I. Génétique
(cf. schéma en fin d'article)
La transmission de la maladie est autosomale récessive, c'est-à-dire indépendante du sexe et s'exprimant lorsque les deux chromosomes transmis par les parents sont porteurs du gène de la maladie.
Deux gènes béta hémoglobiniques s'expriment à égalité, l'un de provenance paternelle, l'autre d'origine maternelle.
Lorsqu'un seul chromosome est porteur du gène de l'HbS (transmis par la mère OU par le père), la maladie est dite hétérozygote, le porteur est sain.
Lorsque les deux chromosomes sont porteurs du gène (transmis par la mère ET par le père), la maladie est dite homozygote, le porteur est malade.
On distingue ainsi 3 génotypes majeurs :
- AA homozygote normal,
- AS hétérozygote asymptomatique,
- SS homozygote drépanocytaire malade.
Il est donc possible de prévoir le risque d'atteinte des enfants en fonction du génotype des parents (cf. tableau ci-dessous):
- Pour qu'un enfant soit malade, il faut que les deux parents soient transmetteurs, c'est-à-dire porteurs du gène de la drépanocytose.
- Si les deux parents ne sont porteurs d'aucun gène (AA/AA), le risque est nul, les enfants seront AA.
- Si l'un des parents est hétérozygote AS et l'autre parent normal (AS/AA), le risque de transmission du gène est de 50 %, les enfants porteurs étant alors tous hétérozygotes AS.
- Si les deux parents sont hétérozygotes (AS/AS), le risque de transmission du gène est de 75% (risque AS = 50% et risque SS = 25%)
- Si l'un des parents est normal AA et l'autre homozygote SS (AA/SS), le risque de transmission est de 100 %, tous les enfants seront AS.
- Si l'un des parents est hétérozygote et l'autre parent homozygote (AS/SS), le risque de transmission du gène est de 100 % (risque SS = 50% et risque AS = 50%).
- Si les deux parents sont homozygotes (SS/SS), le risque de transmission est de 100 %, tous les enfants seront homozygotes SS.
Important : pour tous les enfants issus de mêmes parents, le risque sera toujours le même. Par exemple, si l'un des parents est hétérozygote et l'autre parent homozygote (AS/SS) et si le premier enfant est SS, le deuxième enfant a toujours le même risque de 50 % d'être aussi SS.
Père -----> Mère l v | AA | AS | SS |
AA | AA = 100 % | AA = 50 % AS = 50% | AS = 100% |
AS | AA = 50% AS = 50% | AA = 25% SS = 25% AS = 50% | AS = 50% SS = 50% |
SS | AS = 100% | AS = 50% SS = 50% | SS = 100% |
II. Diagnostic biologique
1. Numération Formule Sanguine
Elle précise l'importance de l'anémie qui est variable, le taux d'hémoglobine variant en moyenne de 6 à 10 g/dI.
Il est important de connaître le taux d'hémoglobine basal afin d'évaluer les variations par rapport au taux habituel d'un patient. L'anémie est normochrome normocytaire. L'examen du frottis sanguin révèle la présence d'hématies en forme de "faucille" ou drépanocytes (figure 1), caractéristiques de la maladie. Les hématies ont une forme allongée, aux deux extrémités pointues, elles sont donc différentes des ovalocytes, ou elliptocytes, dont les extrémités sont arrondies (figure 2).
Le taux de réticulocytes est très élevé, sauf en cas d'érythroblastopénie.
La présence de corps de Jolly accompagne une atrophie splénique, on peut également retrouver une polychromatophilie, des ponctuations basophiles.
Le nombre d'érythroblastes circulants est variable, pouvant être très élevé au cours des accidents hémolytiques aigus.
Il est très important de les compter et de rectifier éventuellement le chiffre des globules blancs (les érythroblastes sont nucléés et comptés avec les leucocytes par les automates).

Il s'agit essentiellement d'érythroblastes polychromatophiles ou acidophiles (figures 3 et 4).

2. Bilan de l'hémolyse
La bilirubine libre est augmentée.
L'haptoglobine est effondrée.
3. Le test de EMMEL ou test de falciformation (tableau 1)
L'examen du frottis sanguin peut être négatif, il est alors possible de déclencher au laboratoire la falciformation, soit en rajoutant du métabisulfite au sang du malade, soit en créant artificiellement une atmosphère pauvre en oxygène.


