Rhumatisme articulaire aigu : comment prévenir les rechutes ?

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Les rechutes du rhumatisme articulaire aigu (RAA) surviennent le plus souvent dans les deux premières années de la maladie : elles peuvent provoquer ou aggraver une lésion cardiaque.

Elles sont dues à une réinfection streptococcique pharyngée. C'est pour éviter ces réinfections que l'on prescrit aux enfants qui ont été atteints d'une première poussée de RAA une antibiothérapie prophylactique par la pénicilline qui est prolongée pendant au moins 5 ans. Le traitement est constitué d'une injection 2 fois par mois de benzathine-benzypénicilline : 600 000 Ul chez les enfants pesant moins de 30 Kg (1 200 000 UI si le poids dépasse 30 Kg).

I. Les valvulopathies du RAA : généralités

Les valves cardiaques doivent :

  1. lorsqu'elles sont ouvertes, n'entraîner aucune gêne appréciable à l'écoulement du sang;
  2. lorsqu'elles sont fermées, ne laisser au sang aucune possibilité de refluer dans la cavité qu'il vient de quitter.

Pour chacune des valves, l'une de ces caractéristiques peut être en défaut :

  1. On parle de rétrécissement valvulaire lorsque l'orifice ouvert entraîne une gêne à l'écoulement du sang : la conséquence hémodynamique est l'apparition d'une différence (gradient) de pression entre deux cavités contiguës pendant le temps d'ouverture valvulaire.
  2. On parle d'insuffisance valvulaire lorsque l'orifice fermé laisse refluer le sang dans la cavité qu'il vient de quitter : la conséquence hémodynamique est un travail ventriculaire inutile, soit que le ventricule éjecte dans deux directions différentes (insuffisance mitrale), soit qu'une partie du volume éjecté retombe dans le ventricule (insuffisance aortique).

Nous n'envisagerons que les valvulopathies mitrales et aortiques en raison de la rareté des affections des valves du coeur droit.

II. Le rétrécissement mitral

Il survient plusieurs années après le début du RAA. Le rétrécissement de l'orifice mitral entraîne une gêne à l'écoulement du sang de l'oreillette gauche vers le ventricule gauche, sa conséquence hémodynamique la plus importante est l'augmentation de la pression dans l'oreillette gauche et donc au niveau du capillaire pulmonaire.

La cause de rétrécissement mitral (RM) est dans la quasi-totalité des cas le rhumatisme articulaire aigu (RAA). La fréquence du RAA a considérablement diminué ainsi que celle du rétrécissement mitral.

1. Les signes fonctionnels

Ils découlent directement de l'élévation de la pression capillaire pulmonaire et sont comparables à ceux de l'insuffisance ventriculaire gauche (IVG). Cependant il ne faut pas confondre le RM et I'IVG, le rétrécissement mitral est la seule valvulopathie gauche qui n'ait pas de retentissement direct sur le fonctionnement ventriculaire gauche.

Les symptômes ressentis par le malade sont une dyspnée d'effort ou de décubitus. L'affection peut se compliquer d'oedème aigu pulmonaire.

La gravité des symptômes dépend du degré de rétrécissement mais aussi du débit cardiaque. Cela explique que les symptômes du rétrécissement mitral apparaissent habituellement lorsque le débit cardiaque augmente au cours de l'effort, au cours des syndromes fébriles, lors d'une surcharge sodée ou au cours de la grossesse.

Une autre circonstance révélatrice est le passage en arythmie complète.

Les oedèmes pulmonaires larvés survenant à l'effort sont assez particuliers au rétrécissement mitral.

L'hyperpression capillaire pulmonaire peut retentir en amont et entraîner une défaillance ventriculaire droite. A l'inverse, en cas de rétrécissement mitral peu serré, le malade peut ne présenter aucun symptôme fonctionnel : l'anomalie valvulaire est alors une découverte d'auscultation.

2. Les signes d'auscultation

Les anomalies auscultatoires perçues au cours du rétrécissement mitral siègent à la pointe, c'est-à-dire au cinquième espace intercostal au niveau de la ligne médioclaviculaire.

Les deux bruits (B1 et B2) sont modifiés :

  • il existe un éclat du premier bruit, causé par la fermeture brusque des valves mitrales indurées ;
  • il existe un dédoublement espacé du deuxième bruit. Après le B2 normal, on perçoit une deuxième composante qui est causée par l'ouverture des valves mitrales, c'est le claquement d'ouverture mitral.

