrée.
En cas de projection, rincer immédiatement et abondamment avec de l’eau.
Il existe de nombreux autres produits désinfectants, leur disponibilité varie selon les pays. Comme cela a été dit plus haut, il est dans tous les cas indispensable de toujours respecter les protocoles et les recommandations d’utilisation du fabricant.

Conclusion

La désinfection est une étape d’une grande importance dans la lutte contre la transmission de l’infection. Elle doit faire l’objet de procédures standardisées et d’un contrôle permanent.
La désinfection ne remplace pas le nettoyage préalable, au contraire son efficacité en dépend.
Antisepsie et désinfection ne sont pas des opérations définitives, elles doivent être répétées régulièrement.
Toute erreur dans les protocoles peut avoir des conséquences graves.