On observe alors à l'état frais, entre lame et lamelle, les hématies qui prennent progressivement la forme typique en "faucille".
Le test est positif chez les drépanocytaires homozygotes et hétérozygotes.
4. Le test d'ITANO ou test de solubilité (tableau 2)
L'hémoglobine S, réduite par action d'hydrosulfite de sodium, précipite dans une solution de phosphate 2,24 M. Ce test est très utile, mais n'est que semi-quantitatif et n'est pas spécifique à 100 %, car d'autres hémoglobines, plus rares, peuvent également précipiter.
Il peut être faussement négatif chez le nouveau-né ou chez un porteur avec un taux faible d' HbS.
Comme pour le test d'EMMEL, un test positif ne permet pas de préciser s'il s'agit d'une drépanocytose homozygote ou hétérozygote.
5. L'électrophorèse de l'hémoglobine (tableaux 3 et 4)
Elle permet de poser le diagnostic en mettant en évidence la présence d'une fraction d'hémoglobine de migration différente des hémoqlobines normales.
Elle permet également de différencier les formes homozygotes des formes hétérozygotes, ainsi que la présence éventuelle d'une autre anomalie de l'hémoglobine associée (autre mutation ou thalassémie).
Le sang veineux est prélevé sur anticoagulant, principalement EDTA qui permet d'effectuer sur le même tube la NFS.
Le sang est ensuite lavé en eau physiologique et les hématies sont lysées. Cet hémolysat permet l'étude de l'hémoglobine.
L'électrophorèse de l'hémoglobine permet d'obtenir une séparation des différentes hémoglobines selon leur charge électrique et leur poids moléculaire.
Elle peut être pratiquée :
- sur acétate de cellulose en milieu alcalin, pH 8,6 = technique la plus utilisée,
- sur agarose en milieu acide, pH 6,2 qui permet de confirmer certaines hémoglobines anormales, en particulier en séparant les HbS, HbD, HbC et HbE.
L'hémoglobine normale adulte est composée d'hémoglobine A en grande majorité avec un taux d'hémoglobine A2 inférieur à 3,5 %.
Le sujet drépanocytaire ne possède pas d'hémoglobine A, mais il existe un taux variable d'hémoglobine A2 (2 à 4 %) et surtout d'hémoglobine F (1 à 15 %). Chez le sujet normal, l'hémoglobine F ou hémoglobine foetale, est présente en grande quantité à la naissance et le taux diminue progressivement pour disparaître vers l'âge de un an.
Il est intéressant de connaître le taux basal d'HbF. Cette hémoglobine diminuant le risque de falciformation, une drépanocytose homozygote avec un taux élevé d'HbF est de meilleur pronostic. Par ailleurs, les patients traités par Hydréa ont une augmentation de leur taux d'HbF.
Chez un individu drépanocytaire homozygote, l'électrophorèse révèlera donc trois bandes de migration :
- HbS : 75 à 95 %
- HbA2 : 2 à 4 %
- HbF : 1 à 15 %
Le diagnostic de drépanocytose est confirmé par la présence majoritaire d'HbS. Chez le sujet hétérozygote, le taux d'HbS est inférieur à 30 %.
Chez certains malades, lorsque deux mutations sont associées on parle de double hétérozygote ou d'hétérozygotie composite. Ces hétérozygoties composites (SC, Sβthal, SD punjab, SO arab...) conduisent aussi à un syndrome drépanocytaire symptomatique. Le diagnostic biologique doit être confié à un laboratoire spécialisé.
6. Isofocalisation électrique
Elle est effectuée sur un support de polyacrylamide chargé d'ampholytes et en présence d'un gradient de pH.
Cette technique est plus sensible et plus spécifique mais également plus coûteuse. C'est la méthode de choix pour les nouveaux-nés. Le prélèvement peut être réalisé sur du papier buvard et être transmis dans un laboratoire de référence utilisant cette technique. D'autres techniques peuvent être utilisées : dosage spectrophotométrique d'HbS et HbA2 après séparation sur microcolonnes échangeuses d'ions, HPLC (Chromatographie liquide de haute pression) pour des laboratoires spécialisés.
7. Biologie moléculaire
Le diagnostic est effectué par PCR (polymerase chain reaction) en utilisant des sondes nucléotidiques de synthèse reconnaissant les séquences mutées et normales. Le diagnostic est effectué après amplification génique de l'ADN de la séquence correspondant à la mutation. Cette technique est réservée aux laboratoires spécialisés.
Normal Nouveau-né | Normal Adulte | Hétérozygote | Drépanocytose homozygote | Double hétérozygote | |
Hémoglobine | A F > 80% A2 | A A2 < 3,5% | A S = 35 à 45% A2 < 3,50% | S > 90% F = 2 à 20% A2 < 3,50% | S C |
Matériel et réactif :
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Principe :
L'hémoglobine S, réduite par action de l'hydrosulfite de sodium, précipite dans une solution tampon phosphate de 2,24 M.
Réactifs :
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Tableau 3 : schéma d'une électrophorèse

8. Facteurs modulant la maladie drépanocytaire
a) Haplotypes drépanocytaires
Le bilan biologique d'un patient drépanocytaire comporte l'identification de son haplotype (environnement chromosomique différent selon les populations), qui permet d'apporter un élément pronostic.
b) Le taux d'HbF
C'est un facteur pronostique important puisque des taux élevés, supérieurs à 10 %, inhibent partiellement la falciformation. L'HbF, visible à l'électrophorèse, est au mieux dosée par HPLC.
Diagnostic ante-natal
Il est possible, lorsque les deux parents sont porteurs de la mutation (_cf.figure transmission de la drépanocytose_), de proposer un diagnostic ante-natal :
- par biopsie de trophoblaste à partir de la 11ème semaine, de grossesse,
- par amniocenthèse à partir de la 17 ème semaine.
### Réactifs
#### 1\. Tampon A (solution mère)
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III. Conclusion
Le diagnostic de drépanocytose, évoqué par la clinique ou recherché dans le cadre d'une enquête familiale, est biologique. La présence, spontanée ou provoquée, de drépanocytes sur frottis sanguins est caractéristique de la maladie, mais c'est l'étude de l'hémoglobine qui permet d'affirmer le diagnostic. L'électrophorèse de l'hémoglobine est le plus souvent suffisante pour poser le diagnostic de drépanocytose.
*_Glossaire_**
Gène = "morceau" d'ADN, unité d'hérédité contrôlant un caractère particulier, située à un endroit précis (locus) sur un chromosome.
Locus = emplacement précis d'un gène sur un chromosome.
Allèle = une des différentes formes que peut prendre un gène sur un chromosome. Les allèles d'un gène occupent la même position (locus) sur un chromosome.
Haplotype : "blocs" d'allèles situés sur le même chromosome définis par l'association de plusieurs mutations.
ADN : molécules constituant les chromosomes et présentes dans les cellules de tous les êtres vivants, mais chaque ADN est unique pour chaque individu.

Développement et Santé, n°182, 2006