La systole est libre.

Au cours de la diastole, on entend un bruit sourd dont les caractères évoquent un roulement : on n'emploie jamais le mot souffle pour caractériser cette anomalie auscultatoire. Ce roulement est provoqué par le passage du sang en régime turbulent à travers l'orifice mitral rétréci. Il est maximal en début de diastole et commence juste après le claquement d'ouverture mitral. Son intensité décroît pendant la diastole. Lorsque survient la systole auriculaire, le débit de sang à travers l'orifice augmente à nouveau et le roulement se renforce avant l'éclat du premier bruit. Ce renforcement n'existe pas chez le malade en arythmie complète. L'intensité du roulement peut être augmentée en demandant au malade de faire un effort modéré.

Tous les signes sont mieux perçus en demandant au malade de se placer en décubitus latéral gauche et de vider complètement ses poumons.

3. Les signes radiologiques

La radiographie montre essentiellement une dilatation auriculaire gauche plus ou moins importante et des images de surcharge vasculaire pulmonaire : redistribution apicale ou images franches d'oedème pulmonaire.

III. L'insuffisance mitrale

La fermeture incomplète de l'orifice mitral au cours de la systole entraîne une fuite du sang du ventricule gauche vers l'oreillette gauche. Les deux principales conséquences hémodynamiques sont :

  • une augmentation du volume éjecté par le ventricule gauche aboutissant à un excès de travail ventriculaire,
  • une augmentation du volume contenu dans l'oreillette gauche, ce qui aboutit souvent à une élévation des pressions au niveau du capillaire pulmonaire.

L'insuffisance mitrale peut être due au RAA. Actuellement cette cause diminue de fréquence. La cause désormais la plus fréquente est constituée par les anomalies constitutionnelles des cordages. Lorsqu'un cordage de la valve mitrale est trop long, la valve mitrale tend à faire saillie dans l'oreillette gauche au cours de la systole. On dit que la valve mitrale "ballonnise". A un degré de plus, la valve mitrale peut s'éverser dans l'oreillette gauche en fin de systole. Ces anomalies sont connues sous le nom de prolapsus valvulaire mitral. Le prolapsus valvulaire mitral est une anomalie anatomique fréquente : il n'a habituellement pas de conséquence clinique. Sa principale complication est la rupture du cordage malformé, ce qui aboutit à la constitution d'une insuffisance mitrale sévère. Une rupture de cordage ou une rupture de pilier peut également s'observer au cours des cardiopathies ischémiques, réalisant une insuffisance mitrale aiguë particulièrement sévère. Enfin, l'insuffisance mitrale peut être due à une mutilation des valves par une infection (endocardite infectieuse).

1. Les signes fonctionnels

Les signes fonctionnels de l'insuffisance mitrale sont les signes de l'insuffisance ventriculaire gauche qui en résulte.

L'apparition des signes peut se faire progressivement, à mesure que se dégrade la fonction ventriculaire gauche, mais aussi brutalement. C'est le cas lorsque l'anomalie de l'appareil mitral s'est constituée brutalement, par exemple rupture d'un cordage au cours d'un prolapsus valvulaire mitral, rupture d'un pilier au cours d'un infarctus du myocarde, endocardite mitrale.

C'est aussi le cas lorsque l'insuffisance mitrale se complique d'une arythmie complète par fibrillation auriculaire, ce qui est fréquent. Dans ce cas, en effet, la disparition de la contraction auriculaire a un retentissement hémodynamique sévère, à la fois parce que le remplissage ventriculaire gauche diminue et parce que la vidange de l'oreillette gauche se fait moins bien.

Les signes fonctionnels peuvent être totalement absents, l'affection est alors découverte par l'auscultation.

2. Les signes d'auscultation

Les anomalies auscultatoires sont entendues à la pointe. Leur perception est facilitée en demandant au malade de se mettre en décubitus latéral gauche et d'expirer complètement. La principale anomalie perçue est l'existence d'un souffle systolique.

Le souffle débute en même temps que survient B1. En effet, la fermeture mitrale (qui marque le début de la contraction ventriculaire) étant incomplète, elle s'accompagne du début de la régurgitation.

