Drépanocytose : traitement par l'hydroxyurée

Par Dr Brigitte RETALI

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Utilisée depuis plus de 25 ans, l’hydroxyurée est le médicament efficace sur la prévention et/ou l'atténuation des crises vaso-occlusives (CVO) et des syndromes thoraciques dans la drépanocytose. En 2016, elle est cependant sous-utilisée si l’on considère son efficacité, sa tolérance et son faible coût.

Indications

Les indications sont les crises vaso-occlusives sévères, la répétition de syndromes thoraciques, le risque d'accident vasculaire cérébral (AVC) dans les strictes conditions exposées ci-dessous, le priapisme et l’anémie sévère en dessous de 7 g/dl . L'hydroxyurée est habituellement prescrite à partir de l'âge de 2 ans, certaines équipes l'ont utilisée dès l'âge de 6 mois. Elle peut concerner jusqu'à 25 % des patients .

Efficacité

Elle a été bien établie par de multiples études, en termes de réduction de la mortalité et de diminution des événements douloureux et des jours d’hospitalisation .
Les syndromes thoraciques sont moins fréquents et moins intenses chez les patients traités par ce médicament. Il en résulte une meilleure qualité de vie et une meilleure espérance de vie.

L' étude belge de A.Ferster, datant de 1996 a comptabilisé une disparition des évènements aigus chez 73 % des patients traités. Pour des raisons éthiques, une partie des études plus récentes ne comporte plus de groupe placebo compte tenu de l'efficacité du traitement.

Récemment, son efficacité a été démontrée sur les atteintes d’organes ( protéinurie, HTAP..)

Tolérance

Elle est bonne aux doses préconisées, entre 10 et 20 mg/kg/j. Toutefois, des doses plus élevées ont été utilisées jusqu'à la dose maximale tolérée de 30 voire 35 mg/kg/j.
On peut observer des nausées, céphalées, une alopécie ou une coloration noire des ongles.

Sur le plan hématologique, les cytopénies profondes sont rares et réversibles lors de la suspension du traitement, autorisant sa reprise ultérieure.
Cependant, en milieu africain, du fait de la fréquence des malnutritions et des risques infectieux particuliers, l’augmentation de la posologie doit être prudente.

Le risque oncologique est nul au regard de l’importance des cohortes traitées pendant plus de 15 ans.

La surveillance de la croissance des enfants traités montre qu'elle est tout à fait normale.

Cependant, les conséquences sur la fertilité chez l’homme doivent retenir l’attention du prescripteur. Ainsi, une oligo voire azoospermie peut survenir pendant le traitement ; elle est le plus souvent réversible mais ce risque peut déclencher beaucoup de réticences à la prescription. Il ne faut pas oublier que les patients atteints de formes sévères présentent de ce fait des altérations du spermogramme en dehors de tout traitement.

La fécondité des femmes traitées n’est pas diminuée et une contraception peut être conseillée pendant la prise du traitement. Il n'a pas été mis en évidence à ce jour d’anomalies cliniques chez les enfants exposés in utero.
Cependant, la suspension du traitement est conseillée pendant 4 mois avant la conception, tant pour les femmes que pour les hommes traités.

Il faut savoir que des épisodes de séquestration splénique peuvent survenir chez des patients prenant de l'hydroxyurée.

Mécanismes d'action

Ce sont l'augmentation de l'hémoglobine foetale, dont on connaît l'effet protecteur, et également la diminution des globules blancs et des réticulocytes, et enfin la diminution de l'adhérence des globules rouges aux cellules de l'endothélium vasculaire.

Mise en route et surveillance du traitement

C'est un traitement au long cours dont l'effet se manifestera au bout de 8 semaines à 6 mois. Il est donc nécessaire de bien préparer la patient et sa famille aux contraintes de suivi, en particulier des consultations cliniques et des contrôles de NFS.

Le traitement est initié à la dose de 10 mg/kg /j ; son efficacité et sa tolérance seront évaluées au bout de 6 semaines et si l'effet thérapeutique n'est pas obtenu, une augmentation des doses est possible tous les 3 mois, par paliers de 5 mg/kg/j , en ayant contrôlé l'absence de cytopénie par une NFS à la consultation. En particulier lors d'une escalade thérapeutique nécessitée par la persistance de symptômes, la dose maximale tolérée doit être recherchée par la surveillance hématologique régulière.

Les critères occidentaux de tolérance sont > 2000 PN , > 6,5 g Hb , > 80,000 plaquettes. Certains auteurs africains recommandent d'autres critères 4000 PN, 150.000 plaquettes. La surveillance des NFS peut être espacée chez les patients contrôlés avec des doses modérées d'hydroxyurée, et il n'est pas nécessaire de chiffrer le taux d'HbF, le résultat clinique est primordial .

Les vaccins vivants sont contre-indiqués pendant la prise du traitement, aussi il est préférable que l'enfant ait reçu les vaccins rougeole et fièvre jaune avant l'instauration de celui-ci.

Les doses de traitement seront adaptées à l'évolution du poids chez l'enfant. C'est un traitement de longue durée et la compliance au traitement doit être abordée à chaque consultation .

L’administration du médicament est facile en une prise par jour de préférence le matin. Les capsules sont dosées à 500 mg. Le sirop disponible dans les pays développés est plus onéreux et plus difficile à conserver en cas de forte chaleur.

En cas de vasculopathie cérébrale, ce traitement n'est pas toujours efficace. Les patients avec une « simple » accélération du doppler trans crânien devraient en priorité recevoir une transfusion mensuelle pendant 3 mois . L'indication d'hydroxyurée est alors possible, seulement si le doppler est normalisé, et idéalement après avoir vérifié la normalité de l' IRM . Il faut ensuite contrôler que l'accélération du doppler ne réapparait pas. En revanche, pour les patients déjà victimes d'un AVC, seul le programme transfusionnel a fait, aujourd'hui la preuve de son efficacité à prévenir la récidive.

L'intérêt médico économique de l'hydroxyurée a été établie en occident . En avril 2013, l'OMS a inscrit l'hydroxyurée comme médicament essentiel pour les enfants dans la liste complémentaire pour le traitement des hémoglobinopathies. On peut d'ores et déjà considérer ce traitement comme une opportunité pour les patients des pays en développement.