La pression dans l'oreillette gauche est, pendant toute la systole, inférieure à la pression ventriculaire gauche. De ce fait, le souffle occupe toute la systole et cesse quand la pression ventriculaire gauche devient inférieure à la pression auriculaire gauche, soit un peu après le deuxième bruit du coeur.

Ce souffle systolique est habituellement intense. Son intensité est constante durant la systole. Il masque souvent les bruits du coeur. Maximal à la pointe, il irradie largement dans l'aisselle et il est parfois entendu dans le dos. L'auscultation attentive de la diastole est particulièrement importante :

  • Elle permet parfois d'entendre en début de diastole un bruit sourd unique, c'est une exagération du troisième bruit physiologique. Ce bruit est dû au fait que, dès le début de la diastole, l'oreillette dilatée se vide d'une grande quantité de sang dans un ventricule dilaté. Le B3 est perçu dans les fuites volumineuses.
  • Par ailleurs, on recherche les signes d'un rétrécissement mitral associé, leur présence fait porter le diagnostic de maladie mitrale (maladie = rétrécissement + insuffisance).

3. Les signes radiologiques

La radiographie montre essentiellement une dilatation ventriculaire gauche et une dilatation auriculaire gauche.

IV. L'insuffisance aortique

La fermeture incomplète des valves aortiques durant la diastole provoque un reflux du sang de l'aorte vers le ventricule gauche.

Les trois principales conséquences hémodynamiques sont :

  • l'augmentation du travail de volume et de pression du ventricule gauche. Ce dernier reçoit du sang simultanément de l'oreillette gauche et de l'aorte, ce qui constitue une augmentation du travail de volume ; il doit ensuite éjecter ce volume sanguin excessif à travers un orifice aortique normal, ce qui constitue une augmentation du travail de pression ;

  • la diminution de la perfusion coronaire : celle-ci se fait au cours de la diastole, en grande partie grâce au sang présent dans la racine de l'aorte : l'insuffisance aortique détourne ce sang de sa destination normale ;

  • la diminution de la pression dans l'aorte au cours de la diastole : ce fait est responsable d'un élargissement de l'écart entre pression artérielle systolique et pression artérielle diastolique.

Les causes des insuffisances aortiques sont le rhumatisme articulaire aigu et les endocardites infectieuses.

1. Les signes fonctionnels

Ils traduisent soit l'insuffisance ventriculaire gauche, soit l'insuffisance coronaire. Qu'il s'agisse d'angor d'effort ou de dyspnée d'effort, ils signifient l'existence d'une fuite aortique importante.

Dans les insuffisances aortiques modérées, l'affection est découverte par l'auscultation.

2. Les signes d'auscultation

Ils sont perçus au foyer aortique et surtout le long du bord gauche du sternum.

Leur perception est facilitée en demandant au malade de s'asseoir en position légèrement penchée en avant et d'expirer à fond.

L'anomalie caractéristique est un souffle diastolique. Il débute immédiatement après le deuxième bruit du coeur (fermeture incomplète des sigmoïdes). Son intensité est immédiatement maximale et croît tout au long de la diastole. Il est habituellement d'intensité faible, doux et il ressemble au bruit d'une aspiration d'air. Comme il passe facilement inaperçu, l'auscultation doit être particulièrement attentive.

Lorsque l'insuffisance aortique est importante, on perçoit un souffle systolique d'accompagnement qui traduit l'éjection accrue du sang. Ce souffle systolique fait discuter l'association à un rétrécissement aortique.

3. Les signes périphériques

La prise de la pression artérielle montre un élargissement de l'écart entre pression artérielle systolique et pression artérielle diastolique.

La pression artérielle diastolique est inférieure à la moitié de la pression systolique. Plus elle est basse et plus l'insuffisance aortique est grave.

L'élargissement de la différentielle a des conséquences sur le pouls : le pouls est ample, puis rapidement dépressible. Les pouls artériels sont partout aisément perçus et parfois même visibles.

4. Les signes radiologiques

La radiographie montre l'existence d'une dilatation ventriculaire gauche d'autant plus importante que la fuite est plus abondante.

V. Conclusion

Pour toutes ces valvulopathies graves le diagnostic est devenu facile grâce à l'échographie cardiaque.

La chirurgie cardiaque est le seul véritable traitement curatif mais elle est chère et dangereuse. Alors mieux vaut prévenir: TRAITER LES ANGINES.

Développement et Santé, n°155, octobre 2001